Une Odyssée Jeunes en latin dans le texte

Une Odyssée Jeunes en latin dans le texte
L'éducation autrement
  • L’édition 2023-2024 d’Odyssée Jeunes, le programme de voyages pédagogiques qui ouvre les horizons des collégien.n.es de Seine-Saint-Denis, continue ses périples.
  • Du côté du collège Travail-Langevin de Bagnolet, c’est vers la Provence romaine que s’est tournée, cette fin mai, une classe de latinistes.
  • L’occasion aussi de redonner de la vigueur à l’enseignement du latin qui peine à attirer de nouveaux collégiens.

Dans cette salle de classe du collège Travail-Langevin à Bagnolet, un empilement savant de Gaffiot, le dictionnaire-référence des latinistes, indique qu’on est bien sur la bonne voie… Celle qui a mené, lors des derniers jours de mai, toute une classe de ce collège bagnoletais vers la Méditerranée pour un périple en itinérance intitulé du « Rhône à Mare Nostrum, de l’Antiquité à nos jours. »
L’ambition de ce voyage soutenu par Odyssée Jeunes -lire notre encadré – est simple : découvrir la Provence romaine (Avignon, Nîmes, Arles et Orange) mais aussi Massilia, autrement dit Marseille en latin, autrement que dans les livres pour un groupe d’une trentaine de latinistes de classe de troisième.
Au programme, entre autres, la découverte des arènes romaines de Nîmes, du patrimoine antique d’Arles ou encore une randonnée en canoë-kayak sur le Gardon à la découverte du Pont du Gard, chef d’œuvre antique et technique classé au Patrimoine mondial de l’humanité.
Sans oublier, quelques coups de palmes dans la Méditerranée, orchestrés à Marseille par le Groupe de Recherche Archéologique Sous-Marine, un club de plongée phocéen chargé d’initier les collégiens de Travail à la plongée sous- marine sur un site archéologique sous-marin reconstitué.

Ne laisser personne de côté

Portrait d’Isabelle Woydillo, professeur de latin-grec du collège Travail-Langevin à Bagnolet

Un programme conséquent initié par Isabelle Woydillo, professeur de latin-grec du collège et adepte convaincue du dispositif Odyssée jeunes, découvert dès son démarrage en 2009 : « A l’époque, on remplissait encore les dossiers sur papier, sourit-elle à l’évocation de ce souvenir. Mais, en dehors de ce détail, ce qu’il faut souligner c’est que lorsqu’on exerce dans un collège classé en REP (réseau d’éducation prioritaire), Odyssée jeunes permet avant tout d’organiser des voyages scolaires sans discrimination financière. Parce que, mon objectif sur un voyage, c’est d’abord que tout le monde puisse participer. Et bien sûr, derrière, il y a également des objectifs pédagogiques : grâce à ce voyage, les élèves vont voir les Arènes de Nîmes autrement que dans leur manuel, ils vont entrer à l’intérieur. Même chose avec le Pont du Gard qu’ils vont admirer depuis des canoës… En fait, tout ce qu’ils ont appris au cours de leurs trois années de latin va prendre du sens en découvrant ces différents sites antiques de visu. D’un point de vue pédagogique, c’est très riche pour moi comme pour d’autres enseignants. En sciences et vie de la terre, ils vont étudier la faune et la flore de la Méditerranée avec plus d’attention parce qu’ils vont y faire un baptême de plongée. Enfin, de manière toujours très concrète, ils ont aussi pris conscience de toutes les contraintes financières d’un tel voyage parce que nous complétons aussi la subvention d’Odyssée Jeunes avec différentes actions, en vendant des gâteaux, par exemple. »

 

Mais, avant de passer à la pratique sur les routes de Provence, il reste quand même, le jour de notre visite, un peu de théorie sous la forme d’un exposé de deux minutes, préparé en 30 minutes toutes aussi chronométrées, pour présenter quatre haltes de la prochaine Odyssée : le site archéologique de Glanum à Saint- Rémy-de-Provence, les Arènes de Nîmes, le Pont du Gard et le Théâtre antique d’Orange.

La passion de l’Empire romain

« Faites court, construisez trois parties bien distinctes, c’est un exercice qui vous servira aussi pour votre oral du brevet », annonce d’emblée Isabelle Woydillo avant de laisser quatre petits groupes d’élèves cogiter entre eux.

Un exercice que Sarah, 15 ans et « l’envie de faire de la com’ plus tard », va négocier avec une certaine maestria lors de son passage devant la classe. Sûrement parce que la collégienne se dit aussi « passionnée par l’Empire romain. C’est d’ailleurs un peu ce qui m’a poussée à faire du latin en classe de cinquième. Et je ne le regrette pas… Sûrement aussi parce que dès le départ Madame Woydillo nous a présenté l’objectif du voyage qui a été un projet très motivant pendant trois ans. D’ailleurs, j’ai hâte d’y être ! »

Même écho positif du côté de Luna, motivée par un « voyage qui nous a donné l’envie d’apprendre plus de choses. A côté de ça, le latin me sert aussi pour être meilleure en français et en espagnol : ça compte ! Et puis, cette Odyssée, c’est une belle aventure collective, on a appris à mieux se connaître », explique encore celle qui se verrait bien « pourquoi pas, devenir médecin. »

Une vocation presque partagée avec Sami, 14 ans, qui, lui, se rêve en vétérinaire et attend avec impatience de découvrir « Mare Nostrum », autrement dit la Méditerranée que les Romains qualifiaient de « notre mer » : « Les profondeurs sous-marines, c’est un univers qui m’a toujours fasciné depuis tout petit, mais je n’ai jamais plongé, dit-il. Ce sera mon premier baptême et une super expérience organisée par une prof qui sait nous motiver et nous donner envie d’apprendre… »

Redonner ses lettres de noblesse au latin…

Un des autres objectifs de cette Odyssée Jeunes qui doit également « rebooster » l’attrait pour le latin qui se perd dans ce collège de Seine-Saint-Denis comme ailleurs dans l’Hexagone : « Quand je présente mon enseignement aux futurs latinistes, explique Isabelle Woydillo, je leur parle évidemment de la perspective d’un voyage, même si je leur précise bien que cela ne représente qu’une semaine sur trois années d’enseignement ! Le latin n’est plus en vogue ici, pourtant différents rapports de l’éducation nationale établissent que les options latin ou grec sont plus que nécessaires dans les établissements classés en REP parce qu’elles donnent le sentiment aux élèves d’avoir accès à un savoir savant. Et, franchement, ce n’est pas qu’un sentiment : depuis quinze ans que j’enseigne ici, je vois l’impact que peut avoir le latin sur la progression des élèves en français. Alors, à côté de l’intérêt pédagogique du voyage, le dispositif Odyssée jeunes nous aide aussi, et vraiment, à mener ce combat pour maintenir l’enseignement du latin dans nos collèges. »

Une autre sorte d’odyssée, en quelque sorte…

Seize ans de voyage…

Lancé en 2009 et soutenu par le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, la Direction des services départementaux de l’Éducation nationale et la Fondation BNP Paribas, le programme « Odyssée Jeunes » a deux objectifs majeurs : favoriser la mobilité et l’ouverture culturelle des collégiens du 93 au travers d’un voyage scolaire mais aussi permettre au plus grand nombre de pouvoir en bénéficier et notamment les collégiens issus des familles les plus modestes. Les projets Odyssée Jeunes peuvent, en effet, être financés jusqu’à hauteur de 16 000 euros. Depuis la création du programme, il y a 15 ans, ce sont 58 000 collégiens qui ont mené 1 330 Odyssées à travers l’Hexagone et le monde.

Pour en savoir plus, c’est ici !

 

Crédit photo : Bruno Levy

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