Parlez jeunesse ! Le Département lance une grande concertation à destination des 15-25 ans

Parlez jeunesse ! Le Département lance une grande concertation à destination des 15-25 ans
Concertation
  • Jusqu’à l’automne, le Département va donner la parole aux jeunes pour les consulter sur leurs besoins et leur ressentis.
  • Cette collecte doit déboucher en octobre sur la mise à jour de ses politiques publiques en direction de la jeunesse.
  • Lundi 5 mai, le coup d’envoi de cette grande concertation a été donné à travers une journée d’études qui s’est concentrée sur le thème de la santé mentale des jeunes, fragilisés notamment par le confinement.

« Sans verser dans le misérabilisme, ce n’est pas simple d’être étudiant aujourd’hui. Souvent, on a l’impression d’être livrés à nous-mêmes. Par exemple, pour trouver un stage, ce n’est pas évident : j’ai frappé à tellement de portes, mais à chaque fois, c’est non. En plus, s’ajoute à ça que pour les inscriptions, on passe toujours par des plateformes numériques, c’est assez déshumanisant. Tout ça crée un stress assez néfaste. »

Nisrine n’a pas peur de dire que tout n’est pas rose. Cette étudiante en master 1 en droit de la santé à Paris 8/Saint-Denis est d’autant plus à prendre au sérieux qu’elle a les armes pour verbaliser le malaise d’une partie de la jeunesse française : la jeune femme de 24 ans a été finaliste cette année du concours Eloquentia de Paris 8.

Un peu plus tôt, les chiffres de l’étude nationale Mentalo énoncés dans le bel espace Yookan – un lieu d’accueil et d’orientation pour les jeunes de passage au centre commercial Rosny 2 – disaient à peu près la même chose : un jeune sur 2 se sent mal mentalement, un sur 7 a un risque de détresse sévère, 9 sur 10 ressentent une pression à la réussite autour de leur avenir.

C’est sans doute la raison pour laquelle le Département de la Seine-Saint-Denis a choisi de débuter sa grande concertation jeunesse par une demi-journée d’études dédiée à la santé mentale chez les jeunes.

« Un avant et un après-Covid »

Evelyne Dorvillius, directrice du Tête à tête – un espace départemental luttant depuis presque 20 ans contre les conduites à risques chez les jeunes – confirmait ce sentiment d’urgence autour d’un mal-être évident de la jeunesse : « Concernant la santé mentale, il y a clairement à nos yeux un avant et un après-Covid. Le fait de ne pas avoir pu sociabiliser durant la période du confinement a amené beaucoup de jeunes à avoir des comportements à risques. Beaucoup nous ont dit ne pas s’être protégés lors de rapports sexuels ou avoir pris des stupéfiants », soulignait cette professionnelle venue en voisine puisque le lieu est lui aussi situé à Rosny 2.

Karine Grandpierre, vice-présidente à La Sorbonne Paris Nord (Bobigny et Villetaneuse) était plus alarmiste encore : « Il y a actuellement une grande détresse chez nos étudiants : on dénombre en moyenne une tentative de suicide par semaine. Même si on ne peut pas généraliser, c’est souvent lié à un stress matériel, beaucoup d’étudiants ne mangeant pas à leur faim. Depuis le Covid, nous avons vu exploser le nombre de jeunes ayant recours à l’aide alimentaire… »

Arnaud Bascop, ingénieur en santé publique, détaille les résultats de l’étude numérique Mentalo actuellement en cours dans toute la France sur les 11-24 ans.

Pression liée à la réussite scolaire, suites du confinement, manque de sommeil et troubles de la concentration liés aux écrans, anxiété globale dans un monde en crise… au cours de cette demi-journée dédiée aux professionnels de l’enfance et de l’adolescence, un certain nombre de causes pouvant expliquer ce mal-être auront été pointées du doigt.

« On fait aussi le constat que les inégalités territoriales accentuent ces problèmes de santé mentale. Globalement, la santé mentale est moins bonne chez les personnes moins favorisées socialement, sans doute parce que ces personnes n’ont pas les ressources ou le temps pour consulter », complétait Catherine Embersin-Kyprianou, chargée d’édtues à l’Observatoire régional de la Santé.

Dans un territoire frappé par la désertification médicale comme l’est la Seine-Saint-Denis, il n’est en effet pas étonnant que de potentiels troubles psychiques ne soient pas détectés ou prennent plus d’ampleur : « En Seine-Saint-Denis, il y a clairement une carence en termes de professionnels. Le territoire a par exemple quatre fois moins de psychiatres que Paris et les délais pour avoir une prise en charge en CMP (Centre Médico-Psychologique) sont extrêmement longs », rappelait ainsi Magalie Thibault, vice-présidente du Département en charge de la santé.

Premiers secours en santé mentale

Une fois le diagnostic posé, les intervenants se chargeaient aussi de donner quelques solutions aux responsables d’association ou éducateurs venus assister aux échanges. Noor Chayet, responsable chez Ghett’up, une association enjoignant les jeunes des quartiers populaires à lutter pour plus de justice sociale, citait ainsi en exemple les groupes de parole constitués à la demande de certains jeunes pour échanger. Noufisa Bouzir, soignante, faisait elle la promotion de l’attestation en Premiers secours en santé mentale (PSSM) dont elle est formatrice. « Equivalent du PSC-1 qui donne les bases du secourisme physique, cette formation de deux jours apprend à détecter les principaux troubles psychiques, à ne pas juger et à orienter vers les professionnels de santé compétents », expliquait celle qui enjoint surtout à « déstigmatiser ce thème de la santé mentale » : « Il ne faut plus que ce soit un tabou. Faire appel à un psychologue ou un psychiatre ne veut pas du tout dire qu’on est fou, mais qu’on peut à un moment ou un autre de sa vie être en souffrance. », insistait-elle.

Lancé sur de bonnes bases – dans un respect et une écoute mutuelle – ce grand plan pour la jeunesse va maintenant prendre son rythme de croisière : 3 autres demi-journées d’étude sont prévues, autour du rapport des jeunes à la culture, à la police et au logement. « Les principaux concernés, c’est-à-dire les jeunes eux-mêmes, seront aussi consultés directement, via des tables rondes avec des associations ou via les réseaux sociaux. », détaillait Oriane Filhol, conseillère départementale en charge de la jeunesse. Un temps plus festif – la Fête des Jeunesses – est aussi prévu au Parc de La Courneuve le 19 juillet prochain.

Christophe Lehousse

Photo: ©Nicolas Moulard

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