Le Chêne Pointu s’expose avant de disparaître

Le Chêne Pointu s’expose avant de disparaître
Exposition
  • A l’occasion de la rénovation urbaine du Chêne Pointu, une exposition mêlant photos, vidéos ou encore dessins d’enfants s’affiche dans la galerie commerciale de ce grand ensemble du même nom, jusqu’au 28 octobre.
  • Dans le cadre de l’ANRU, cette copropriété dégradée de 1200 logements doit en effet être démolie pour laisser place à un nouveau quartier de 1500 logements.
  • Commandée par la ville, l’exposition pilotée par l’écrivain Eric Reinhardt, qui a vécu une partie de son enfance à Clichy-sous-Bois, entend faire vivre la mémoire du Chêne Pointu au-delà de sa disparition.

La photographe Géraldine Lay a réalisé une série de portraits d’habitants pour l’exposition Chêne Pointu.

« Dans les photos de l’expo, je reconnais mon quartier. Je connais les lieux, les personnes photographiées, et c’est bien pour la ville. Je dirais que ça change de l’image qui nous est collée habituellement et qu’on traîne un peu comme un fardeau. » Baba, 30 ans dont 27 passés à Clichy-sous-Bois, promène sur l’exposition du Chêne Pointu, son quartier, un regard assez fier. Sur l’une des photos réalisées par Géraldine Lay exposées dans le dojo du Centre commercial du Chêne Pointu, on peut d’ailleurs le voir lui-même, regard direct et réfléchi, fixant l’objectif.

« J’ai voulu avant tout montrer les habitants, sans arriver avec des discours préétablis. C’est pour ça que j’ai choisi de les photographier de très près, sans doute plus près que dans mes précédents travaux. J’ai fait ici des rencontres formidables, très humaines », explique de son côté la photographe Géraldine Lay, l’une des 14 artistes qui ont participé à « Chêne Pointu ».

Originale et sensible, l’exposition – visible jusqu’au 28 octobre dans le centre commercial du même nom – a été portée par la Ville, qui souhaitait figer dans le temps la mémoire de ce quartier avant sa destruction programmée dans le cadre de la rénovation urbaine.

1240 logements démolis, 1500 nouveaux

Rendu très vétuste depuis sa construction en 1969, cet ensemble de copropriétés d’environ 1 240 habitations doit en effet prochainement être rasé pour laisser place à de nouveaux logements, 1 500 au total. Une reconstruction devenue urgente, tant l’état de certains appartements était dégradé, mais qui suscite aussi chez certains habitants de la nostalgie et un sentiment de déracinement.

De la même manière que la ville avait réagi à certaines caricatures médiatiques née après les émeutes de 2005 par une première exposition « Clichy sans clichés », la maire Samira Tayebi et son ancien édile Olivier Klein ont donc cette fois voulu retenir une partie de l’esprit du Chêne Pointu dans une autre exposition, confiée à Eric Reinhardt.

L’écrivain, qui a lui-même vécu à Clichy-sous-Bois entre 1973 et 1977, a donc réuni autour de lui 13 artistes qui, chacun avec sa sensibilité, livrent un petit bout du Chêne Pointu. « Le quartier va être complètement restructuré. Le centre commercial que je traversais lorsque j’étais écolier va disparaître pour laisser place à un tout nouveau quartier. On souhaitait garder trace à travers cette exposition et plusieurs sensibilités d’artistes de la réalité de ce quartier avant qu’il ne change complètement de visage. », détaille le romancier et essayiste.

« Une approche fidèle »

Parmi ces sensibilités, on retiendra notamment « Narvalos », le premier court-métrage, haut en couleurs, de Bilel Chikri, enfant de Clichy-sous-Bois et en contrepoint, le film d’archives de Virgil Vernier. Brut et poignant, « Kindertotenlieder » (« chants aux enfants morts », en référence au morceau du compositeur autrichien Mahler) rappelle la mort de Zyed et Bouna, deux adolescents de Clichy-sous-Bois morts en 2005 dans un transformateur électrique alors qu’ils avaient été pris en chasse par la police.

Parfois, ce sont aussi les habitants qui prennent directement la parole comme ces quelques rédactions d’enfants collectées par Jakuta Alikavazovic : « Le bâtiment 3, le B3, c’est le bâtiment le plus grand des 10 tours mais il va bientôt être détruit. Je ne suis pas content qu’il soit détruit, car j’y suis tout le temps par tous les temps. Mes copains et moi, on se retrouve toujours là-bas, on reste là, on y fait plein de jeux, d’activités et on s’y pose aussi pour manger », écrit par un exemple un jeune habitant. Le tableau d’ensemble donnant de Clichy une image non sensationnaliste, respectueuse, digne en somme.

« J’ai beaucoup aimé les portraits que représente la jeunesse, plusieurs générations, estimait de son côté Sophie, habitante de Clichy depuis 5 ans et médiatrice-animatrice à la Micro-Folie de la ville. Ca donne une approche fidèle de ce qu’est Clichy, les groupes, les sourires, la convivialité des personnes. Et l’avoir fait dans la galerie commerciale, c’est aussi une bonne idée puisque ce lieu parle à tout le monde ». Le Chêne Pointu n’est bientôt plus, mais vive le Chêne Pointu.

Christophe Lehousse

– Expo « Chêne Pointu », dans la galerie commerciale, allée Maurice Audin, mise en scène par Margaux Gillet et dirigée par Eric Reinhardt, jusqu’au 28 octobre.

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