Les jeunes aidants à l’honneur en Seine-Saint-Denis

Les jeunes aidants à l’honneur en Seine-Saint-Denis
jeunes aidants
  • Depuis deux ans, l’association Jade mène des actions de sensibilisation en Seine-Saint-Denis pour les jeunes aidants.
  • Le 4 octobre, elle était invitée par le Département à l’espace Tête à tête, un espace dédié aux 13-25 ans situé dans le centre commercial Rosny 2.
  • Le 6 octobre, les jeunes aidants étaient à l’honneur avec une conférence et la projection du film documentaire « Plus grand que soi » au théâtre Berthelot à Montreuil.

On estime à 700 000 le nombre de jeunes aidant.e.s âgé.e.s de 8 à 25 ans en France. Selon ADOCARE, l’étude nationale menée en 2020-2021 par JAID auprès de lycéens, « 43% de cette population avait un proche malade ou en situation de handicap dans son entourage et 14% apportait une aide significative et régulière à ce proche. Pour l’aider par exemple à se déplacer, à faire sa toilette ou des soins et plus globalement au sein du foyer en préparant le repas ou en faisant les courses » explique Aurélie Untas, psychologue à Paris 1-Sorbonne qui a dirigé cette étude.

On estime qu’un tiers de ces jeunes aidant.e.s craque et qu’un quart se sent déboussolé.e.

 

En regardant, le très émouvant film documentaire « Plus grand que soi » qui suit trois jeunes aidants, on saisit à la fois leur détresse, leur souffrance et le poids de la responsabilité qui leur incombe à un si jeune âge. Leurs proches, une mère, un père, un frère malade ou handicapé, qu’il et elles aident au quotidien. Eva 18 ans, Alice 16 ans s’occupent de leur petit frère Lubin. A 3 ans, le garçon a déclenché une maladie qui l’oblige à se déplacer en fauteuil roulant électrique. « Il faut être là, à son écoute avec des mots qui rassurent. On prépare à manger, et on fait presque autant les courses que nos parents. » expliquent les sœurs. Il y a aussi Martin 17 ans, qui depuis l’accident de son père n’a plus aucun souvenir de sa vie d’avant et subit le comportement agressif de son père, une conséquence de son grave traumatisme crânien. Et Cynthia, 15 ans, si empathique avec sa mère qu’elle souffre au point de se retrouver hospitalisée elle-même pendant près de deux ans, écrasée sous cette lourde charge d’aidante.

 

« On a de plus en plus de jeunes aujourd’hui qui sont scolarisés, ou qui travaillent et qui aident leurs proches. »

Isma Zalambani Osmane, conseillère technique sociale à la direction de l’autonomie.

Grâce à des chansons que Martin a écrit sur sa situation de jeune aidant, grâce aux petits films et dessins de Léa, Alice, Cynthia la parole se libère lors de séjours de répit proposés par l’association Jade pendant les vacances de la Toussaint et de février, au domaine de Chamarande en Essonne. Des séjours gratuits pour les enfants de 8-13 ans et pour les ados de 14 à 18 ans. « Ce sont des jeunes qui n’osent pas parler de leurs difficultés, explique Catherine Billoet de l’association Jade. On assiste à des coups de blues quand ils arrivent à l’atelier. Tout d’un coup ils ne sont plus aidants de leur proches et c’est comme s’il leur manquait quelque chose. Pendant cette semaine de répit, on leur propose de l’art thérapie pour qu’ils s’expriment sur leurs expériences sur ce que c’est qu’être aidant. C’est un temps où ils sont entre eux, ils se comprennent, ils deviennent même copains. »

Depuis deux ans l’association Jade mène des actions de sensibilisation en Seine-Saint-Denis pour les jeunes aidants pour les informer sur leurs droits en allant à leur rencontre, comme le 4 octobre, dans le centre commercial Rosny 2. Une action menée au Tête à tête, un espace du Département qui s’adresse aux 13-25 ans et répond à leurs questions (cf. ci-dessous le témoignage poignant de Mohamed 20 ans qui vit à Villepinte).

Mohamed, 20 ans, Villepinte, jeune aidant.
« Ma grand-mère a 91 ans et mon grand-père 98. Ils sont fatigués. Quand on vieillit, on n’a plus le même moral. J’habite à 5 minutes de chez eux. J’ai commencé à les aider à l’âge de 14 ans. Je fais leurs courses. Je leur donne leurs médicaments. Mon grand-père a fait trois AVC. Je dors là-bas, je parle avec eux, ça me fait plaisir de m’occuper d’eux. Comme je travaille de nuit, de 4h à 9h45, je peux le faire tous les jours. »
Mohamed, 20 ans, Villepinte, jeune aidant.

A Aubervilliers, le Centre de Ressources Autisme Ile-de-France (CRAIF) propose lui aussi des formations gratuites à l’attention des jeunes qui ont des frères ou des sœurs autistes. Des groupes de parole sont ouverts aux 6-10 ans, aux 10-16 ans et un atelier par mois pour les aidants de plus de 16 ans.

« L’objectif c’est de leur apprendre ce que c’est l’autisme. Comment on peut jouer avec un frère/une sœur autiste. Comment on peut les accompagner dans un musée, ou pratiquer du sport avec eux/elles. Ces ateliers permettent de libérer la parole explique Clémence Ayrault du CRAIF. Sur notre site il y a aussi des podcasts « Tous pareil ou presque » avec des témoignages, des bandes dessinées « Ma sœur/mon frère autiste et moi » sur la thématique des jeunes aidants. »

Le CRAIF propose aussi de la formation transversale à l’attention des aidants et des profesionnel.le.s sous forme e-learning avec le kit ABC qui permet de se mettre à la place de la personne autiste en la plongeant en inconfort cognitif et sensitif de façon à lui faire ressentir ce qu’elle ressent www.formation-craif.org.

Actuellement, une étude auprès des 11 à 14 ans est en cours pour connaitre l’impact sur la vie scolaire, sociale, et familiale de ces très jeunes aidants. Huit collèges de Seine-Saint-Denis y participent.

Un enjeu majeur de santé publique

« Peut-être que souvent les jeunes aidants eux-mêmes ont du mal à s’identifier comme tels, et ils n’osent pas demander pour eux-mêmes de l’aide, du répit. D’autres part, nous, l’ensemble des acteurs institutionnels, manquons de repère et de connaissance pour identifier ces situations et donc intervenir à leurs côtés, suffisamment efficacement. C’est un enjeu majeur de santé publique à sortir de l’ombre ce continent invisible des jeunes aidants. »

Stéphane Troussel, président du Département de la Seine-Saint-Denis

Crédit photos : Nicolas Moulard

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  • FUENTES GONZALEZ

    Je m’occupe de mon mari depuis son AVC déc 1998, notre fils avait 3 ans. Aujourd’hui il a 28 ans et c’est lui qui est à notre petit soins, car en 2019 et 2020 pendant l’épidémie je subit deux lourdes chirurgies du cœur ouvert. Mon fils n’est travaille pas ( RSA) avec une scolarités très perturbé, sans profession et coincé dans cette famille en détresse…j’ai sent beaucoup de culpabilité par rapport à mon fils et son avenir…

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