Une auto-école sociale pour rouler vers l’emploi

« Je voudrais retrouver un poste d’auxiliaire de vie à domicile après m’être arrêtée quelques années pour m’occuper de mon fils malade. Le permis me permettrait de convaincre l’employeur que je peux me déplacer de façon autonome chez les clients et j’espère, décrocher vite un job…» confie Mathilde, 32 ans, bénéficiaire du RSA. La dynamique Rosnéenne a bénéficié, après étude de son dossier par la Direction départementale de l’emploi, de l’insertion et de l’attractivité territoriale d’une prise en charge financière totale de sa formation au permis de conduire. Cette mère de trois enfants passe aujourd’hui deux heures par jour dans les locaux de l’association pour réviser son code devant les ordinateurs de la salle numérique ou auprès des deux monitrices.

Un apprentissage personnalisé, 35 heures de conduite…

L’auto-école sociale et solidaire de l’association Rues et Cités forme environ 120 stagiaires par an en général retenu·e·s en fonction de leurs difficultés d’accès à l’insertion et à l’emploi : jeunes en décrochage scolaire ou issu·e·s de l’Aide sociale à l’enfance, allocataires de minimas sociaux, depuis deux ans personnes en situation de handicap…

« Nous les recevons une première fois pour leur présenter les avantages de notre formation : applications d’apprentissage, accompagnement fondé sur le parcours de la personne, entre 30 et 40 heures de conduite alors que les auto-écoles classiques n’en proposent que 20, possibilité dans certains cas de repasser le permis… » détaille Stéphanie Dalet, responsable du pôle Emploi, Insertion de l’association Rues et Cités. Les stagiaires financent en fonction des dispositifs un maximum de 400 euros, contre un forfait de 1800 euros en moyenne dans les organismes de formation franciliens.

Tous·te·s originaires de la Seine-Saint-Denis, les participant·e·s sont suivi·e·s de façon individualisée par l’ensemble de l’équipe de l’auto-école sociale, au-delà parfois du passage du fameux examen. « On est souvent amené à prendre en compte leurs difficultés personnelles pour travailler sur la confiance en soi » explique l’enseignante Anissa. « En conduite, je vais chercher à adapter le cours en donnant des consignes visuelles et en prévenant l’inspecteur du permis si le stagiaire ne maîtrise pas bien le français ». 

70% de réussite lors du passage du permis

Mathilde, Redouane, Annabelle… participent avec assiduité aux formations théoriques et pratiques dispensées dans les locaux de Rues et Cités mais aussi à la maison par le biais d’un entraînement en ligne. Pour rassurer les plus angoissé·e·s, l’équipe propose également de s’exercer dans une voiture avec une boîte automatique ne nécessitant pas le passage des vitesses.

Les liens tissés pendant ces quelques mois peuvent parfois révéler des problématiques d’ordre privées. « Nous accompagnons les personnes qui peuvent avoir des difficultés administratives à faire leurs ouvertures de droit » indique Julia, agente d’accueil et de médiation sociale. « Lorsque certaines femmes ont confié être victimes de violences conjugales, mes collègues les ont orientées vers des associations idoines en réadaptant leur coaching à la situation psychologique traversée ». 

Avec cet apprentissage « cousu main », l’auto-école peut se flatter d’un taux de réussite de 70%, supérieur à 10% de la moyenne nationale. De bons résultats qui ont incité le Département à renouveler depuis trois ans un appel à projets prenant en charge à 100% le coût de cette formation pour certain·e·s allocataires du RSA. « Plus de 240 places ont été financées dans différentes auto-écoles solidaires du territoire et nombre de ces bénéficiaires ont retrouvé un emploi par la suite » se félicite Laurent Hénon, chef du service Emploi et Formation de la collectivité.

Malgré un nombre énorme de demandes, la structure souhaite « rester à taille humaine » afin d’assurer une formation technique chevillée à une remobilisation des personnes. « On se réjouit d’avoir les retours de femmes isolées pour qui le permis a été un véritable outil de liberté et d’épanouissement au-delà de l’accès à l’emploi » annonce une salariée. Une récompense sans prix pour cette équipe de passionné·e·s.

Judith, originaire de Montreuil, espère trouver un poste d’assistante mise en scène dans le cinéma une fois son permis en poche.

Crédit-photo : Carine Arassus