AGIR, contre le décrochage scolaire

AGIR, contre le décrochage scolaire
Education
  • Depuis 2008, le Département a mis en place un dispositif d’Accueil des collégiens temporairement exclus (ACTE).
  • L’idée est de mettre à profit le temps d’exclusion- généralement 3 à 5 jours – pour travailler sur le comportement de l’élève et préparer sereinement son retour dans l'établissement.
  • 31 villes participent actuellement au dispositif, dont Drancy, qui a mandaté l'association Agir pour intervenir dans ce cadre.

« J’ai pris 3 jours d’exclusion pour insultes envers un camarade et violences physiques. Il avait insulté ma mère, alors j’étais obligé de répondre » Ce lundi matin, Salman, en 4e, vient d’arriver dans les locaux de la ville de Drancy, qui hébergent le dispositif ACTE. En même temps que 5 autres élèves, il doit mettre cette semaine à profit pour réfléchir à son comportement, mais aussi suivre des ateliers – photo, théâtre, sport, prévention – qui lui permettront d’ouvrir un peu son horizon.

Mis en place par le Département en 2008, ACTE est présent dans 31 villes du territoire comme Bobigny, La Courneuve ou Drancy, où il est mis en œuvre par la ville et l’association AGIR (Aider et Guider pour Initier la Réussite). « On travaille beaucoup sur la confiance en soi des élèves ainsi que sur le lien aux parents qu’on demande à voir soit en début soit en fin de parcours », explique Linda Tamimount, à l’origine d’AGIR et par ailleurs directrice de l’école maternelle Paul-Doumer à La Courneuve.

Les élèves commencent en effet par être reçus avec leurs parents par les deux éducateurs de la structure. Puis la séance débute par un tour de table avec la première intervenante, Zina Yalali. « Pouvez-vous chacun me dire pourquoi vous avez été renvoyés et comment vous vous voyez en tant qu’élèves ? », demande cette sophrologue et orthopédagogue, une discipline travaillant sur les méthodes d’apprentissage. Sur 6 élèves, 5 ont été renvoyés pour des violences et un pour un vol.

Redonner confiance, faire prendre conscience

« Pensez-vous qu’il existe des élèves bêtes ? », veut ensuite savoir Zina Yalali. « Je peux ne pas être intelligent pour certaines choses », murmure Salman. « Certains élèves ont une image très dégradée d’eux-mêmes. Ils ont tellement entendu qu’ils n’étaient bons à rien qu’ils ont fini par l’intérioriser. Le but, à travers la sophrologie, est de leur redonner confiance en eux », témoigne Zina Yalali, qui en est à sa 3e année d’intervention pour le compte d’AGIR.

Cette association, en plus de l’accueil de collégiens temporairement exclus, assure aussi des formations de parents et d’enseignants à l’orthopédagogie. Derrière ce terme se cachent en fait des sciences cognitives, développées au XXe siècle par le pédagogue Antoine de la Garanderie « Chacun a une manière d’apprendre qui lui est propre. Par contre, certains élèves vont perdre beaucoup de temps et d’énergie parce que finalement ils ne connaissent pas bien leur propre fonctionnement. On veut donc vous donner quelques clés d’apprentissage et des méthodes de travail en fonction de vos caractéristiques », développe la formatrice qui propose justement aux élèves un petit jeu devant déterminer si leur mémoire est plutôt visuelle, auditive ou basée sur le mouvement. « Eh Madame, vous nous truc, euh, profilez, là », lance Emilia, en 4e.

Il est ensuite question des différents projets professionnels des élèves. 4 sur 6 veulent devenir footballeurs professionnels. « Aucun problème à cela, c’est bien d’avoir des rêves. Mais pensez bien à une chose : les centres de formation par lesquels vous devrez passer pour devenir footballeurs, regardent de près le comportement et les résultats scolaires. Et puis, vous n’êtes jamais à l’abri d’une blessure, donc c’est bien de penser à un plan B. Ce qui veut dire ne pas laisser tomber l’école », insiste Zina.

« De toute façon, pour le foot, je n’ai besoin que d’être bon en EPS », lâche Salman, pas convaincu, mais on voit bien, quand même, que l’idée fait son chemin dans sa tête. Surtout quand Fanta, déjà approchée par l’Olympique lyonnais alors qu’elle joue surclassée au FC Montfermeil, reconnaît effectivement avoir réfléchi à une alternative : « ce sera experte comptable, c’est toujours bien d’être à l’aise avec les chiffres », lance-t-elle, espiègle.

Suivi avec les parents

Après cette première matinée, Chamsoudini Mhoudine, éducateur de la ville de Drancy, sort de son bureau. « Dans 70 % des cas, les problèmes de comportement proviennent d’un souci au sein du foyer familial. Ca peut être des problèmes d’autorité parentale, de violences, des temps d’écran excessifs. », décrit cet éducateur de formation, passé par une MECS (Maison d’Enfants à Caractère Social). Dans le débat qui a consisté pour le gouvernement à pointer du doigt les parents dits « démissionnaires » dans les émeutes de l’été dernier suite à la mort du jeune Nahel, lui se garde bien de juger quiconque. « Certains parents dits démissionnaires sont juste dépassés par leur situation sociale. C’est difficile pour une mère célibataire qui doit aller bosser d’être derrière chacun de ses enfants. Mais même comme ça, ces parents mettent des choses en place, ils sont volontaires. Là où on a le plus de mal, c’est avec les parents qui sont dans le déni, qui pensent que l’Education nationale s’est liguée contre leur enfant. Ce ne sont pas les plus nombreux, mais il y en a », constate celui qui rédige systématiquement un bilan de prise en charge au collège qui lui a envoyé l’élève temporairement exclu.

Et cet ancien enfant du quartier de conclure : « ACTE n’est pas magique, il faut que tout le monde joue le jeu – les élèves, les parents, les encadrants. Mais je constate quand même que d’autres départements d’Ile-de-France aimeraient avoir pareil dispositif. »

Christophe Lehousse

Photos: ©Bruno Lévy

* Les prénoms ont été changés

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