Fête de l’Huma : la classe populaire au coeur des débats
La 87ème Fête de l’Humanité a attiré 320 000 personnes au Plessis-Pâté, dans l’Essonne le week-end dernier pour 3 jours de musiques et débats. Retour sur l’un d’eux où Stéphane Troussel, président du Département de la Seine-Saint-Denis, François Ruffin, député de la Somme, et Marion Fontaine, historienne, ont débattu du quotidien des classes ouvrières et des moyens à employer pour les reconquérir.
« Quand j’étais jeune, il y avait une vraie fierté d’être ouvrier, de produire des objets employés par les gens autour de nous. Maintenant, on a l’impression de n’être plus que des pions dans le circuit boursier… » souffle Michel, ancien électronicien chez Renault. Le sexagénaire villeneuvois, longtemps syndiqué à la CGT, a déjà assisté à une demi-douzaine de débats dans les différents « villages » de l’emblématique fête populaire. Arrivé cinq minutes avant la rencontre dans une salle littéralement noire de monde, il finira par s’assoir sur un petit tabouret pliant entre les nombreuses rangées de chaises.
Les classes laborieuses à l’épreuve de la mondialisation
« Les catégories défavorisées ont connu de profondes transformations depuis quarante ans : tertiarisation et informatisation de la société, mondialisation, délocalisations… » explique » Marion Fontaine, historienne spécialiste des mouvements ouvriers. La désindustrialisation des années 80 a bouleversé le profil sociologique des « nouveaux prolos » : ATSEM, saisonniers agricoles, opérateurs chez Amazon… peu engagé∙e∙s dans les combats syndicaux pourtant nécessaires pour obtenir des avancées sociales dans les entreprises. Atomisé∙e∙s, les ouvrier∙ère∙s se sentent oublié∙e∙s par les partis politiques, ce qui favorise, selon la chercheuse, l’abstention ou le vote Rassemblement national. Un constat partagé par le député de la Somme François Ruffin, critique à l’égard des engagements européens plutôt libéraux : Acte unique européen, Traité de Maastricht, récents accords du GATT… signés par la gauche sociale-démocrate. « Le libre-échange a accru les inégalités et créé une désespérance sociale exprimée par le mouvement des gilets jaunes ».
Redonner espoir et dignité aux « premiers de corvée »
Le Président du Département Stéphane Troussel a de son côté insisté sur la nécessité d’assoir les programmes de gauche sur les aspirations de la jeunesse et des milieux les moins favorisés. « La Seine-Saint-Denis, territoire multiculturel qui concentre le plus de logement social et de poches de pauvreté, symbolise typiquement les quartiers populaires ». Les partis progressistes doivent unifier les populations défavorisées des banlieues et des zones rurales autour d’objectifs fédérateurs : la défense des services publics, l’éducation, une plus grande égalité entre les territoires… Ceux-ci pourraient s’inspirer des initiatives menées sur le territoire de la Seine-Saint-Denis dans l’optique de lutter contre les discriminations, le racisme, les inégalités environnementales… pour embarquer à nouveau les citoyen∙ne∙s et passer le cap des élections.
Lydie, éducatrice spécialisée, a quitté le débat avec le sourire aux lèvres. La quinquagénaire, qui a « fait une dizaine de Fêtes de l’Huma » affirme adorer ce type de rencontres qui « redynamise l’envie du public d’échanger et de vivre ensemble ». Les nombreux et nombreuses participant∙e∙s à cette nouvelle édition est pour elle la plus belle preuve que la fibre militante reste intacte dans la société française.
Crédit-photo : Franck Rondot