Les médailles de l’entrepreneuriat

Sur le ring installé pour l’occasion dans l’espace Raymond-Mège du Raincy, Omar Benali, le directeur du réseau Entreprendre 93, tient le micro façon annonceur de match de boxe. Une façon d’évoquer l’adversité du monde de l’entreprise, mais aussi le contexte sportif d’une Seine-Saint-Denis olympique et le soutien que les boxeur·euse·s-entrepreneur·euse·s trouvent auprès des coaches du réseau Entreprendre 93. « Cette année, 26 lauréats ont été soutenus par notre réseau. Cela représente 1 million d’euros d’investissement et 314 emplois créés. » Le réseau Entreprendre regroupe des chefs d’entreprises engagés en faveur de l’entreprenariat. Il comporte 126 implantations locales dans 10 pays différents et soutient les projets de création, de développement ou de reprise d’entreprise. Pour postuler, les néo-entrepreneurs doivent avoir un besoin de financement supérieur à 90 000 €, l’ambition de créer 5 à 10 emplois en 3 à 5 ans et avoir envie d’être accompagnés par d’autres chef·fe·s d’entreprise.

Des entrepreneur·euse·s qui aident des entrepreneur·euse·s

Quels que soient leurs domaine d’activité, production de légumes sur un toit (Ma salade à toit), diffusion vidéo de sport amateur (Sport Amat), création de bagages recyclés (Rokhbird), le transport de personnes à mobilité réduite (FKM Mobilité), web app de sélection anonyme de candidats à l’emploi (fastcast)… tous et toutes les lauréat·e·s sont unanimes : ils et elles remercient tous et toutes les personnes qui les ont accompagné·e·s dans la création de leur projet. Bien souvent, il s’agit d’ancien lauréats qui veulent rendre ce qu’on leur a donné. A l’image de la productrice de cinéma Laurence Lascary (L’ascension réalisé par Ludovic Bernard, A la belle étoile de Sébastien Tulard dont elle produit un nouveau film avec Eric Judor) : « Je suis administratrice du réseau Entreprendre 93 depuis 8 ans. J’ai moi-même été lauréate, soutenue par Loïc Senlis, le premier administrateur. J’avais obtenu un prêt d’honneur, mais aussi et surtout un accompagnement hyper important. J’ai connu une première année tumultueuse, avec beaucoup de baffes. Mais les conseils et avis que j’ai reçu m’ont permis de garder le cap.»

Laurence Lascary insiste sur l’entraide : « Entre toutes ces personnes, ces entrepreneurs, il y a une réelle solidarité. Et cette idée de réciprocité, de rendre ce qu’on m’a donné est pour moi fondamentale. C’est ce qui m’a décidé à être administratrice. La richesse du réseau entreprendre 93, c’est sa diversité. Nous venons d’univers différents, commerce, industrie, tech, artisanat, culture… avec des visions différentes et souvent des solutions différentes. »

Retour de l’industrie ?

Idir Hamizi, président d’Entreprendre 93, a lui-même été lauréat il y a 12 ans. Il tient à remercier les « 140 membres de notre réseau qui donnent de l’argent et du temps. » Observer les lauréats d’Entreprendre 93, c’est aussi observer les tendances économiques de la Seine-Saint-Denis. Idir Hamizi explique : « On observe que le mouvement start-up ralentit. Il y a moins de création de sociétés de services, de consulting et un accroissement dans le domaine industriel, avec plus d’emplois à la clef, et de l’emploi local. » Enthousiaste, il parle même d’un « retour de l’industrie sur le territoire de la Seine-Saint-Denis. Exemple Le Pavé, qui recycle les bouchons de bouteilles en plastique en matière transformable et qui a créé les sièges du Centre aquatique olympique. Ou bien Vesto qui recycle et rénove du matériel professionnel pour les cuisines. Entreprendre 93 les a aidés à obtenir un local de 800m2, et désormais pour assurer leur activité ils exploitent un local de 10 000m2, dans le 77. »

Par contre, il constate une baisse du nombre des entrepreneuses. « Alors que les années précédentes nous avions 43% de créatrices d’entreprise, cette année il n’y en a que 22%. C’est un recul net commun à l’Ile-de-France, sans qu’on ait pour l’instant d’explication claire. »

Autre évolution intéressante, la localisation des lauréat·e·s. Idir Hamizi détaille : « S’ils sont encore nombreux à être situés dans « triangle d’or » d’Est ensemble, de plus en plus sont installés à Paris Grand Est et Paris Terre d’Envol, qui auparavant n’accueillaient que 6% des lauréats contre 21% cette année. A noter la baisse des localisations sur le territoire de Plaine Commune, sans doute un effet de saturation lié aux JO et une augmentation du prix du m2. Nous tissons plus de liens avec les EPT, ce qui permet d’avoir un meilleur accueil, de meilleures opportunités d’implantation sur l’ensemble de la Seine-Saint-Denis. » Une Seine-Saint-Denis qui est le deuxième département d’Ile-de-France après Paris en termes de création d’entreprises, bien loin de l’image de désert économique que certains voudraient lui coller !