Leïla Ka, la rage de danser

Leïla Ka, la rage de danser
Danse
  • La chorégraphe Leïla Ka termine sa résidence à l'Espace 1789 à Saint-Ouen où elle a passé trois ans.
  • Elle participera à « On ne va pas se défiler », une parade d’un millier de danseurs et danseuses qui traversera le département le 23 juin.
  • Cet évenement labellisé Olympiade culturelle nous invite à fêter ensemble les J.O.P.

Qu’est-ce que la danse génère en vous ?

Je trouve qu’il y a quelque chose de cathartique quand je danse. C’est un défouloir. Cela permet de dire, de faire ce que je n’ose pas faire dans la vraie vie. Cela me permet d’être insolente comme je n’ose pas l’être. Il y a une grande liberté dans la danse. Cela me permet d’être tout ce que je ne peux pas être dans la vie normale.

 

Plusieurs chorégraphes travaillent à ce long défilé. Avez-vous coordonné votre partie avec les autres chorégraphes ?

Non, pas du tout. Chacun·e va avoir sa personnalité. Pour le public, ce sera super parce qu’effectivement toutes les chorégraphies de la parade seront complètement différentes.

Est-ce un projet collaboratif, ce défilé olympique ?

Avec les danseuses et danseurs non pro oui parce qu’ils et elles donnent beaucoup et sont hyper investi·e·s. Ils et elles nous disent ce qu’ils ou elles aiment ou non. On construit aussi en fonction d’eux, on fait beaucoup d’impro avec leurs mouvements. Donc oui il y a quelque chose de collaboratif.

Les avez-vous tous et toutes rencontré ?

Non, pas encore. Mais par contre, il y en a beaucoup que je connais déjà grâce à la parade qu’on avait faite l’année dernière avec l’espace 1789 pendant le Joli mai. Parmi les jeunes qui s’étaient inscrit·e·s, beaucoup sont revenu·e·s cette année.

Allez-vous injecter dans cette parade olympique votre danse du souffle qu’on a vu dans Maldonne ?

Les danseurs et les danseuses soufflent en effet. Et ces souffles accompagnent leur geste, aident à la rythmique de chaque mouvement. Je trouve cela très important de souffler mais on ne les entendra pas puisqu’il y aura de la musique à fond. Je trouvais ça important qu’il y ait une musique et pas juste des souffles dans la rue.

 

Quel adjectif qualificatif  utiliseriez-vous  si vous étiez obligée de qualifier votre travail : social ? politique ? féministe ? ou rien de tout cela ?

Féministe… pas forcément. Mais comme je suis une femme et que pour l’instant ce que j’ai essayé de mettre sur scène, c’était mon histoire ou des histoires qui me sont proches et des sujets auxquels je suis sensible. Et du coup, en général ce sont des histoires de femmes et de femmes qui se battent. Parce que malheureusement, encore aujourd’hui, même si en France on est plutôt bien loti par rapport à d’autres pays, le combat n’est pas fini. Il est encore nécessaire aujourd’hui.

Politique, vous iriez jusque-là ou pas ?

Je ne sais pas si j’irai jusque-là, mais j’ai l’impression qu’encore aujourd’hui, quand on met sur scène des corps de femme et qu’on dit que ce sont des corps de femmes ou quand on dénude des corps de femme. Comme par exemple, le moment des fesses nues au tout début du spectacle. Je ne sais pas si vous en souvenez. J’ai l’impression qu’il y a quelque chose de politique.

 

Je ne m’attendais pas du tout à cet effet de surprise…

Je voulais que ce moment de « fesse nues » ne dure pas, qu’il apparaisse aussi vite qu’il disparaisse. Il y a cette ambiguïté-là. On ne sait pas si ce sont elles qui montrent leurs fesses. Si elles sont soumises ou si justement c’est un geste d’insolence et de provocation. Ou bien elles le font parce qu’elles doivent le faire.

 

Votre spectacle Maldone se termine d’ailleurs par un effeuillage. Pourquoi mettez-vous autant de temps à vous mettre à nu ?

Parce que c’est difficile. Parce que toutes ces robes qu’on porte superposées, c’est comme toutes ces histoires qui ne nous appartiennent pas, tous ces stéréotypes, toutes ces injonctions, toutes ces mémoires de femmes, de nos mères, de nos grands-mères, de femmes qu’on ne connaît même pas et dont on va essayer de se détacher pour essayer d’être nous-mêmes. Et du coup c’est long, c’est dur de se défaire de toutes ces peaux, de se détacher de toutes ces femmes, ces mémoires, ces douleurs. Vous avez trouvé ça long ?

 

Non pas du tout. Je n’ai rien trouvé de long. Vous enlevez vos vêtements super vite, mais comme il y a tellement de robes. Je me suis demandé pourquoi le striptease a lieu à la toute fin du spectacle ?

Après avoir traversé tout ce qu’on a traversé, on s’est mis dans la peau de plein de femmes et de plein d’histoires différentes, on a porté des injonctions, des stéréotypes, on est rentré dans des carcans. Et c’est à la fin, après avoir traversé tout ça, qu’on va essayer de s’en extraire.

 

Quel·le·s sont vos chorégraphes préférées ?

Il y a par exemple un solo de Lisbeth Gruwez que j’avais trouvé magnifique. Et un duo de la compagnie Mossoux-Bonté aussi. J’avais trouvé très beau le solo de Oona Doherty aussi, qui a d’ailleurs été joué à l’espace 1789 la saison d’avant. Mais je vois très peu de spectacle en fait.

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