L’ESDM Savate Boxe Française, toujours prêt à partir à l’assaut et au combat
- Depuis une vingtaine d’années, la section savate boxe française de l’Élan Sportif de Montreuil fait partie des meilleurs clubs d’Ile-de-France, voire de France.
- À l’international, l’ESDM est également loin d’être ridicule, en témoigne les médailles d’argent et de bronze obtenues respectivement par Yasmine Talha et Christelle Micallef lors des récents championnats d’Europe (combat) et du monde (assaut).
- Reportage dans un club où l’exigence de la compétition et de résultats n’enlève en rien la convivialité et l’hospitalité qui font aussi sa force.
C’est un rituel avant chaque entraînement. Dans le gymnase Paul-Bert, l’antre de la section savate boxe française de l’Élan sportif de Montreuil, la vingtaine d’adhérents présents – des confirmés et des compétiteurs ce jeudi – enroulent avec soin de longues bandes noires autour de leurs mains et de leurs poignets avant d’enfiler les gants. Des bandages en polyester qui servent à protéger les zones exposées aux chocs (articulations, os et tendons) et à capter la transpiration, évitant ainsi que les gants ne se détériorent trop rapidement.
Ce soir, il y a du beau monde : des champions de France en veux-tu en voilà, le quintuple champion du monde Jeff Dahié, licencié à l’US Créteil mais qui vient régulièrement s’entraîner à Montreuil pour profiter de la qualité des adversaires. Et un combattant de MMA, venu travailler ses enchaînements pieds-poings. Animée par William, préparateur physique qui intervient également à la Fédération française d’athlétisme, la séance est intense. « On a mis en place un programme basé sur la préparation technico-tactique avec beaucoup d’oppositions, détaille Guillaume Le Prévost, entraîneur et responsable de la section. La saison est longue et les compétitions vont reprendre de plus belle en 2025. Il faut qu’on soit à la hauteur de notre rang. »
Le rang du club ? Le top 3 français, d’après ses dirigeants. En France, toutes compétitions confondues, il ne se passe pas une année sans qu’il ne remporte une médaille, et à l’international, où le niveau n’est pas forcément meilleur, il s’illustre avec force régularité. En clair, ces vingt dernières années, le club a empoché une soixantaine de titres régionaux, une trentaine de distinctions nationales ainsi qu’une vingtaine de podiums internationaux (l’ESDM compte notamment quatre champions du monde, parmi lesquels Guillaume qui avait décroché la timbale en 2004). Ce tableau de chasse impressionnant fait de la Savate BF Montreuil l’un des tous meilleurs clubs de l’Hexagone, particulièrement en « assaut », l’une des trois déclinaisons (avec le combat et la canne de combat) que comprend ce sport. « Au club, ‘’l’assaut’’ a conquis le cœur de nos adhérents car c’est une compétition globalement plus accessible, explique Frédéric Elissalt, alias « Frédo », autre coach charismatique du club. Contrairement au ‘’combat’’, on ne met pas son intégrité physique en danger, l’objectif n’étant pas de mettre l’adversaire K.O mais de marquer des points en se contentant de le toucher. »
Une féminisation en marche
Devant l’expansion des arts martiaux, des autres sports de ring (kick boxing, muay thaï et surtout MMA) et en raison d’un désintérêt médiatique soudain (certains galas de SBF étaient retransmis en direct à la télévision, sur les chaînes hertziennes, jusque dans les années 1990), la savate boxe française aurait pu tomber aux oubliettes. Mais avec plus de 50 000 licenciés (dont un tiers de femmes), il reste en France l’un des sports pieds-poings les plus plébiscités.
Née au 19e siècle à partir des codes de l’escrime (elle reprend son vocabulaire et son esprit), la SBF est l’héritière de la culture traditionnelle française. « Chez certains, la savate est synonyme de discipline vieillotte car c’est un sport ancien qu’on a longtemps pratiqué dans un collant peu seyant, mais je peux vous garantir qu’un nombre incalculable de champions du monde de boxe anglaise et de kick boxing, pour ne citer que ces disciplines, sont des purs produits de cette pratique, assure Guillaume. C’est une excellente école du fait de son exigence : grâce aux chaussures, les déplacements sont incessants. On peut aussi frapper avec toutes les surfaces du pied, ce qui en fait une pratique complète sur le plan technique. » Pour Fredo, l’autre qualité de la SBF réside dans le fait qu’elle a toujours su rester fidèle à ses valeurs, à commencer par son « amateurisme ». « Il n’y a aucune dotation, ce qui en fait un sport sain où les cas de dopage sont rarissimes. »
Depuis quelques années, à l’instar des autres sports de combat, la savate attire un public de plus en plus féminin (47 % à l’ESDM cette année et quasiment autant de filles que de garçons en compétition). D’ailleurs, au club montreuillois, l’athlète le plus titré encore en activité est une femme, Moussou Tounkara. Et les deux derniers succès internationaux ont été réalisées par deux tireuses, Yasmine Talha (vice-championne d’Europe qui combat avec la France) et Christelle Micallef, médaillée de bronze lors des championnats du monde assaut sous les couleurs de Malte (lire encadré ci-dessous).
Selon Guillaume, cette mixité s’explique par le fait que « la savate est un sport hyper réglementé qui le rend accessible. On peut prendre beaucoup de plaisir à la pratiquer sans se faire obligatoirement tartiner la tronche, il y en a pour tous les goûts. » « C’est un sport académique enseigné en milieu scolaire qui a une image clean et où tous les coups ne sont pas permis, renchérit Frédo. Il repose sur la règle des 4 E : efficace, éthique, esthétique et éducatif. Cela joue. » De fait, il reste en France l’un des sports pieds-poings les plus plébiscités par les femmes qui représentent le tiers des licenciés.
Si l’ESDM est axé compétition, il n’en demeure pas moins ouvert à toutes et tous. Le club accueille des tireurs de 9 à 77 ans, en moyenne 200 chaque année, et de tous niveaux. « On reste une grande famille qui se fixe des objectifs chaque saison. Ceux qui nous suivent dans ce projet ont droit à un suivi de chaque instant (les compétiteurs s’entraînent quatre à cinq fois par semaine). En 2025, on vise la continuité et le renouvellement de nos athlètes en compétition. Être au top, c’est bien, mais le plus difficile c’est d’y rester, souligne Guillaume. Alors on met les moyens – nous n’avons jamais connu de trous d’air depuis 2008 – tout en évitant de ne pas trop se prendre au sérieux. » Et le moins qu’on puisse dire, c’est que jusqu’ici, cette équation a plutôt bien marché.
Grégoire Remund
Photos: ©Nicolas Moulard
Zoom sur…
Yasmine Talha et Christelle Micallef, deux championnes en argent et bronze massifs
Une perforation au tympan, une contusion à la mâchoire mais une belle médaille d’argent. Malgré un combat âpre qui s’est soldé par une défaite en finale, Yasmine Talha, sociétaire de l’ESDM Savate Boxe Française, gardera un bon souvenir des championnats d’Europe catégorie « combat » (coups portés) qui se sont déroulés à Longwy (Meurthe-et-Moselle), le 10 novembre dernier. « Forcément, je suis un peu frustrée car quand on va en finale, c’est pour la gagner mais je n’ai pas à rougir de ma performance, réagit la boxeuse de 37 ans. Mon adversaire (la Bulgare Alexandra Dimitrova, ndlr) a été supérieure et l’a logiquement emporté en faisant parler son explosivité et sa puissance physique. » Malgré quelques coups qui ont laissé des traces, elle a tenu les quatre rounds et n’a perdu qu’aux points. D’autre part, la lecture du CV de la Bulgare, qui compte 50 combats dans l’élite, contre 12 pour Yasmine en seulement deux ans d’expérience en « combat », suffit à se consoler. La Française, à qui il tarde déjà de retourner sur le ring, a désormais le regard tourné vers l’avenir. « Une fois que je me serai remise de mes bobos, mon objectif sera de défendre mon titre de championne de France combat, d’autant que cette année, une victoire me qualifierait directement pour les championnats du monde (en savate boxe française catégorie « combat », les championnats d’Europe se tiennent les années paires et les championnats du monde les années impaires. En « assaut », c’est l’inverse, ndlr). » Pour quelqu’un qui a commencé la savate en 2016 après s’être consacré de longues années durant à la course à pied, voilà de bien belles ambitions que nous suivrons avec attention.
Quelques jours avant Yasmine, c’est Christelle Micallef qui a fait la fierté de son club. La tireuse de 52 ans (si, si), qui a eu à affronter des adversaires parfois deux fois plus jeunes qu’elle, a remporté le 13 octobre et sous les couleurs de Malte, la médaille de bronze aux championnats du monde assaut à Podcetrtek (Slovénie). Soit une breloque de plus dans l’armoire à trophées bien remplie de l’ESDM SBF.
G.R.