« Banlie.ue », unis dans l’adversité

« Banlie.ue », unis dans l’adversité
Documentaire
  • Originaire d’Aulnay, Waël Sghaier signe « Banlie.ue », un documentaire sur les points communs entre les quartiers populaires de Bratislava, Stockholm ou Bruxelles.
  • Le réalisateur, qui s’était déjà fait connaître pour « Mon incroyable 93 », y trace le portrait de périphéries qui, toutes, savent se mobiliser face à des problèmes similaires : violences policières, gentrification ou encore abandon de l’État.
  • Son documentaire sera diffusé le 26 octobre sur France 3 France-Ile de France, puis visible en replay par la suite.

Latifa Elmcabeni, co-fondatrice à Bruxelles d’un collectif contre les violences policières

Latifa de Bruxelles, une maman qui a dénoncé les violences policières, Hassan, citoyen d’Athènes qui se démène pour l’accueil des réfugiés syriens à travers son restaurant, Max, habitant de Barcelone qui se bat contre la gentrification de son quartier populaire du Raval… Voici quelques-uns des personnages du nouveau documentaire de Wael Sghaier.

A 37 ans, cet habitant d’Aulnay, qui avait déjà signé « Mon incroyable 93 », a repris son bâton de pèlerin pour aller voir cette fois-ci ce qui relie un citoyen du 93 à un habitant des banlieues de Barcelone, Stockholm ou Athènes.

Avec une première réponse : des problèmes communs. Aux discriminations et violences policières dont peuvent souffrir des habitants de Seine-Saint-Denis répondent ainsi les mêmes problèmes vécus à Bruxelles ou Stockholm. Mais face à ces manquements, le documentariste constate aussi partout en Europe une même volonté de trouver des solutions, avec ou sans la puissance publique. Et les parallèles qu’on pourrait établir avec la Seine-Saint-Denis sont étonnants : le club de boxe de l’éducateur belge Tom Flachet pourrait être le Boxing Beats d’Aubervilliers, le restaurant de falafels de Hassan à Athènes celui des Cuistots Migrateurs de Montreuil.

Résolument optimiste, le film se clôt à Pantin sur l’exemple de Hawa Touré, une cheffe d’entreprise, fondatrice du restaurant Les Cheffes à la Cité maraîchère de Romainville, devenue conseillère municipale de Pantin. Alors qu’elle célèbre un mariage, on la voit évoquer la mémoire de son grand-père, tirailleur malien dont la République a vite oublié le sacrifice. Malheureusement, à la réussite d’Hawa, on peut opposer les 23 % obtenus par le Rassemblement national aux dernières élections européennes. L’Europe est un work in progress…

Hassan, créateur à Athènes de Taste of Damascus, un restaurant embauchant des réfugiés syriens

Bratislava, Stockholm, Barcelone, Athènes, comment avez-vous choisi les banlieues et pays de votre documentaire ?

J’ai procédé un peu comme je l’avais fait pour « Mon incroyable 93 » : en partant des gens et de leurs envies. Bratislava, c’est parce que je voulais un pays d’Europe centrale et que le monteur de « Mon incroyable 93 », déjà, était slovaque. Stockholm et Bruxelles, je connaissais déjà un peu et je savais que je pourrais y aborder plusieurs thèmes : les violences policières et les rixes entre bandes rivales, mais aussi l’éducation par le sport avec un éducateur de boxe. Athènes, c’est parce que je voulais montrer comment les gens issus de l’immigration sont au front pour l’accueil des réfugiés : Hassan, un Syrien arrivé en Grèce en 1989 se démène pour leur mettre le pied à l’étrier en les embauchant dans son restaurant de falafels « Taste of Damascus », et ça marche.

Au début de votre film, vous vous demandez s’il y a une identité de banlieusard européen. Quelle est votre réponse du coup là-dessus ?

Identité de banlieusard européen oui, au sens où partout il y a cette volonté de s’organiser face à des problèmes similaires : violences policières, gentrification et abandon de l’État. Le degré d’autonomie varie évidemment en fonction du désengagement ou pas de la puissance publique, mais globalement c’est ce qu’on peut observer.

L’écologie est absente de votre documentaire. Est-ce parce que globalement, les banlieusards doivent encore choisir entre fin du monde et fin du mois ?

Non, c’est aussi un sujet en banlieue. J’avais bien une séquence concernant l’écologie : Ali Niaz, éducateur spécialisé, qui se bat pour mettre en lumière les réalisations des habitants des quartiers en matière d’écologie. Ce co-président d’Ecolo J (les jeunes écologistes) sensibilise aussi les quartiers populaires au fait que l’écologie concerne tout le monde et n’est pas qu’un truc de bobos. Mais comme je suivais déjà Latifa et Tom à Bruxelles, il a fallu faire des choix…

Vous choisissez de terminer votre film en revenant à Pantin à travers l’exemple de Hawa Touré, entrepreneuse aux « Cheffes » de la Cité maraîchère de Romainville et devenue élue de Pantin. Pourquoi ?

Parce que comme je le dis dans le film, c’est une manière de répondre aux défis qui se posent au pays. A travers son triple engagement – de cheffe d’entreprise, associative et d’élue – Hawa Touré donne l’exemple d’une citoyenne qui montre qu’on peut défendre ses idées et les traduire en politique. En même temps, elle rappelle bien qu’en étant femme et noire, elle a dû se battre deux fois plus pour arriver là où elle en est maintenant, ce n’est pas non plus un conte de fées. Enfin, cette vision de la République qui donne sa chance à tout le monde, c’est un prisme assez français. Dans d’autres pays, des citoyens n’attendaient rien de la puissance publique.

Travaillez-vous sur un autre documentaire ?

Oui, j’ai terminé un autre film, « Elle danse », qui raconte un mois à l’Ehpad Constance Mazier, d’Aubervilliers. J’ai choisi d’y poser ma caméra pour montrer comment on vieillit en Seine-Saint-Denis et aussi pour filmer des personnes que, là encore, on voit peu à l’écran. Cet Ehpad m’intéressait aussi dans la mesure où il est un bon reflet de la Seine-Saint-Denis : on y trouve plein de nationalités, de langues différentes.

– Banlie.ue sera diffusé le jeudi 26 octobre à 23h05 sur France 3 Ile-de-France

La bande annonce est visible ici.

Propos recueillis par Christophe Lehousse

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