Auschwitz, pour ne pas oublier

Auschwitz, pour ne pas oublier
Mémoire
  • Les 27 et 28 février, 100 élèves provenant de 3 collèges de Seine-Saint-Denis se sont rendus à Auschwitz, en Pologne, dans le cadre d’un voyage organisé par le Mémorial de la Shoah et le Département.
  • "Rappeler l’histoire, c’est éviter qu’elle se répète" a déclaré Stéphane Troussel, président du Département, lors de ce voyage.

« Même si on avait déjà appris l’essentiel sur la Shoah au collège, voir les lieux, c’est pas la même chose, ça donne une dimension plus concrète, plus réelle. » Adem, élève de 3e au collège Honoré de Balzac à Neuilly-sur-Marne est encore sous le choc de sa visite, le matin même, du camp de Birkenau.

Avec Auschwitz 1, ce camp a formé la plus grande machine de mort dans le système d’extermination mis en place par les nazis : du printemps 1940 à sa libération le 27 janvier 1945, 1,1 million de personnes y ont été assassinées, dont 960 000 Juif·ve·s, déportés de toute l’Europe. Y furent aussi tués et menés à la chambre à gaz des résistant·e·s, des Tsiganes, des prisonniers polonais et soviétiques.

Pour ne jamais oublier ce génocide, le Département, en partenariat avec le Mémorial de la Shoah, a pris cette année l’initiative d’emmener sur les lieux de cette tragédie 97 élèves de 3 , venant des collèges Aretha-Franklin à Drancy, Romain-Rolland à Clichy-sous-Bois et Honoré de Balzac à Neuilly-sur-Marne.

Déshumanisation

« A l’heure où beaucoup de survivants du génocide ont maintenant disparu, il faut transmettre la mémoire autrement. Cela passe aussi par ce genre de voyages, même si ce n’est pas le seul moyen », explique Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah de Paris et de Drancy. Un déplacement évidemment préparé en amont avec leurs professeur·e·s, pour amortir le choc, pour donner du sens aussi. Sur la « Bahnrampe » – le lieu d’arrivée des trains à quelques dizaines de mètres des chambres à gaz en fonctionnement à Birkenau entre 1942 et 1944 – Lou-Ann et Zenan redemandent ainsi : « Et les enfants, il leur arrivait quoi ? » Leur professeur d’histoire-géo leur répond par un désarmant : « Vous vous souvenez, avant 15 ans et après 50 ans, les Juifs avaient très peu de chances d’être intégrés au camp de travail, ils étaient envoyés directement aux chambres à gaz. »

Kévin Magnin, guide pour le Mémorial de la Shoah, évoque devant eux quelques-uns des mécanismes à l’œuvre dans tout génocide : « A leur arrivée, les Juifs qui n’étaient pas directement mis à mort étaient tatoués. Ils cessaient ainsi d’être des personnes pour devenir des numéros. Ce procédé participait de la déshumanisation que souhaitaient les nazis. » La visite du camp d’Auschwitz 1, avec son entrée tristement célèbre « Arbeit macht frei » (Le travail rend libre), est tout aussi pesante. Ici, les élèves qui en grande majorité connaissaient déjà Simone Veil font connaissance avec des figures de résistantes comme Charlotte Delbo, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Danielle Casanova, toutes internées au Fort de Romainville avant d’être déportées.

Tournés vers l’avenir

Mais au-delà de la mémoire, il y a aussi l’avenir, essentiel pour des jeunes gens de 14-15 ans. « C’est vous la jeunesse qui transmettrez la mémoire de cette page terrible de l’histoire de l’humanité. Aujourd’hui en Europe, en France, on voit se multiplier les discours racistes et xénophobes. Or rappeler l’histoire, c’est éviter qu’elle se répète. », soulignait Stéphane Troussel, le président de la Seine-Saint-Denis, au cours de la cérémonie tenue aux côtés d’autres élu·e·s du territoire au Monument international aux victimes d’Auschwitz-Birkenau. Ou pour le dire avec les mots de Ginette Kolinka, 99 ans, internée à Drancy en 1944 et revenue d’Auschwitz : « La haine, c’est déjà un pied à Auschwitz. »

 

Crédits photo : Nicolas Moulard

Christophe Lehousse

Découvrez le reportage vidéo

Une mise en réseau des lieux de mémoire en Seine-Saint-Denis

La Cité de la Muette à Drancy, le Fort de Romainville aux Lilas, la gare de déportation de Bobigny, celle du Bourget, le Quai aux bestiaux de Pantin… Autant de lieux liés à l’histoire de la Shoah et de la Résistance que le Département a l’intention de relier entre eux. Alors que la Cité de la Muette a été le lieu d’internement de 63 000 Juifs de France (sur les 76 000 déportés) et que le Fort de Romainville a lui retenu prisonnières les résistantes qui allaient former le convoi des 31000, la gare du Bourget puis celle de Bobigny furent les points de départ de 63 convois de déportation. A l’approche des 80 ans de la Libération de Paris, le Département et les municipalités concernées entendent établir des passerelles entre ces différents sites, à travers des visites guidées. Le voyage mémoriel à Auschwitz raconté ici en est l’acte fondateur.

Pour aller plus loin

– Auschwitz expliqué à ma fille, Annette Wieviorka

– Le Convoi du 24 janvier, de Charlotte Delbo

– Si c’est un homme, de Primo Levi

– Retour à Birkenau, de Ginette Kolinka

– Shoah, de Claude Lanzmann (en VOD sur France TV: https://www.france.tv/france-2/shoah)

À lire aussi...
Mémoire

Les images du voyage des collégien·ne·s à Auschwitz

Les 27 et 28 février, 100 élèves provenant de 3 collèges de Seine-Saint-Denis se sont rendus à Auschwitz, en Pologne, dans le cadre d’un voyage organisé par le Mémorial de la Shoah et le Département. A l’heure où la plupart[...]
À lire aussi...
Mémoire

Ginette Kolinka, passeuse de mémoire

A bientôt 99 ans, l’esprit vif et l’humour décapant de cette rescapée des camps de concentration animent des rencontres où elle passe sans relâche le relais de la mémoire. Dernière actualité en date, une BD intitulée Adieu Birkenau : une survivante d'Auschwitz raconte résume son récit et sa vie dont une partie s’est déroulée en Seine-Saint-Denis. Interview.
À lire aussi...
Docu TV

Aloïs Brunner, le bourreau de Drancy

Jeudi 11 janvier à 23.00, France 3 Île-de-France a diffusé le film inédit de Philippe Tourancheau sur Aloïs Brunner. Membre du parti nazi et officier SS, il a dirigé de la façon la plus brutale et la plus perverse le[...]
À lire aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *