Des éducateur·rice·s de rue à l’écoute des jeunes

Cyril* et sa collègue Éva* arpentent plusieurs fois par semaine le quartier de la Boissière à Montreuil pour rencontrer les jeunes en pied d’immeuble et tisser une relation. « En tant qu’éducateurs spécialisés, on vient avec ce que l’on est, notre honnêteté et on essaie de comprendre les problématiques des adolescents puis de les intégrer dans un projet mobilisateur » explique-t-il. « Il faut prendre du temps pour connaître les dynamiques du territoire, les différents groupes de jeunes qui viennent l’investir… et réussir à nouer une relation de confiance, en prenant le temps de discuter de sujets divers comme le football ou le rap ».

Comme les cinquante travailleur·euse·s sociaux·ale·s de l’association Rues et Cités, le binôme travaille dans les rues et accompagne les familles afin de remobiliser des jeunes parfois détaché·e·s de toute institution, susceptibles de « se mettre en danger » en dehors de ces interventions.

Un accompagnement de très long terme

Mody*, 17 ans, a rencontré Cyril* il y a une dizaine d’années et ne regrette pas de s’être confié à lui. « Quand on était petit, on faisait des sorties cinéma ou accrobranche avec lui et mon groupe de potes » confie-t-il. « Je lui parlais de tous les sujets qui me préoccupaient en lien avec l’école ou la maison et il m’a aidé plus tard à écrire des rapports de stage ou des CV ».

Même son de cloche de la part de Ryan*, 13 ans, accompagné par l’éducateur lors d’un conseil de discipline dû à une bagarre. « Je me suis défendu face à deux grands qui m’agressaient mais Rues et Cités m’a montré qu’il vaut mieux passer par les surveillants pour ne pas tomber dans l’engrenage ». 

La structure de prévention spécialisée, qui intervient à Bagnolet, Montreuil, Noisy-le-Sec et Romainville est financée par le Département avec qui elle collabore dans le cadre de la Protection de l’enfance. « La relation nouée avec les jeunes se fonde sur les principes de l’anonymat et de la libre adhésion » indique Karim Meziani, chef de service de l’association. « Les problèmes exprimés au départ en cachent souvent d’autres et nous sommes souvent emmenés à travailler en lien avec l’Éducation nationale, l’Aide sociale à l’enfance, les missions locales, quelquefois la Protection judiciaire de la jeunesse…». 

Les professionnel·le·s accompagnent individuellement et collectivement plus de 1 000 personnes chaque année. L’association dispose par ailleurs d’un poste de coordinatrice départementale dédiée aux questions relatives aux populations roms et à l’accueil des jeunes filles en fragilité psychosociale ou cumulant des difficultés familiales ou scolaires.

Déblaiement de cave, activités de restauration ou de jardinage… les chantiers éducatifs permettent aux jeunes de reprendre confiance et de se (re)sociabiliser.

Responsabiliser par des chantiers éducatifs

La prévention spécialisée, véritable « clinique du quotidien » fait du cousu main en orientant les ados vers les dispositifs locaux adaptés et en leur rappelant les règles de base du vivre-ensemble. Pour soutenir l’insertion sociale et professionnelle des jeunes, l’association leur propose régulièrement des chantiers pédagogiques rémunérés, qui prennent la forme d’activités sur les marchés, de déménagements, d’installations sportives ou de loisirs, etc.

Une dizaine de jeunes ont rejoint les stands de restauration dressés à l’occasion d’une fête de quartier liée aux 30 ans de l’association montreuilloise partenaire Comme vous émoi. Younous, 16 ans, étale la pâte sur une crêpière électrique tandis que ses copains servent les badauds ou tiennent la caisse. « Ce chantier éducatif va m’aider à financer mon permis scooter et peut-être un séjour au ski en février » se félicite-t-il. Une façon aussi d’inciter ces jeunes en lycée professionnel à s’imposer des objectifs et une discipline pour les atteindre.

À proximité, Francesca, 19 ans, apprend au petit Léo les rudiments du patinage, sous l’oeil des travailleur·euse·s sociaux·ale·s, sur une piste de roller installée par les adolescent·e·s. « Les éducs’ spé’ ont toujours été là pour mon frère et moi, c’est comme s’ils faisaient partie de la famille » indique la jeune fille qui a eu un peu de mal à choisir ses études. « Cyril* m’a aidé à préparer un entretien de recrutement pour le restaurant d’insertion Le Relais à Pantin, qui m’emploie depuis un an. S’il y a des petites tensions dans l’équipe, je vais le voir et il est toujours de bon conseil » . 

La jeune fille qui souhaite devenir manageuse événementielle, est ultra-positive sur l’accompagnement global des éducateur·rice·s, qui l’ont aidée à « grandir et à prendre la bonne mesure des choses ». Séduite par le monde des associations, elle espère passer plus tard le relais auprès des plus jeunes et les aider à s’accrocher à leurs rêves ou à leurs projets personnels jusqu’à leurs réalisations.

Les travailleur·euse·s sociaux·ale·s ont choisi le parking de la place Douy-Delcupe à Montreuil pour organiser des animations festives et sportives.

Crédit-photo : Nicolas Moulard et Carine Arassus