Remise en selle

Remise en selle
Reprise d'entreprise
  • Comment partir d'une sellerie en déclin avec une gestion des années 80 pour, en 4 ans, obtenir une entreprise de l'économie circulaire performante ?
  • Marion Den Hollander et Stéphane Marinier ont repris Cofransel à Saint-Denis et n'ont pas cessé d'innover pour l'améliorer.
  • Des efforts récompensés par des clients prestigieux et le Prix Mixité des Métiers du concours Créatrice d’avenir.

Lorsqu’il y a 4 ans, Marion Den Hollander et son associé Stéphane Marinier ont repris l’entreprise de sellerie Cofransel à Saint-Denis, celle-ci fonctionnait encore comme en 1980. « Tout était encore sur papier ! » s’exclame Marion Den Hollander en montrant le « fichier client » : un grand cahier manuscrit aux pages alourdies par les ajouts de bandes de papier collées les unes sur les autres, au fur et à mesure des mises à jour. Quant à la comptabilité, elle était toujours tenue sur le « grand livre », papier bien sûr ! « Il y avait bien un ordinateur posé sur un bureau », reprend Stéphane Marinier, mais aucun des deux époux octogénaires et propriétaires de Cofransel n’avait son mot de passe! La société était spécialisée dans la réfection de sièges d’autobus, avec deux ouvriers aux habitudes bien ancrées depuis trente ans et un chiffre d’affaires qui déclinait au même rythme que le dynamisme de ses propriétaires…

Pourtant, les deux associés y voient un potentiel, à conditions de sérieuses évolutions bien sûr ! Mais… « Lorsque nous avons réuni les deux ouvriers pour leur demander ce qu’ils espéraient pour l’avenir raconte Marion Den Hollander, ils nous ont répondu : « que rien ne change ! » Ce n’était pas gagné, mais en discutant avec eux, nous les avons peu à peu associés au changement. » A commencer par améliorer leurs conditions de travail : meilleur outillage, dispositif d’aide pour soulever les 30 kg d’un siège de chauffeur d’autobus, vestiaires plus agréables…

Le process de commande fait un bon en avant avec la création d’une application spécialement dédiée, la fierté de Stéphane Marinier : « Le client, la compagnie de bus, désigne le numéro du bus, les emplacement des sièges à rénover, le type d’intervention, la photo des défauts à corriger. Plus besoin d’aller constater sur place, les commandes, les devis et suivi de fabrication sont sur l’application. Un temps précieux est gagné et la tâche des techniciens est simplifiée. «  Un véritable bond en avant !

La rénovation plutôt que l’achat de fauteuil neuf devient plus rentable et « l’aspect économie circulaire est un des éléments qui m’ont séduit, reprend Marion Den Hollander. Pourquoi acheter neuf lorsqu’on peut rénover ? » « Surtout lorsque les entreprises doivent désormais payer pour évacuer leur déchets, renchérit, pragmatique ,Stéphane Marinier. Au prix de la benne de déchet, à raison de 30 kg de matières à recycler par fauteuil, il est facile calculer ce que le client peut économiser en faisant appel à nous plutôt qu’en achetant du neuf! C’est un de nos principaux arguments désormais. »

Un savoir-faire, des diversifications

Mais pourquoi se contenter rénover seulement des sièges d’autobus ? Un premier essai de diversification est tenté en vers la sellerie automobile et moto. « Un travail de qualité, valorisant, mais la clientèle de particulier est difficile… » explique Marion Den Hollander « mais cela a été l’occasion de prouver notre savoir-faire sur des produits et des demandes particulières. » La bonne idée, cela a été de se tourner vers la réfection de sièges de salles de spectacles. « Nous avons répondu aux appels d’offres et notre premier client a été le CEA (Centre d’Etudes Atomiques) de Grenoble, un auditorium de 410 places ! » Par la suite, Cofransel a obtenu des marchés encore plus prestigieux  : la « salle des prix Nobels » de l’école Polytechnique, le grand amphithéâtre de la Sorbonne, classé monument historique et même les fauteuils de la salle du conseil d’administration d’Hermès !

Parmi ces réalisations, Pauline Mulin, sellière en cheffe, a un faible pour « Polytechnique. Voir ces tous ces sièges terminés, savoir qu’on a travaillé sur chacun d’eux, c’est très satisfaisant ! » Cette jeune femme a été la première embauchée de la nouvelle équipe Cofransel. « Je suis maroquinière de formation, mais je voulais changer et j’ai été prise en alternance. J’aime beaucoup le fait de restaurer des objets, de répondre à besoin, d’utiliser une diversité de techniques… » Pauline Mulin a été acceptée par les deux ouvriers depuis longtemps en place : « Ils étaient étonnés de voir que je n’avais pas de limite, que je pouvais tout faire ! Les métiers manuels évoluent, les femmes y ont de plus en plus leur place. » D’autant plus chez Cofransel où deux jeunes femmes sont en formation en alternance, tout comme deux jeunes hommes. Ce souci de de parité a valu à Marion Den Hollander le Prix Mixité des Métiers du concours Créatrice d’avenir.

Désormais, Cofransel emploie dix personnes dont quatre en formation et a de belles perspectives devant elle. Marion Den Hollander conclue :  » Nous sommes bien installés dans le domaine du fauteuil d’autobus avec encore des nouveaux clients potentiels. Du côté salle de spectacles, certes on les rénove une fois tous les 20 ans seulement, mais elles sont tellement nombreuses ! La rénovation, le réemploi ont le vent en poupe et cela correspond aussi pleinement à nos convictions de la nécessité de privilégier l’économie circulaire. Nous y croyons fermement ! »

Photos : Patricia Lecomte

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