Pendant les Jeux, ça va turbiner

Pendant les Jeux, ça va turbiner
Mémoire
  • À partir de juillet, la halle Maxwell et la nef de la Cité du Cinéma à Saint-Denis vont être le cœur battant du Village olympique.
  • Et dire qu’au début du XXe siècle, c’étaient des centrales électriques...

En juillet prochain, les 14 500 athlètes qui viendront se restaurer à la cantine du Village olympique de Saint-Denis s’interrogeront certainement sur ce gros tuyau noir qui émerge entre le « salad bar » et un stand de brochettes. La réponse à cette énigme est : une turbine. Avant de devenir village olympique, avant même encore d’être la Cité du Cinéma, la grande nef industrielle, qui accueillera donc le principal lieu de restauration des athlètes, fut en effet… une centrale électrique. Avec la halle Maxwell attenante, ces deux édifices ont même formé jadis la plus puissante centrale électrique de la région parisienne. De quoi inciter les athlètes à mettre les watts… En 1905, date de la construction de la halle Maxwell, l’endroit allait en effet être consacré à « la fée électricité » . « À cette époque, le métro, tout juste né, avait besoin d’être alimenté en électricité. La situation près de la Seine, accessible à de nombreux bateaux chargés de charbon, fit choisir ce site » , raconte l’historien Jean-Jacques Clément, membre de l’association Mémoire vivante de la Plaine.

Des cheminées construites entre autres par les frères Ponticelli

Sous l’impulsion du baron Empain, un industriel belge, le premier bâtiment à émerger est donc la halle Maxwell, dans son style Art déco si caractéristique. Conçu selon un plan d’ensemble de l’architecte Nicolini, il abritera jusqu’à 24 chaudières Babcock et Wilcox, fabriquées dans la ville voisine de La Courneuve, et 18 cheminées pour brûler le charbon convoyé sur le fleuve jusqu’au pied du bâtiment. Il faut aussi des ouvriers pour ériger ces cheminées qui hérissent petit à petit le ciel de Saint-Denis, un travail dur, physique. Parmi eux : Lazare Ponticelli, l’un des tout derniers poilus de la Première Guerre mondiale, qui avec ses deux frères Céleste et Bonfils participe à la construction des ouvrages de Saint-Denis I. Mais très vite, la capacité de production ne suffit plus, il faut une centrale Saint-Denis II. En 1933, une longue halle à la charpente métallique et aux lignes élégantes est ainsi construite parallèlement à la halle Maxwell.

Ce sera bien plus tard la Cité du Cinéma. Là, au plus fort de l’activité, des centaines d’ouvriers et d’ingénieurs s’affairent pour décharger le charbon arrivé par bateau et le transformer en électricité diffusée dans toute la région parisienne. L’usine alimente en électricité la Compagnie parisienne de distribution d’électricité (CPDE) et même la ligne ferroviaire Paris-Le Mans. C’est l’époque où la banlieue parisienne se couvre de centrales électriques et thermiques, à Saint-Ouen, Gennevilliers, Ivry, Vitry… Après la Seconde Guerre mondiale, le site, nationalisé, passera sous contrôle d’EDF. Une époque qu’a connue Jean-Jacques Clément, qui d’historien se fait témoin : « Gamins, ça nous fascinait, ces bâtiments imposants, mais en même temps à l’architecture assez classe. Moi qui faisais de l’athlétisme, je m’entraînais le long de la Seine, et je me souviens encore des péniches chargées de charbon dans les années 70. »

 

Fermeture en 1981

À la fin des années 60, l’activité des lieux décline toutefois : en termes d’énergie, la France a misé sur le nucléaire, et petit à petit la production de Saint-Denis I et II se tarit. Jusqu’à fermer complètement en 1981. Le site entre alors dans une longue période de léthargie, qui va de pair avec la désindustrialisation de la région parisienne. Les deux halles, patrimoine industriel pourtant hors du commun, sombrent dans l’oubli. Jusqu’à 2012, où, à l’initiative du réalisateur Luc Besson et de la Caisse des dépôts et consignations, Saint-Denis II se fera Cité du Cinéma. 9 plateaux de tournage, et des installations permettant la réalisation de films du scénario jusqu’à la post-production émergent alors sous le design des architectes Reichen et Robert. Travail, art et sport : ces halles auront décidément tout connu.

Crédit photos : Archives départementales de la Seine-Saint-Denis

Et après les Jeux ?

Prêtée un temps au Comité d’organisation des Jeux, la nef de Saint-Denis 2 redeviendra Cité du Cinéma. La halle Maxwell, entièrement restaurée, va en revanche connaître une deuxième jeunesse. 2 500 agent·e·s du ministère de l’Intérieur vont investir les lieux, sur un site dédié. De manière générale, le Village des Athlètes doit dans sa phase post-olympique accueillir près de 3 000 logements et 6 000 salarié·e·s. Le tout formera, avec la gare Pleyel, future interconnexion des lignes 14, 15, 16 et 17, du Grand Paris Express à l’horizon 2030, un nouveau quartier de vie.

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