Aimer à tout âge

Aimer à tout âge
Seniors
  • Quelle que soit son orientation sexuelle, peut-on aujourd’hui vivre une vie sentimentale et sexuelle lorsqu’on est résident·e en EHPAD ?
  • A l'occasion de la journée internationale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie, le Département et la Ville de Saint-Denis proposaient une table ronde « Etre soi à tout âge, juste une question d’amour ».
  • Une rencontre autour du tabou sociétal du désir de vivre l'amour au grand âge et de la question des discriminations et des LGBTphobies chez les seniors.

On a coutume de dire que la Seine-Saint-Denis est le département le plus jeune de France, mais il ne faut pas oublier que 280 000 habitants de notre département ont plus de 60 ans. D’ici une décennie, ils·elles seront plus de 400 000. Et comme le soulignait Orianne Filhol, conseillère départementale déléguée à la lutte contre les discriminations et maire-adjointe de Saint-Denis, chargée des solidarités, de l’accès au droit, des droits des femmes et de la lutte contre les discriminations : « Parmi ces seniors, comme ailleurs… une diversité d’orientations sexuelles qu’il importe dès maintenant de prendre en compte. (…) Il nous a semblé nécessaire d’organiser cet après-midi d’échanges pour faire évoluer les représentations, ainsi que les pratiques professionnelles au sein de nos organisations, collectivités, entreprises, institutions ou associations. Pour se questionner sur comment mieux accueillir les personnes dans le respect de leur identité, comment créer un environnement safe pour elles.  »

Le tabou de la vie affective et sexuelle en EHPAD

« En EHPAD, la vie intime va mieux qu’il y a dix ans mais reste un tabou », explique Marie Chéron, directrice de l’EHPAD Korian le Tulipier à Rosny-sous-Bois.  » Le personnel est en crainte vis-à-vis du sujet, et plus encore la famille. Le problème des enfants, c’est qu’ils n’imaginent pas que leurs parents ont une vie sexuelle. Pourtant, l’EHPAD est un lieu de rencontre !  Très souvent, des familles se plaignent, disent : « Ce Monsieur suit sans cesse notre mère, il l’importune et nous gêne. » Et nous devons souvent leur répondre, avec tact : « Mais vous savez, c’est votre mère qui est allée la première vers cet homme, et c’est elle qui recherche sa compagnie !»

A la tribune, Stéphane Sauvé de l'Association Les Audacieux et les Audacieuses, Oriane Filhol, Maire-adjointe de Saint-Denis, chargée des Solidarités, de l'Accès au droit, des Droits des femmes et de la Lutte contre les discriminations, Conseillère départementale déléguée à la lutte contre les discriminations et Stéphane Blanchet Vice-président du Département chargé de l'Autonomie.

Stéphane Sauvé de l’Association Les Audacieux et les Audacieuses, Oriane Filhol, Maire-adjointe de Saint-Denis, chargée des Solidarités, de l’Accès au droit, des Droits des femmes et de la Lutte contre les discriminations, Conseillère départementale déléguée à la lutte contre les discriminations et Stéphane Blanchet Vice-président du Département chargé de l’Autonomie.

"Sans sexualité, pas de vie. Lorsqu'il n'y a plus de pulsion sexuelle, la personne meurt. Elle s'enfonce doucement dans la tristesse et le dépérissement."
Delphine Gillet psychologue spécialisée en gériatrie

Si le désir d’une vie affective et sexuelle est également présent chez les personnes âgées résidant à leur domicile, le problème est différent, comme l’explique Sophie Simon et Chadeneau, de l’association Service pour bien vivre à domicile : « Il y a un important problème d’isolement. Certaines personnes disent qu’elles ont fait le deuil de la vie affective. D’ailleurs ce type de pensées interviennent souvent après de nombreux deuils de personnes proches. » Une situation très préoccupante, ce que confirme Delphine Gillet, psychologue spécialisée en gériatrie : « Sans sexualité, pas de vie. Lorsqu’il n’y a plus de pulsion sexuelle, la personne meurt. Elle s’enfonce doucement dans la tristesse et le dépérissement. »

Créer un environnement sûr

« Quant aux LGBT, le sujet est tabou chez les professionnels » reprend Stéphane Sauvé de l’association Les Audacieux et les Audacieuses. « La réponse est le plus souvent : « ça ne nous regarde pas ». Il faut pourtant créer un environnement sûr où l’on puisse parler librement, dire clairement les choses, parler de fellation, de masturbation… Car la non prise en compte de ce désir vital peut entraîner des actes inappropriés. »

Mais quelles solutions serait-il possible de mettre en place pour permettre aux résident·e·s d’EHPAD de vivre une vie affective et sexuelle ? Marie Chéron répond :  » Les établissements ont été construits comme des lieux de soins, et non des lieux de vie ou de bien-être. Il n’y a presque plus de chambres doubles. Si un couple entre en EHPAD, les deux sont dans des chambres séparées, avec des lits médicalisés pour une personne, ce qui ne facilite pas le rapprochement ! Les chambres n’ont pas de verrou, pas de clef. Pour permettre une sexuelle et affective, il faut lui laisser une place dès la construction du projet personnel à l’arrivée du ou de la résidente, pour qu’il·elle puisse en parler à ce moment-là, ou savoir que plus tard, selon ses envies et besoins, elle pourra en parler. Ensuite cela passe par des actions concrètes. Pouvoir fermer la porte ou mettre un écriteau « Ne pas déranger », avoir des chambres doubles… »

Stéphane Sauvé témoigne :  » J’ai longtemps été directeur d’EHPAD, et la principale préoccupation, c’est de se couvrir juridiquement et d’éviter les risques. Tout directeur à la crainte de voir arriver la famille en colère en disant : « Mon père, ma mère est tombée ! C’est inadmissible ! » Alors qu’une personne âgée qui chute, c’est normal ! Surtout si elle a décidé de faire un câlin sur un lit médicalisé. Vouloir sécuriser à tout prix, c’est contradictoire avec une vie sexuelle. »

Photos : Nicolas Moulard

 

Prendre en compte les personnes LGBT+

En France on compte 1 million de personnes LGBT+ de plus de 60 ans. Cette population doit aussi pouvoir vieillir et vivre une vie affective et sexuelle. Mais qu’est-ce que cela implique dans les EHPAD ? Réponse de Stéphane Sauvé, dont l’association Les Audacieux – les Audacieuses favorise les conditions du bien vieillir des seniors sans soutien familial, LGBTI+, PPVIH: « Nous devons faire en sorte que ces personnes n’aient plus peur, qu’elles n’aient pas à justifier leur mode de vie. Il faut garantir un environnement bienveillant, être attentif aux histoires de toutes et tous. Cela passe par une modification du questionnement, en éviter de genrer. Plutôt de demander à un homme s’il a une femme ou à une femme si elle a un homme, demander : « Est-ce qu’il y a une personne dans votre vie ? » Ou même : « Avez-vous un compagnon ou une compagne ? » Il n’y aura peut-être pas de réponse tout de suite, il ne faut pas oublier que les personnes LGBT+ âgées ont passé leur vie à se cacher ou se méfier. Mais la personne verra que son interlocuteur est ouvert au sujet, qu’elle pourra en parler si elle en ressent le besoin. »

Autre élément important souligné par les participant·e·s de la table ronde, c’est le besoin de l’entre-soi, de se retrouver entre personnes LGBT+. Elles ont vécu les mêmes choses tout au long de leur vie, et comme tout le monde il leur est agréable de se retrouver ensemble, entre personnes qui se comprennent. Ce qui pose question, car le Département mène une politique d’inclusion. Alors comment concilier inclusion et besoin d’entre soi ? Le chantier est encore vaste et la seule garantie de progrès est de maintenir le dialogue et l’écoute…

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