En finir avec les féminicides…
Les féminicides et les violences faites aux femmes augmentent partout dans le monde. Un constat dressé par l’Observatoire des violences faites aux femmes. Pour lutter contre ce fléau, en France, la justice s’organise et ses dispositifs de protection s’améliorent.
Après Flora à Bondy et Valéria à Sevran, Assia est la troisième victime de féminicide enregistré en Seine-Saint-Denis en 2023. Le 21 mars, c’est à Montreuil où elle habitait qu’une marche silencieuse a eu lieu. C’est ainsi que l’Observatoire départemental des violences faites aux femmes (ODVF) a, depuis 2005, choisi de rendre hommage à toutes les femmes assassinées par leur mari, conjoint, ex-petit-ami violents.
En 2022, en France, 124 femmes ont été tuées par leur époux, concubin ou partenaire. Les violences faites aux femmes augmentent partout dans le monde. La responsable de l’ODVF, Ernestine Ronai cite « le Mexique où 10 femmes sont tuées chaque jour. Le pays le plus dangereux pour les femmes. L’Ukraine où les femmes ukrainiennes sont violées par les soldats russes. L’Afrique du Sud où les féminicides ont augmenté de 52% en 2022. »
Bintou Founé Samaké Bouaré, présidente de l’association Women in law & developpement in Africa et ex-ministre aux Droits des femmes du Mali rend compte de cette effroyable situation : « Au Mali, la protection des femmes et des filles n’existe plus. 45% des femmes âgées de 15 à 49 ans ont subi des violences physiques, sexuelles et conjugales. La prévalence de l’excision atteint 83%. Elle est pratiquée au vu et au su de tout le monde. 69% d’entre elles n’ont jamais cherché d’aide et seules 19% en ont parlé à une personne. Parler des violences c’est comme si elles avaient trahi un secret, comme si elles avaient mis les problèmes de la famille sur la place publique. Il y a un proverbe qui dit chez nous : « la femme qui a subi des violences conjugales, ses enfants seront bénis. »
Pour ces femmes victimes, 14 centres de prise en charge holistique « One stop center » ont été mis en place avec l’aide des Nations Unies au Mali. Au dernier trimestre 2022, ces pôles de protection ont enregistré 4135 incidents. « Si nous avons des infirmières, des médecins, des psychologues- le maillon justice est le plus faible. Malgré la mise en place de la structure Commission vérité justice et réconciliation, les victimes de violences sexuelless liées au conflit au Mali n’ont eu aucun accès à la justice depuis 2012. Aucune audience n’a eu lieu ».
En France, la justice se réorganise
Pour améliorer la prise en charge pénale, le président du tribunal de Bobigny travaille actuellement avec le procureur de la République sur le projet de création d’une filière pour traiter les violences conjugales. L’objectif : disposer à la fois d’un pool de magistrats (juge correctionnel, juge aux affaires familiales, juges de l’application des peines, juge des enfants) et d’un pool d’assistants à leurs côtés pour traiter en priorité les violences faites aux femmes et au sein du couple : « Il faut que lorsque le juge aux affaires familiales intervient, il sache ce qui se passe dans le dossier du juge pour enfants Quand le juge correctionnel intervient, il sache ce qui se passe dans le dossier du juge aux affaires familiales explique Peimane Ghaleh Marzban. Nous passons d’une logique de dossier à une logique de personne ».
Au cours de l’année 2023, le tribunal de Bobigny va bénéficier de dix juristes assistants. Quatre d’entre eux seront mobilisés pour traiter prioritairement des violences faites aux femmes et au sein du couple. « L’enjeu dans un tribunal comme celui de Bobigny, c’est que l’information entre ces différents juges puisse circuler en temps réel. Je veux que toutes et tous soient convaincu.e.s de notre mobilisation pour lutter contre ce fléau. »
L’ordonnance de protection s’améliore
Un dispositif permet aux femmes, d’être rapidement protégées avec leurs enfants sans avoir à porter plainte. L’ordonnance de protection interdit notamment aux hommes violents d’entrer en contact avec elles.
En Seine-Saint-Denis, où un protocole entre les différents partenaires, a permis d’accorder des ordonnances de protection dès novembre 2010, le nombre d’ordonnance de protection a augmenté de 67%, avec 186 ordonnances de protection accordées sur 276 demandées. Et dans 92% des cas, le juge des affaires familiales attribue exclusivement l’autorité parentale à la mère. « L’ordonnance de protection est la première marche de la protection des femmes victimes de violences. Pourtant elle n’est pas assez utilisée » regrette Ernestine Ronai. « Il faut que les avocats la demande davantage » insiste-t-elle.
Le gouvernement travaille de son côté à améliorer ce dispositif. Le juge des affaires familiales pourra bientôt délivrer en 24 heures (de manière dérogatoire) une ordonnance de protection même en l’absence du concubin/conjoint mis en cause. Le juge pourra accorder une aide financière pouvant atteindre 5000 euros sous forme de prêt ou de don à la victime. L’auteur des violences devra alors rembourser ce prêt. L’objectif de cette nouvelle loi : agir vite pour protéger la victime en l’aidant à quitter le domicile.