Un nouveau rapport sur la Seine-Saint-Denis alerte sur l’état de l’éducation et de la santé

Un nouveau rapport sur la Seine-Saint-Denis alerte sur l’état de l’éducation et de la santé
Inégalités territoriales
  • Dans la foulée d’un premier rapport parlementaire publié en 2018, les députés Stéphane Peu (PCF) et Christine Decodts (Renaissance) ont publié jeudi 30 novembre un nouveau rapport insistant sur l’insuffisance des moyens mis à disposition du département, compte tenu de ses difficultés sociales.
  • Les besoins sont particulièrement criants dans les domaines de l’éducation et du handicap, où les rapporteurs préconisent, dans la foulée du Département de la Seine-Saint-Denis, un plan de rattrapage d’urgence.
  • Les deux députés formulent 26 propositions pour améliorer la situation dans des domaines aussi différents que l’éducation, la police, la justice et la santé.

« En dépit d’une prise de conscience des particularités de ce département grâce au précédent rapport, les problèmes subsistent et se sont même, pour certains, aggravés, en matière d’éducation et de handicap notamment. »

Le diagnostic de Stéphane Peu avait le mérite d’être clair, jeudi 30 novembre, lors de la présentation du rapport de suivi que ce député communiste de Seine-Saint-Denis a mené avec sa collègue de l’Assemblée Christine Decodts (Renaissance), sur « l’action de l’État dans l’exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis ».

En 2018, deux autres députés – François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo – avaient conclu à une « rupture d’égalité » dans l’action de l’État dans ce département en matière d’éducation, de police et de justice. 5 ans plus tard, la situation n’a pas changé, voire s’est dégradée en dépit d’un plan annoncé en 2019 par le Premier ministre de l’époque Edouard Philippe qui prévoyait un certain nombre de renforts dans ces domaines.

Depuis, la crise du Covid a aussi révélé une situation désastreuse en matière de santé, ce qui a mené Stéphane Peu et Christine Decodts à incorporer à leur rapport cette thématique, à peine esquissée par le précédent travail parlementaire. « La Seine-Saint-Denis, c’est le premier désert médical de France, indiquait ainsi Christine Decodts, avant d’aligner des chiffres alarmants : 50 médecins généralistes pour 100000 habitants contre 339 sur l’ensemble du territoire national, un quart de la population aujourd’hui qui n’a pas accès à un médecin traitant…

Urgence sur l’éducation et le handicap

Dans ce tableau préoccupant, les secteurs où il faut agir en priorité sont toutefois l’éducation et le handicap, selon Stéphane Peu.

« En Seine-Saint-Denis, l’école ne tient pas sa promesse républicaine. Le décrochage constaté à l’entrée en CP n’est pas résorbé au fil du temps mais ne cesse au contraire de se creuser chez beaucoup d’élèves », a rappelé l’élu communiste devant le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques.

En Seine-Saint-Denis, les collégiens ont l’Indice de Position Sociale (qui permet d’appréhender le statut social des élèves à partir des professions de leurs parents) le plus bas de toute la France hexagonale. Et pourtant, les problèmes de formation et de conditions de travail du corps enseignant déjà pointés par le précédent rapport n’ont pas été réglés : les professeurs absents peinent toujours à être remplacés, le recours à des contractuels s’est accru et les enseignants affectés à des établissements REP+ sont toujours aussi jeunes et inexpérimentés.

Face à cette situation, les rapporteurs préconisent donc de renforcer l’attractivité de la profession, en assurant par exemple une formation rémunérée à des aspirants professeurs de la licence au master 2. « En échange de quoi ils s’engageraient à enseigner pendant 10 ans en Seine-Saint-Denis », propose Stéphane Peu. Et de reprendre aussi la fusion des deux académies de Paris et de Créteil déjà proposée par le président du Département Stéphane Troussel en vue d’un rééquilibrage de moyens.

En matière de handicap aussi, il y a urgence. « Il y a en Seine-Saint-Denis un sous-équipement qui concerne aussi bien les adultes que les enfants », insistait Christine Decodts : « 1600 places sont actuellement disponibles en Institut Médico-Educatif alors que 4400 enfants sont orientés par la Maison départementale des Personnes handicapées vers ces structures. » Là encore, un plan de rattrapage est souhaité, comme l’appelait du reste déjà de ses vœux le Département.

Dans les domaines de la police et de la justice aussi, les besoins sont toujours pressants, malgré certaines créations de poste depuis 2018.

« Les effectifs de police ont augmenté de 5,29 % entre 2018 et 2022 mais le service départemental de la police judiciaire reste sous-doté », note ainsi le rapport Peu-Decodts. Et quand la police arrive à tenir le rythme, c’est le Tribunal judiciaire de Bobigny qui a du mal à suivre…

Certes, la 2e juridiction de France après Paris en termes volume d’affaires a été légèrement renforcée en terme de magistrats – des chambres spécialisées vont notamment être créées pour traiter prioritairement les violences intrafamiliales, qui représentent 52 % des coups et blessures volontaires – mais certainement pas en termes de greffiers. D’où la demande des deux rapporteurs de pourvoir en urgence 20 emplois de greffiers et d’en créer 53 autres.

Un département miroir des forces et faiblesses du pays

Enfin, l’étude de la Seine-Saint-Denis menée par les deux députés les amène aussi à formuler une proposition transversale, concernant la fidélisation des agents du service public en général. Partant du constat que la Seine-Saint-Denis peine à recruter des agents de la fonction publique, les rapporteurs proposent de faire passer la prime de fidélisation de 10 000 euros déjà proposée aux professeurs et agents de police qui resteraient 5 ans dans le département à 15 000 euros, tout comme de l’étendre à la fonction publique hospitalière.

« Il doit aussi y avoir des mesures chocs sur le logement, qui est un secteur clé », souligne Christine Decodts, qui propose ainsi que 30 % du contingent préfectoral de logements sociaux soit consacré aux agents de la fonction publique.

« Je crois que ce département jeune, riche de sa multiculturalité, dit pas mal de choses sur ce que peut être l’avenir de notre pays. Or les attentes vis-à-vis de la République y sont très fortes, il ne faut donc pas décevoir sur la promesse républicaine », conclut Stéphane Peu, qui avec sa co-rapportrice, sollicite désormais d’être reçu par la Première ministre Elisabeth Borne, pour donner une suite à ce rapport.

Christophe Lehousse

Photos: ©Assemblée Nationale

©Nicolas Moulard

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