À Saint-Denis et Saint-Ouen, le Comète Club féminise les playgrounds

À Saint-Denis et Saint-Ouen, le Comète Club féminise les playgrounds
Basket
  • L’association Comète Club propose des créneaux de basket à des femmes de tous âges, de tous niveaux et de tous horizons sur des terrains situés dans l’espace public.
  • Pour se réapproprier ces aires de jeu gratuites, monopolisées par les hommes, la fondatrice et présidente Carole Cicciu a signé des conventions d’occupation annuelle avec les Villes de Saint-Ouen, Saint-Denis et Paris.
  • Une recette qui fonctionne à merveille : deux ans après sa création, l’équipe compte un vivier de 75 joueuses.

Malgré le froid ambiant en cette soirée de décembre, elles sont une dizaine à être venues s’entraîner sur le playground SFR, un terrain de basket extérieur couvert situé avenue des Fruitiers, à Saint-Denis. Le mercredi, de 19h30 à 21h, mais aussi le samedi matin sur le terrain de la rue Édouard Vaillant, à Saint-Ouen, et à Paris, les joueuses du Comète Club, une association qui réunit des femmes autour de la balle orange, occupent l’espace sans présence masculine à la faveur d’une convention d’occupation annuelle signée avec les trois municipalités. « Ce document paraphé en début de saison nous permet d’aller expliquer, de manière toujours pédagogique, qu’on est là chaque semaine pour laisser de l’espace aux femmes qui sont souvent exclues des terrains de proximité, les playgrounds notamment, alors qu’ils sont censés être accessible à tous, explique Carole Cicciu, présidente du Comète Club (qui s’écrit aussi Comxte Club, le « x » symbolisant l’esprit inclusif de l’association) qu’elle a fondé avec son acolyte Marion Barthelat. En général, cela se passe bien, à force de nous voir, les garçons ont fini par s’habituer et acceptent de nous céder la place sans trop ronchonner. »

Pour comprendre comment le Comète Club est né, retournons deux ans en arrière, au printemps 2021. « Une période de ma vie où je voulais changer beaucoup de choses, à commencer par reprendre le basket, un sport que j’ai pratiqué en sport-études au Creusot (Bourgogne) quand j’étais ado. », détaille Carole Cicciu. Mais à cette époque, un an tout juste après le premier confinement, toutes les restrictions sanitaires ne sont pas levées et s’adonner à un sport en intérieur fait partie des interdictions encore en vigueur. Un mal pour un bien au final : la jeune femme préfère la rue aux gymnases. De plus, le streetball possède des règles plus souples et des aires de jeu gratuites et accessibles à toute heure de la journée. Seulement il y a un hic : ces terrains sont occupés « 99 % du temps » (dixit Carole) par des hommes, ce qui rend la pratique féminine très compliquée. « On sait comment ça se passe, déplore la dirigeante. Il est difficile pour une femme de s’intégrer dans une équipe composée uniquement d’hommes. Celles qui osent franchir le pas sont sevrées de ballons et sont physiquement au supplice car les différences de gabarits entre les deux sexes dans ce sport sont énormes. »

Un projet qui dépasse le cadre sportif

Qu’à cela ne tienne, Carole décide de créer sa propre équipe de basket féminin. « Il fallait sortir de notre isolement. En groupe, on est plus fort, on se fait davantage entendre et respecter », souligne-t-elle. Mais pour que la démarche se passe dans un climat apaisé et ne devienne pas un sujet de discorde avec des garçons qui revendiqueraient leur droit à jouer, la basketteuse doit encore se procurer un document officiel qui atteste du bien-fondé de l’opération et dont la valeur est incontestable. « Il me fallait une convention d’occupation, raconte l’intéressée. Pour l’obtenir, je n’ai pas eu besoin d’aller bien loin. En tant qu’habitante de Saint-Ouen, je me suis naturellement tournée vers ma ville, qui a tout de suite accepté. » Et d’ajouter : « Il était primordial de décrocher un créneau à l’année car ce n’est que par une présence répétée sur le terrain qu’on devient visible. Si on venait une fois de temps en temps, on n’aurait aucune chance de s’imposer, le modèle qu’on défend serait très vite dépassé. »

Si aujourd’hui, le Comète Club compte un vivier de soixante-quinze joueuses, des femmes de toutes générations (18 à 52 ans), de tous niveaux (certaines n’avaient jamais touché un ballon de leur vie et d’autres tutoyé le milieu professionnel), de tous horizons (des artistes, des travailleuses sociales, des étudiantes, des profs…), en provenance de tout le département, et même en dehors (l’une d’entre elles vient de Bagneux, dans les Hauts-de-Seine), au départ, elles ne sont que cinq. Mais grâce au bouche-à-oreille, une présence de tous les instants sur les réseaux sociaux, quelques participations à des tournois de streetball organisés par des marques et des retours dans la presse, la nouvelle se répand comme une trainée de poudre. « Depuis un an, on fait face à un afflux important de joueuses, ce qui prouve qu’il y avait une vraie attente. On ne refuse personne car on sait les difficultés à trouver un point de chute quand on n’a jamais fait de basket une fois dépassé les 20 ans », observe Carole.

« Une récompense après une journée de travail »

L’équipe est dirigée par deux coaches complémentaires, Maria, la technicienne et érudite de basket, et Yaya, dont le rôle est axé sur la préparation mentale. « Nous ne sommes pas là pour jouer à la baballe. À l’instar de n’importe quel autre club, le Comète mise sur la formation, la pédagogie et la transmission des valeurs du basket (jeu en équipe, respect des partenaires, etc.) », prévient la présidente. Des notions que Meriem assimilent parfaitement. À 35 ans, dont deux passés avec les Comètes, elle fait partie des « anciennes ». « Cela faisait longtemps que je voulais reprendre le basket mais pas à n’importe quel prix, je voulais jouer dans un cadre où je me sens totalement à l’aise, affirme cette Audonienne. Faire partie du Comète m’a redonné confiance, prouvé que j’avais ma place dans une équipe de basket. Du coup cette année, j’ai décidé de rejoindre la section basket du Red Star, qui est engagée en championnat pré-régional et qui est composée à 80 % de joueuses du Comète Club. J’ai également été attirée par la philosophie de l’association : jouer coûte que coûte à l’extérieur pour être davantage visible. En venant ici, je m’inscris dans un parcours à la fois sportif, personnel et politique. » Violaine ne dit pas autre chose. Après avoir longtemps coupé avec le sport, cette quadra souhaitait « reprendre dans une atmosphère cool, sans pression et sans engagement » et confie avoir été séduite par « le côté militant de l’association. » Jeanne, qui sortait d’une mauvaise expérience dans un club mixte à paris, a adhéré au Comète cette année sur les conseils d’une copine. « J’avais tellement peur qu’il n’y ait plus de place que j’ai payé ma cotisation annuelle (60 euros) avant même de faire un essai, dit-elle en souriant. Ambiance, bienveillance, sincérité du projet car vraiment ouvert à tous les niveaux : je ne regrette vraiment pas mon choix. J’attends chaque mercredi avec impatience. Après une journée de travail, c’est une récompense. »

Formée aux Beaux-Arts et passée par quelques maisons de luxe en tant que scénographe (elle décorait les vitrines des boutiques), la présidente du Comète Club avoue avoir une appétence particulière pour les sujets touchant au vivre-ensemble et à la cohésion sociale. Récemment, l’association a décidé de s’associer au réseau « Les clubs sportifs engagés », un dispositif gouvernemental monté en lien avec France travail (ex-Pôle emploi) qui a pour but d’affirmer le rôle social des acteurs du sport en mettant en œuvre des actions d’insertion. « À travers ce projet, on prévoit d’initier des femmes au basket afin qu’elles retrouvent confiance en elles, se connectent de nouveau au monde du travail et s’insèrent plus facilement dans la société », dévoile Carole. Son engagement ne s’arrête pas là : après être devenue ambassadrice de l’appel à Agir In Seine Saint-Denis, elle a obtenu le label ONU Femmes, qui agit pour l’égalité de genres et l’autonomisation des femmes, puis a été lauréate du dispositif Impact 2024, lequel soutient des projets d’intérêt général qui utilisent l’activité physique et sportive comme outil d’impact social. Enfin, elle vient d’être diplômée du Club des 300 femmes dirigeantes du CNOSF, un programme d’accompagnement complet à destination des dirigeantes du mouvement sportif de demain. En s’engageant dans toutes ces causes, le Comète Club prouve ainsi qu’il sait jouer sur tous les terrains.

Grégoire Remund

Photos: ©Sylvain Hitau

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