Quand les Arts Déco passent le périph’

Quand les Arts Déco passent le périph’
Poush
  • Le lieu d'artistes POUSH accueille à Aubervilliers les travaux de fin d’année des diplômés de l’école nationale supérieurs des Arts décoratifs (Ensad) : architecture d’intérieur, design d’objets, design graphique, design textile et vêtement....
  • L'exposition est ouverte au public du 5 au 7 janvier 2024 au 153 avenue Jean-Jaurès à Aubervilliers.
  • Rencontre avec Romy Deal, Jean-Louis Pouilles et Victor Andrea Gonzalez fraîchement diplômé.e.s de l’Ensad.

Pour la première fois, l’école nationale supérieure des Arts Déco, fondée au 18ème siècle, et installée rue d’Ulm, passe le périph pour montrer tout le savoir-faire de ses diplômé.e.s. A Aubervilliers, dans les locaux de POUSH, 40 travaux d’élèves sont exposés sur 2000 m2.

Jean-Louis et l’upcycling

Parmi eux, Jean-Louis, 28 ans, diplômé des Arts déco, en section design et objet : « J’ai fait mon cursus scolaire en Seine-Saint-Denis, au collège Corot au Raincy, puis au lycée Schweitzer. J’ai eu mon bac STG, rien à voir, puis je suis allé à la fac de langues pendant 4 ans. Pour aller au basket, je passais devant les Arts déco, et c’est comme ça que j’ai connu l’école. J’ai fait les Portes ouvertes et je me suis dit « c’est génial, je veux être là », je suis allé à prép-art et au musée la même année, je ne viens pas du tout de ce milieu-là et je ne connaissais vraiment rien à l’histoire de l’art ».

A POUSH, il expose trois objets pour montrer à la fois son univers esthétique et son engagement éthique : un Bureau, une Lampe et une Fontaine. « J’ai choisi les matériaux qui se recyclent le mieux : le verre, le métal et aujourd’hui le plastique. Celui-là vient plutôt des bouteilles de lessive, c’est pour cela qu’il est un peu translucide, c’est du polystyrène condensé. » Un plastique recyclé offert par le studio de design, Samjy, où il a passé deux jours par semaine pendant une année. « J’y faisais de la recherche et développement.

Cela faisait partie de mon projet. Et en échange, ils m’ont donné accès à leurs ateliers. La Fontaine, je l’ai usinée à la CNC, avec une commande à découpe numérique. C’est une fraiseuse qu’on peut contrôler par ordinateur. Je me suis inspiré pour cet objet du TP-1 créé par Dieter Rams pour BRAUN, c’est un enregistreur. Je l’ai assemblé avec de la quincaillerie visible. Il y a une grosse partie d’upcycling dans mon projet. Des rails de tiroirs permettent d’articuler la Lampe. C’est un prototype, mais j’aimerai bien en faire une autre version. »

A cette collection s’ajoutent un vase et une étagère qui n’ont pas été sélectionnés pour l’exposition à POUSH pour des raisons d’équité d’espace.

Romane et son installation sur la condition féminine 

Romane, 27 ans, installée depuis 4 ans à Saint-Ouen, pratique le basket en club, juste à côté de POUSH, à Aubervilliers. Pour son installation GXRLBOSS PARK, elle a mené en amont « des entretiens longs avec quatre femmes marquées par le « trouble » dans leur existence, entre une heure et demie et deux heures, dans une forme d’intimité, chez elles ». Une fois les entretiens terminés, elle a retenu les anecdotes qui surnageaient, car elle trouvait qu’elles révélaient l’entièreté de leur personnalité. Romy pense à Rita qui lui avait expliqué qu’elle avait eu besoin une fois de poser la main sur une plaque de cuisson pour se brûler et faire taire la douleur morale. « J’ai essayé de transposer en volume et en installation ces gestes pour leur donner, pour une fois, de la place. J’ai travaillé avec l’électronique, les câblages, les moteurs… et les « contrôleurs » qui en électronique sont utilisés pour faire tourner un mouvement. C’était une façon de reprendre la main sur la perte de contrôle, de la fixer dans un geste, de le rendre existant, d’attraper cette anecdote ».

Une installation qui s’étend au sol, tel un rhizome mécanique, et grinçant. On pense aux machines branlantes de Tinguely. « Toutes les sculptures sont des objets qui patinent, qui transpirent, qui peinent à fonctionner. Les ballons de gym sont crevés. Les moteurs fonctionnent mais ça grince, ça grésille. On est en bout de course, mais c’est quand même en mouvement. On sent la fatigue, l’épuisement. Une allégorie de l’existence ».

GXRLBOSS PARK, est aussi une critique. Romy utilise le mot de façon un peu ironique. « C’est la femme qui assure en permanence, qui est dans l’hyperactivité, qui gère et qui cache ses émotions, beaucoup. Je me mets ça en lien avec la vision capitaliste de l’humain. Mon installation reprend des faux appareils de musculation. Comme si on était dans un street park. Les GXRLBOSS sont les survivantes de notre monde contemporain qui poussent à la productivité. J’ai voulu rassembler des individus qui ont eu des existences parfois très seules, dans leurs souffrances ».

Victor et Benzema 

Victor, 23 ans, a choisi de représenter Karim Benzema : « je le représente sur cette plaque de plâtre pas parce que c’est Benzema mais parce que c’est à la fois l’idole actuelle de ma génération et un anti-héros. » Lui qui vient de trouver un atelier à Pantin raconte ce qu’il aime dans ce territoire : « Ce qui se passe ici à POUSH, à Artagon, à la Fiminco m’intéresse. Ces lieux se développent en Seine-Saint-Denis. Ils sont tellement proches de Paris, que je ne fais plus de différence. D’ailleurs, je ne vais plus dans les quartiers de la Rive gauche, mais à Aubervilliers, aux 4-Chemins, aux Magasins généraux. Je pense que le 93 permet aussi de trouver des espaces de vie, de travail. Après il faut faire gaffe à la gentrification. »

La Renverse

Cette nouvelle formation d’une année imaginée par les Ateliers Médicis et l’École des Arts Décoratifs de Paris s’adresse à des jeunes créatifs âgés de 18 à 25 ans, issus de Seine-Saint-Denis ou des départements limitrophes, passionnés par la création, en particulier par la photo, la vidéo, la mode, le dessin ou encore le design.

Actuellement hébergée dans l’école Bachelet à Saint-Ouen, elle a pour objectif d’aider les élèves à élaborer un projet soit professionnel (lancement de marque, intégration d’une structure) soit de reprise d’étude (présentation des différentes formations artistiques, aide aux inscriptions Parcoursup, accompagnement pour la préparation de concours d’entrée en école d’art ou en classe préparatoire).

L’enseignement est dispensé par de jeunes artistes diplômés des Arts Décoratifs, sensibles aux enjeux de la transmission et souhaitant expérimenter de nouvelles pratiques de la pédagogie.

En plus d’être une formation entièrement gratuite, la Renverse donne droit à une bourse individuelle de 480€/mois. L’appel à candidature commence le 5 juin 2024 et se termine le 2 juillet 2024 à minuit. Les inscriptions se font en ligne, sur le site des Ateliers Médicis.

https://www.ateliersmedicis.fr/la-renverse

Pour plus d’informations : larenverse@ateliersmedicis.fr

Le compte Instagram des élèves : @larenverse93

Aux Sentiers qui bifurquent

POUSH Aubervilliers

L’exposition est ouverte au public du 5 au 7 janvier 2024 au 153 avenue Jean-Jaurès à Aubervilliers.

vendredi de 18h à 21h

samedi et dimanche de 14h à 20h

Photos : Beryl Libault et Camille Riou

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