Kluster : « Une fête plus safe et plus libre »

Pourquoi avez-vous créé le collectif Kluster en 2020 ? 

Keut – Nous adorons l’univers de la fête qui devrait être le symbole de lâcher-prise et d’émotions partagées. Il y a quelques années, des témoignages d’agressions de proches sur des espaces de célébration nous sont remontés ainsi que des sentiments d’insécurité persistants en particulier chez les femmes. Touché·e·s par le ras-le-bol, on a décidé d’agir à notre niveau pour rendre la fête plus safe, plus libre et plus bienveillante, dans une optique où chacun·e puisse veiller sur chacun·e.
Pas mal de bénévoles nous ont rejoint et nous avons pu développer une vision inclusive de la fête en programmant des artistes émergent·e·s et / ou issu·e·s des minorités, lors de concerts de musiques actuelles accueillant jusqu’à 1500 personnes. Ce faisant, nous avons développé nos propres outils de sensibilisation des publics entre autres lors de spectacles dans le tiers-lieux Le Sample à Bagnolet, au sein du collectif d’artistes Carbon 17 et au square Jean-Ferrat à Aubervilliers, dans le lieu de création du 6B à Saint-Denis ou au Hangar Berlin 93 de La Courneuve…
À l’entrée des concerts, nous sensibilisons les participant·e·s aux questions de vivre-ensemble et de lutte contre les discriminations (sexisme, racisme, grossophobie, handiphobie…). Nos bénévoles sont formé·e·s à l’accompagnement moral, psychologique et juridique des personnes victimes ou témoins de comportements inappropriés. Cet engagement peut aller jusqu’à organiser des maraudes à la sortie des spectacles pour garantir la sécurité des personnes isolées.

Le Département s’engage de son côté à organiser des événements grand public garantissant un accueil serein et égal pour tous·te·s, un projet qui sera lancé cet été sur le site de célébration de Paris 2024 en Seine-Saint-Denis. Pour ce faire, la collectivité va bientôt signer la charte SAFE enjoignant les prestataires à concevoir des manifestations sûres et inclusives, en aménageant des espaces, mobilisant les personnels et les partenaires…

Vous êtes associé·e·s à l’organisation du live-site de Paris 2024 au parc Georges-Valbon. Concrètement, qu’allez-vous faire ?

Léopoldine Dupont – Par le biais de la Délégation Egalité Citoyenneté, nous avons proposé notre expertise pour mettre en place avec d’autres acteurs une zone de protection permettant aux personnes impactées directement ou indirectement par des discriminations ou des violences d’être accueillies et accompagnées de A à Z.  Nos membres, formé·e·s à l’écoute active, s’adaptent aux besoins de chaque personne, qui peuvent faire appel à leur médiation même dans des cas de comportements non-délictuels mais malaisants comme une main sur l’épaule ou des remarques inappropriées.

Le grand site de célébration des JOP au parc Georges-Valbon accueillera cet été des milliers d’habitant·e·s qui suivront les épreuves sportives sur des écrans géants. Six soirées exceptionnelles sont prévues, notamment avec des artistes de la Seine-Saint-Denis.

La charte départementale SAFE, signée en mars par Stéphane Troussel, engage les services et les partenaires du Département à suivre un ensemble de préconisations. Parmi celles-ci, on peut noter la formation des acteur·rice·s, l’inscription des objectifs d’inclusion et de non-discrimination dans le cahier des charges des prestataires, une réflexion en amont sur les questions de la sécurité, les équipements (accès facilité pour les personnes en situation de handicap, mobilier adapté pour les personnes rondes…), la mise en place d’une programmation à l’image de son territoire…

Comment votre collectif peut-il s’inscrire sur le long terme dans les objectifs politiques de la charte départementale SAFE ? 

Quentin Schwartz – Concernant la programmation notamment, notre collectif accompagne des artistes avec le Réseau artistique Kluster (RAK) dans une optique inclusive et transdiciplinaire en mettant en avant des musicien·ne·s issu·e·s des minorités. Nous réalisons en Seine-Saint-Denis et en province des spectacles polymorphes mêlant souvent les musiques actuelles aux arts numériques avec des artistes de la scène locale émergente (DJ Physical…) ou des personnalités internationales comme le brésilien RHR…
Par ailleurs, Kluster, à travers son label, produit des artistes issu·e·s de communautés minorisées, en étant attentif à la parité entre les hommes et les femmes, pour compenser le côté ultra-masculin de la production de techno underground. Comme notre collectif l’explique souvent, la fête est aussi un instrument politique et nous la voulons à la fois bienveillante et tolérante pour tous·te·s ses acteur·rice·s.

Le Département a organisé le 14 mars un grand colloque sur le Genre et les espaces publics en Seine-Saint-Denis, auquel le collectif Kluster a participé, avec d’autres structures engagées contre les violences sexistes et sexuelles.

Crédit-photo : Nicolas Moulard