Sandra Reinflet raconte les héroïnes du quotidien

L’une a créé un collectif pour défendre les droits et améliorer le quotidien des habitants et habitantes de son quartier. Une autre a soutenu son amie tout au long de sa chimiothérapie. Une autre encore se consacre avec amour à son fils handicapé.

Pour Sandra Reinflet, photographe et autrice dyonisienne, ces femmes sont « les vraies reines d’aujourd’hui », « celles qui ne sont pas mises en lumière mais qui se donnent à fond pour leur famille, leur communauté, qui relèvent la tête et continuent à se battre ».

Mettre en scène le réel

Pour leur rendre hommage, l’artiste a, durant un an, été à leur rencontre dans des maisons de quartier de Saint-Denis et d’Aubervilliers. Elle a recueilli leur histoire et les a photographiées. Et aujourd’hui, 31 de ces images et récits dialoguent avec les tombeaux des 32 reines de France inhumées dans la basilique cathédrale de Saint-Denis, jusqu’au 24 avril.*

Pour renforcer le parallèle entre elles, elle a projeté sur le corps des premières des vitraux représentant les monarques. Formes, couleurs et peaux composent ainsi une mosaïque poétique. Car, si l’artiste est « passionnée du réel », elle y apporte toujours une part de fiction, imaginant une « métaphore » des personnes photographiées.

« Parce que c’est difficile, on doit être plus inventif »

Cela fait plus de 20 ans que Sandra Reinflet mène ainsi des projets en s’intéressant aux personnes qui occupent peu le devant de la scène. Son premier travail – d’écriture – a ainsi été un tour du monde à la rencontre de 81 femmes de son âge qui réalisent leur rêve souvent dans un contexte difficile. Comme ces femmes incarcérées aux Philippines, devenues les journalistes de leur propre publication en prison.

Le thème de la contrainte devient ainsi un des fils rouges de son travail. « Cela me passionne, confie-t-elle. Parce que c’est difficile, on doit être plus inventif, et cela devient aussi plus important. Ce sont des exemples qui doivent être mis en lumière et des gens dont j’admire la force, l’intelligence, la créativité ». « L’humilité aussi », ajoute-t-elle. À Saint-Denis et Aubervilliers, beaucoup des femmes qu’elle a rencontré assuraient d’ailleurs n’avoir « jamais rien fait d’extraordinaire ». « Pour elles, c’était normal. »

Habiter sa ville

Ce n’est pas le premier projet mené dans sa ville par cette quarantenaire née dans l’est de la France, ayant grandi dans l’ouest, mais habitant en région parisienne depuis 20 ans et à Saint-Denis depuis 8 ans. Elle a travaillé à plusieurs reprises dans le quartier du Franc-Moisin, notamment en 2022, lors d’une résidence départementale Écrivains en Seine-Saint-Denis. Elle a aussi mené deux projets avec les élèves du lycée de l’image et du son Suger.

Pour elle en effet, « habiter un lieu, cela doit être dans toutes les dimensions et y apporter ce qu’on peut apporter ». « Beaucoup de gens s’installent en petite couronne mais vivent ailleurs, regrette Sandra Reinflet. Pour moi, ce n’était pas une option. Je veux vivre là où j’habite, que mes enfants aillent à l’école public du quartier, etc. Sinon, il manque quelque chose. »

* Le 32^e portrait peut être réalisé par les visiteurs et visiteuses grâce à un dispositif in situ.

Photographies : Sandra Reinflet et Nicolas Moulard.