Hugues Fabrice Zango, docteur et champion du monde

Hugues Fabrice Zango, docteur et champion du monde
Jeux olympiques
  • À 30 ans, le Burkinabé Hugues Fabrice Zango qui réside à Noisy-le-Grand est une légende du triple-saut.
  • Sacré champion du monde en 2023, il détient le record planétaire de triple saut masculin en salle et a rapporté une moisson de titres internationaux à son pays, dont la médaille de bronze aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021..
  • Récemment diplômé docteur en génie électrique et major de sa promotion, il a désormais l'esprit libre pour préparer à fond les JOP de Paris 2024.

Très jeune, vous étiez déjà un très bon élève, doté d’une très grande détermination mais pas forcément sportif au départ. Comment avez-vous découvert le triple saut ? 

L’excellence, le mérite sont des choses qui m’ont toujours tenu à cœur et j’ai toujours cherché à me donner tous les moyens de réussir… J’ai découvert le triple saut en classe de première lors d’une compétition entre les lycées et les collèges à Ouagadougou où j’ai été détecté par celui qui deviendra mon coach : Christian Sanou. À 17 ans, j’allais m’entraîner régulièrement au stade de la capitale et Christian m’a fait comprendre que je pouvais réussir dans cette discipline de l’athlétisme et voyager dans d’autres pays pour les compétitions, ce qui était au départ ma première motivation. Donc je me suis intéressé aux performances des champions internationaux du triple saut en visionnant des vidéos ou des reportages à la télévision. Grâce à à une certaine régularité dans le travail, j’ai commencé à monter les échelons et je suis passé dans le top 5 national, ce qui m’a donné une motivation supplémentaire.

À quoi ressemblaient vos entraînements et comment réussissez-vous à les concilier avec vos études ? 

Christian Sanou, qui a été formé par les meilleurs, m’incitait à faire trois ou quatre grosses séances d’athlétisme par semaine, alternant la musculation, la course et le souffle. Je faisais aussi du sprint et du travail de saut pour renforcer globalement le corps, mieux connaître mes possibilités… Plus je participais à des compétitions, plus j’augmentais l’entraînement, passant de 4 à 8 séances par semaine. Ma famille, tout en étant très attentive à ma scolarité, m’a toujours soutenu, en particulier mon frère avec qui je partageais ma passion pour ce sport. Toutefois, ce n’était pas toujours pratique avec un stade situé à 10 km de chez moi à Ouagadougou et je m’entraînais souvent directement sur de la terre simple.

Vous remportez déjà de très bons résultats aux Jeux de la francophonie puis aux Jeux Africains… C’est ce qui vous a poussé à envisager une voie professionnelle ? 

Je souhaitais continuer mes études et bénéficier de meilleures conditions d’entraînement. Je suis donc parti à Béthune, dans le Pas-de-Calais, via Campus France, un programme public chargé, entre autres, de l’accueil des étudiant·e·s étranger·ère·s, tout en rejoignant le club Artois Athlétisme. Mes résultats sportifs rassuraient mes parents puisqu’ils prouvaient que je m’en sortais bien dans ce sport. Effectivement, j’ai gagné la médaille d’argent au championnat du monde universitaire, ce qui a été mon plus grand déclic par rapport à mon potentiel et m’a incité à me surpasser et viser le plus haut niveau… Les choses sont allées très vite ensuite : je suis devenu champion national en 2012, numéro 2 aux Championnat d’Afrique à Durban en 2016, médaillé d’or aux Jeux de la francophonie un an plus tard en faisant 16,92 mètres…
À l’université d’Artois à Béthune où je suis des études en génie électrique et électrotechnique, les autres étudiants me demandent souvent comment je fais pour garder le rythme. Mon secret, c’est avoir une discipline de fer et accepter beaucoup de sacrifices sur le plan social en enchaînant par exemple les journées d’études au laboratoire avec trois heures d’entraînement minimum le soir et le week-end.

Et vous êtes repéré en 2018 par Teddy Tamgho, un ex-champion du monde en triple saut originaire de Sevran qui devient votre entraîneur…

En effet, Teddy m’a pris sous son aile et m’a incité à compenser certaines lacunes techniques accumulées du fait d’avoir commencé ce sport sur le tard. Il a fallu repartir de zéro, déconstruire, réfléchir à certaines solutions techniques pendant quelques mois, à la nutrition… Il m’a aidé à atteindre les sommets et j’ai eu le plaisir d’atteindre en 2021 le record du monde en salle avec une marque de 18,07 mètres. Aucun athlète n’a jamais dépassé la barre des 18 mètres, même Teddy qui avait atteint les 17,92 mètres en 2011.
À cette période, je voyageais beaucoup pour les compétitions internationales, en bénéficiant d’une certaine renommée auprès du grand public en Afrique mais aussi de la presse internationale… ce qui est assez vertigineux, je le reconnais. J’ai essayé de surfer sur ma médaille d’or aux Jeux africains puis du bronze au Championnat du monde en 2019 pour multiplier les visites dans les classes au Burkina-Faso et leur donner un modèle pour se construire, malgré les difficultés que traverse notre pays.

 

Hugues Fabrice ZANGO champion mondial de triple-saut

Hugues Fabrice Zango a rapporté une moisson de titres internationaux à son pays. Ambassadeur de bonne volonté à l’UNICEF, le champion est aujourd’hui une véritable vedette en Afrique et fait la fierté de son pays.

La période de la Covid n’a pas été trop difficile pour vous ? Comment vous êtes-vous adapté et comment prépare-t-on une compétition internationale ? 

Les mairies ont toutes accepté que je m’entraîne dans leur stade pour préparer les Jeux olympiques de Tokyo. Teddy a poussé au maximum la préparation physique et surtout psychologique, qui fait la différence lors de rencontres de cette importance. Notre stratégie, c’était d’être ultra-constant en gardant la maîtrise sur tous les meetings en jouant sur le mental des adversaires pour les pousser à l’erreur. Les athlètes qualifiés pour les JOP sont tous extrêmement forts, aux limites des capacités humaines mais l’or olympique échappe à ceux qui commencent à subir. Je dois dire que je suis plutôt Rocky lors des rencontres mondiales, en cherchant à ne laisser aucune chance à mes concurrents.

Qu’avez-vous ressenti l’an dernier lorsque vous êtes devenu champion du monde à Budapest ? 

C’était une joie incroyable, folle, un moment magique que je chéris encore aujourd’hui et qui m’a conforté dans de nombreux choix. J’avais l’impression de marcher sur l’eau… je crois que c’était un bon alignement de planètes : j’étais prêt dans ma tête, très constant, je suis allé dans ma zone d’inconfort pour tout donner après le coup de sifflet… Cette année, je pense avoir eu pas mal de chance aussi : je me suis installé à Noisy-le-Grand où je m’entraîne quelquefois au stade Alain-Mimoun, je viens d’obtenir mon doctorat en génie électrique et avec Teddy, je prépare activement les JOP de Paris où l’or est vraiment envisageable. En plus, au Stade de France à Saint-Denis, j’aurai la sensation d’être à la maison, en Seine-Saint-Denis, dans un territoire qui regorge de champions et qui va bénéficier de beaux équipements sportifs utiles à la population.

Vous êtes très engagé aussi pour la jeunesse de votre pays. Avez-vous un message à faire passer aux Burkinabés ?

J’espère que mes records permettront de montrer une belle image du Burkina-Faso et inciter les jeunes à créer, se donner à fond et surtout avoir un regard positif sur eux et sur leur avenir. Tous leurs rêves sont atteignables à condition qu’ils se donnent des objectifs très clairs et fassent tout pour les atteindre, malgré les obstacles. Je suis fier d’avoir fait découvrir le triple-saut à des jeunes Burkinabés et nous allons continuer avec mon équipe en lançant une caravane des JOP afin de sensibiliser les jeunes. Je me suis engagé dans des associations d’aide à la scolarisation des enfants. D’autre part, maintenant que je suis chercheur en génie électrique, je compte contribuer à des transferts de compétences et de technologies dans le domaine énergétique pour contribuer au développement des habitants du Burkina-Faso. Ils le méritent très largement !

 

Hugues Fabrice ZANGO champion mondial de triple-saut

Hugues-Fabrice Zango est devenu champion du monde de triple-saut l’an dernier à Budapest. Il s’entraîne actuellement à l’INSEP pour les Jeux de Paris 2024.

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