Allison Pineau, la tête haute

Allison Pineau, la tête haute
Autobiographie
  • A 34 ans, celle qui a tout gagné avec l'équipe de France de handball jette un premier coup d’œil dans le rétroviseur avec une belle autobiographie, intitulée « Alli ».
  • Son enfance à Aubervilliers, son titre de meilleure joueuse du monde en 2010, les blessures après lesquelles elle est sans cesse revenue : la demi centre des Bleues évoque tout dans le détail.
  • Avant de raccrocher, elle aimerait toutefois relever un dernier défi : des JO à la maison auxquels elle postule toujours.

« Toute cette sueur laissée sur les parquets en valait la peine. Dès ma plus tendre enfance, j’ai aimé le sport, ce qui m’a donné une idée assez claire de la façon dont j’envisageais ma vie. » Ce sont les mots d’Allison Pineau, une fille d’Aubervilliers qui aura tout gagné avec l’équipe de France de handball: championne du monde 2017, championne d’Europe 2018 et championne olympique 2021.

Dans sa belle autobiographie, sobrement intitulée « Alli », celle qui fut sacrée meilleure joueuse du monde en 2010 se livre sans détours, bien aidée par la plume de la journaliste Mejdaline Mhiri et l’équipe du média Les Sportives, dont c’est là le premier coup éditorial.

Comme si souvent, tout commence à l’enfance et beaucoup de choses y reviennent. Dans celle d’Allison, on trouve beaucoup de joie. Aubervilliers à cette époque, ce sont les copains, les défis sportifs, la figure protectrice de sa mère Marie-Ange. « A Aubervilliers, nous habitons dans un bâtiment juste à côté d’immenses tours, à la lisière d’une grande cité. Moi je n’ai qu’une obsession : m’éclater dehors pour faire du sport avec mes potes. » Foot, athlétisme, escalade, pas une discipline où cette grande liane n’excelle. Où l’on apprend par exemple qu’elle fut championne de France UNSS de tennis de table à 11 ans, alors scolarisée au collège Denis-Diderot d’Aubervilliers, un moment d’ailleurs assez fondateur dans sa vie de compétitrice.

Mais un voile plus sombre passe aussi sur le récit, avec ce père violent perdu de vue alors qu’elle avait 6 ans.

Un titre de meilleure joueuse du monde, cadeau empoisonné

Son destin dans le handball ne coule pas de source au départ. Car, aimantée par la figure de Marie-José Pérec, Guadeloupéenne comme elle, c’est plutôt pour l’athlétisme qu’Alli en pince. Sa rencontre avec Daniel Deherme en décidera autrement. Ce prof de sport de collège, qui est en même temps entraîneur au CM Aubervilliers, aura notamment convaincu Allison de passer au hand « parce qu’elle avait de grandes mains ». Très vite, il n’y a cependant pas que les grandes mains d’Allison qui font la différence : sa mobilité, sa vision de jeu et son endurance lui font gravir les marches quatre à quatre.

Aubervilliers, puis Villemomble, puis le premier contrat pro à Issy-Paris et jusqu’au meilleur club français, le Metz handball… Allison va vite, très vite. Avant que n’arrivent à la fois une bénédiction et un coup de massue : à seulement 21 ans, Allison Pineau est sacrée meilleure joueuse du monde. Un titre honorifique qui, contre toute attente, se mue en complexe de l’imposteure. Parce que ce titre n’était décerné que par les internautes, Alli en arrive à éprouver de l’illégitimité. « Cette souffrance liée à ce titre, je l’ai longtemps portée comme une blessure intérieure, un fardeau, presque un accident de parcours », écrit l’intéressée. Au point de lui attribuer partiellement la litanie de clubs étrangers qu’elle aura écumés par la suite.

Valcea (Roumanie), Vardar Skopje (Macédoine), Krim Ljubljana (Slovénie), Baia Mare (Roumanie), Podgorica (Monténégro), le tout entrecoupé des clubs français de Nîmes et Brest : dans sa carrière, Alli aura enchaîné les clubs, pour le meilleur et pour le pire… Car à l’étranger, la joueuse guadeloupéenne découvre le racisme et l’isolement. Même si cette globe trotteuse, curieuse d’autres cultures, dit finalement avoir trouvé chaussure à son pied en Slovénie, dans ce club de Krim où elle évolue pour la deuxième fois de sa carrière et où elle se verrait bien réfléchir au développement du handball féminin.

Mais Allison, c’est d’abord et avant tout un maillot : celui de l’équipe de France. Une carrière internationale XXL pour laquelle elle aura fait tant de sacrifices. On souffre littéralement avec elle quand, victime d’une rupture des ligaments d’un genou en 2011, puis d’un arrachement ligamentaire de la cheville en 2017, elle cravache à chaque fois pour revenir dans les temps pour les Jeux de Londres 2012 et le championnat du monde 2017. Et on jubile avec elle dans ce dernier cas où, autrice d’une finale de rêve, elle est au sommet de son art.

Tentée par une carrière de dirigeante

Et maintenant ? A 34 ans, on sent la joueuse à la croisée des chemins. Jugée pas assez productive en attaque, elle a été écartée du dernier Euro puis du dernier Mondial par le sélectionneur Olivier Krumbholz. Mais se porte tout de même candidate à des Jeux à la maison que comme toute sportive, elle ne manquerait pour rien au monde.

Ce qui ne l’empêche pas d’avoir déjà des envies d’après-carrière : « Je souhaite m’investir à l’étage du dessus, au rayon affaires et financier, de l’évolution du handball », écrit celle qui avait déjà approché la Stella Saint-Maur pour tenter de la faire monter en 1ère division, où le seul club francilien est pour l’instant le Paris 92 handball. Et de mettre un bon taquet au machisme régnant encore selon elle dans le milieu du hand : « Pour les femmes aspirant à devenir dirigeantes, entraîneures, arbitres, un chemin de croix les attend. La pression se décuple, le procès en illégitimité est constant. Nous serions trop faibles.. alors que briser le plafond de verre nécessite deux fois plus d’énergie » De l’énergie, Allison Pineau en a toutefois à revendre, pour changer les choses !

Christophe Lehousse

Photos: ©Marie Lopez-Vivanco

– Alli, histoire(s) d’une championne, Editions Les Sportives, 24,90 euros

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