Les clubs de Seine-Saint-Denis à l’heure du baby rugby
- Centré sur des jeux et des ateliers de motricité multisports, le baby rugby (3-5 ans) séduit un nombre croissant d’adhérents dans les clubs du département depuis sa naissance en 2020.
- Coup de projecteur sur les clubs de Saint-Ouen, Rosny-sous-Bois, Noisy-le-Grand et Neuilly-sur-Marne qui se sont lancés dans l’aventure, sans regrets.
Ils sont hauts comme trois pommes, plein d’énergie et d’une volonté – si on tombe le bon jour, bien sûr – à en faire pâlir les grands. À Neuilly-sur-Marne, Noisy-le-Grand, Rosny-sous-Bois ou encore Saint-Ouen, ces bambins de 3 à 5 ans jouent au baby rugby, une activité mise en place par la Fédération française de rugby (FFR) en 2020 pour développer l’activité physique dans une tranche d’âge, les tout-petits, où l’offre, toutes disciplines sportives confondues, se fait très rare. « Si on regarde bien, il n’y a pas pléthore de propositions en matière de sport pour les 3-5 ans, fait remarquer Julien Mousques, président du Stade Olympique Rosnéen (SOR) et membre du staff de la section baby que le club a lancée il y a quatre ans. Pour certains parents, cette situation peut s’avérer frustrante. »
Plus que de rugby à proprement parler, même si le ballon ovale est présent dans tous les exercices, il est plutôt question ici de parcours de motricité et de jeux qui font appel à l’imaginaire pour apprendre à s’approprier le ballon, à esquiver, à courir, à tomber… « Capter l’attention des enfants, c’est ça l’enjeu principal sur une séance, souligne Patrick Lenoir, éducateur et responsable de l’activité baby-rugby au Rugby Club Neuilly-sur-Marne (RCNM). Quand un exercice ne fonctionne pas, je ne m’acharne pas, je leur propose autre chose. Et quand ils n’y sont plus du tout, je fais le clown ou je leur chante une chanson. D’un samedi à l’autre, la régularité et le niveau de fatigue ne sont pas les mêmes, c’est normal. Alors on s’adapte, sinon cela signifie qu’on n’est pas prêt à recevoir ce jeune public. » Pour ce retraité, qui organise par ailleurs toute l’année des animations rugby dans les écoles maternelles du secteur, le plus important est de varier les plaisirs. Dans sa « rugby-ludothèque », le jeu du trésor, qui voit deux pirates (ou joueurs) se disputer un butin (le ballon), et le béret-rugby, qui consiste à ramener le premier le ballon dans son camp sans se faire rattraper par son vis-à-vis, font partie des classiques. Et pour raffermir les liens avec les parents, qui ne sont en général jamais très loin, Patrick clôture chacune de ses séances par un tir à la corde en famille. « Les enfants voient leurs parents prendre part aux ateliers, cela les rassure et crée une osmose », détaille l’intéressé.
Rassurer les parents
On l’aura deviné, dans cette pratique, les plaquages et les mêlées sont proscrits. Un aspect qui n’est pas sans rassurer de nombreux parents. « Quand j’ai su que les entraînements étaient basés sur des jeux qui excluaient les contacts rugueux et faisaient la part belle à la course et à la circulation du ballon, je me suis dit que c’était le sport parfait pour mon fils », reconnaît Jean-Baptiste, papa d’Anatole qui défend les couleurs du RCNM depuis trois saisons chez les « baby ». « À cet âge, ce sont les parents qui sont moteur, qui prennent la décision d’inscrire leur enfant, la communication est donc essentielle, précise Frédéric Coudray, éducateur de baby rugby au Rugby Club Noisy-le-Grand (RCN). On prend le temps de leur expliquer ce qu’on peut faire et ne pas faire, on leur rappelle que le rugby est avant tout un sport d’évitement. » Important en effet pour une discipline considérée par une partie de la vox populi comme violente, voire dangereuse. Pour ce coach, l’autre défi est de faire adhérer les tout-petits au projet rugby, ce qui, de prime abord, avec un ballon qui n’est pas rond mais ovale et capricieux, qui rebondit dans tous les sens et oblige à faire des passes en arrière pour aller de l’avant (quelle drôle d’idée), n’est pas gagné. « À chaque entraînement, nous nous employons à leur prouver que sous ses aspects ch…, le rugby est en réalité le meilleur sport du monde », se marre le coach, lequel choie les enfants et rivalise d’idées pour ne jamais les ennuyer : plutôt que d’étirements, inutiles à cet âge, les fins de séances sont depuis cette année consacrées à un moment lecture avec des histoires faisant référence au… rugby – car il ne faut tout de même pas exagérer.
Les filles de plus en plus nombreuses
Entre la sociabilisation, l’apprentissage des consignes et de la discipline, la découverte du corps, le développement de la motricité et de l’autonomie… les bénéfices en faveur de l’enfant sont légion. « Les copains du rugby ne sont pas forcément ceux de l’école, note l’éducateur du RCN. Au club, on s’en fait des nouveaux, qui viennent de milieux différents, qui ont d’autres façons de penser. C’est une belle ouverture sur le monde et la diversité. » La notion d’inclusivité est également très présente en baby rugby. Les clubs profitent que les filles et les garçons jouent encore ensemble à cet âge pour faire la promotion du rugby féminin. « Sur les 16 petits que nous accueillons cette année, nous avons 3 filles, ce qui est encore insuffisant, mais nous y travaillons, prévient Julien Mousques, du Stade Olympique Rosnéen. Pour nous faire connaître et susciter des vocations chez les petites filles, nous intervenons régulièrement dans les écoles maternelles de la ville. Mais cela ne suffit pas, il faut convaincre les parents derrière. Le rugby est encore pour beaucoup un sport de mecs. »
Au Red Star Olympique Rugby (RSOR), club de Saint-Ouen qui a transformé l’essai du « baby » en 2022, on se donne la même mission. Aujourd’hui, les fillettes représentent un sixième de l’effectif. « S’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, elles sont de plus en plus nombreuses, on est sur la bonne voie », se félicite Kamel Benbihi, directeur de l’école de rugby du RSOR. Si la parité n’est pas pour tout de suite, le niveau de fidélisation sur la durée de ces jeunes adhérents est, en général, très positif. À Rosny-sous-Bois, d’après les dirigeants, 90 % des « baby » poursuivent en U6 et dans les catégories suivantes. La Seine-Saint-Denis, une vraie terre d’ovalie.
Grégoire Remund
Les séances de baby rugby en Seine-Saint-Denis
Red Star Olympique Rugby : le samedi 11h à 12h au stade Pablo-Neruda.
Stade Olympique Rosnéen : le samedi de 10h à 11h au stade Armand-Girodit
Rugby Club de Neuilly-sur-Marne : le samedi de 11h à 12h au stade Guy-Boniface.
Rugby Club Noisy-le-Grand : le samedi à 10h à 11h puis de 11h à 12h au stade Alain-Mimoun. De novembre à février, au gymnase Louison-Bobet.