Au Studio Théâtre de Stains, un pamphlet pour la liberté des femmes
Adaptée d’un roman de l’autrice lilloise Samira El Ayachi, « Les femmes sont occupées » s’intéresse à la situation des mères célibataires. Et questionne l’équilibre d’une société qui s’en remet globalement aux femmes pour l’éducation des enfants et la charge domestique. Jusqu’au 16 décembre.
« Je reprends ma main. Je reprends ma vie et je ne la soumettrai plus jamais. Ni au père, ni au mari, ni à l’amant. Même pas à l’enfant. Qui osera le dire ? » C’est sur ces mots forts que se conclut « Les femmes sont occupées », la nouvelle création du Studio Théâtre de Stains.
Adaptée d’un roman de l’autrice lilloise Samira El Ayachi, la pièce nous embarque dans la vie d’une femme qui, après un divorce, vient de basculer dans une étiquette sociale peu enviable : celle de mère célibataire.
Soucieuse de ne pas faire souffrir son jeune enfant, rebaptisé « Petit Chose », de la séparation, mais se battant aussi désespérément pour ne pas être engloutie dans son rôle de mère, la protagoniste, admirablement jouée par Gabrielle Cohen, se retrouve très vite à se débattre face aux petites lâchetés d’un père absent mais surtout face aux normes sociales.
Charge mentale
« Qui osera considérer que la charge mentale, les missions d’éducation et la gestion des tâches domestiques ont une valeur économique opposable sur la place publique ? Qui reconnaîtra ce temps-là comme un temps de travail ordinaire ? Qui paiera ? », s’interroge ainsi la pièce.
Confrontée à des figures intraitables – l’assistante sociale, l’avocate, la juge aux affaires familiales – dignes d’une statue du Commandeur et jouées par une Farida Ouchani presque comique tant elle est raide comme la justice, la protagoniste se cogne ainsi très vite à cette évidence : la société elle-même place encore les femmes en première ligne dans l’éducation des enfants.
« La justice est un homme »
Auprès de toutes ces interlocutrices, l’héroïne tombe ainsi sur de l’incompréhension voire de la stigmatisation quand elle essaie de négocier pour ne pas avoir la garde exclusive de l’enfant. Suscitant cette punchline assez savoureuse : « La question qui tournait dans tes nuits comme une furie, à savoir qu’est-ce qui autorise un homme à penser que c’est légitime de s’en remettre aux femmes ? Tu viens d’avoir la réponse. La justice est un homme. »
Alerte et inventive, la mise en scène rend bien compte de ce ping-pong mental qu’est le roman, où la protagoniste se noie dans sa solitude, voire considère sa vie en surplomb, comme le suggère bien un petit théâtre miniature placé sur scène. Mue par la volonté de « raconter une absence, celle du père », la metteuse en scène Marjorie Nakache a heureusement choisi de ne pas évacuer complètement la figure paternelle, en diffusant aussi deux vidéos pas trop cliché de « pères modernes » ayant un minimum réfléchi à ce qu’impliquait l’éducation d’un enfant.
Déséquilibre dans la société
Remettant sur le devant de la scène cette figure d’invisible qu’est la maman solo, cette pièce résonne aussi tout particulièrement par rapport à un département comme la Seine-Saint-Denis. « Certes, la société accompagne, mais certains chiffres sont sidérants : sur les 6 millions de personnes en France sous le seuil de pauvreté, 3 millions sont des femmes seules avec enfant. 85 % des hommes séparés ne versent pas de pension alimentaire, et 90 % du temps, la garde est donnée à la mère, ce qui est aussi un problème pour beaucoup de pères. », rappelait ainsi la co-fondatrice du Studio Théâtre de Stains. Le déséquilibre n’est donc pas que dans la sphère intime du couple, mais dans la société et les outils dont elle se dote…
« Les femmes sont occupées », au Studio Théâtre de Stains, 19 rue Carnot
Vendredi 9 décembre à 20h30
Mardi 13 décembre à 14h, jeudi 15 à 14h et vendredi 16 à 20h30
Pour réserver : contact@studiotheatrestains.fr ou au 01 48 23 06 61
Photos : ©ST Stains