Sport dans la Ville, du terrain à l’emploi

Sur le stade Charles-Auray de Pantin, Néhémie passe sous le kin-ball et pousse un grand coup. A ses côtés, d’autres jeunes du même âge empêchent aussi l’immense ballon gonflable de tomber au sol. Ne vous fiez pas aux apparences : ces jeunes entre 20 et 25 ans ne participent pas aux championnats interacadémiques de kin-ball, mais bien à un rendez-vous emploi.

Pour la deuxième fois de l’année, l’association Sport dans la Ville organisait ce jeudi 11 avril un grand « café de l’alternance » : 92 jeunes en quête d’un contrat d’apprentissage, suivis par l’association ou orientés par des partenaires, placés face à 21 entreprises ou collectivités territoriales.

Mais fidèle à son credo que le sport est un puissant vecteur de lien social, cette association d’insertion fait précéder le job-dating classique d’une rencontre sportive entre les jeunes et les recruteurs.

« Comme dans tout ce que nous proposons, on se sert du sport pour pouvoir travailler sur des valeurs transposables dans la vie personnelle ou professionnelle. Et là en l’occurrence, on compte sur le sport pour briser la glace entre les recruteurs et les jeunes, peut-être aussi pour permettre à ces derniers d’exprimer des compétences dont ils ne songeraient pas à parler en situation d’embauche », expose Pauline Guinery-Jeanne, responsable chez Sport dans la Ville.

« Plus de réseau et de confiance en moi »

Créée en 1998, cette association d’insertion par le sport a bien grandi depuis : présente sur tout le territoire, elle est désormais implantée dans 6 villes de Seine-Saint-Denis : Bondy, Drancy, Bobigny, Saint-Denis, l’île Saint-Denis et Saint-Ouen.

Avec toujours le même principe : se servir du sport comme d’une porte d’entrée pour établir le contact avec les jeunes des quartiers populaires, afin ensuite de les emmener vers autre chose, en fonction de leurs âges. Découvertes gratuites d’autres sports les mercredi et samedi ou visites culturelles de 6 à 14 ans, initiations au monde du travail à partir de 14 et travail sur le projet professionnel par la suite.

« J’ai connu Sport dans la Ville il y a 4 ans, grâce à une amie, témoigne ainsi Néhémie, 24 ans, originaire de Bobigny. Avec eux, j’ai fait du sport de manière gratuite et j’ai aussi pu profiter de leurs événements « job dating ». Ils m’ont apporté du réseau comme de la confiance en moi, ça compte », poursuit la jeune femme en 2^e année BTS communication à La Courneuve, qui espère ce jour-là trouver une alternance en communication digitale (alternance au sens où l’élève est à la fois en études et sous contrat avec une entreprise ou collectivité de son choix et alterne entre les deux).

Mélissa, également suivie par la Ligue des jeunes talents, une association basée à Saint-Ouen, a quant à elle ciblé les stands de SFR et du groupe agricole Avril pour une alternance comme community manager. « Décrocher une alternance, ce n’est pas évident. Mais je pense que ça va le faire parce que j’ai pris confiance en moi. », positive cette jeune de 20 ans.

Jonathan, 23 ans, s’est quant à lui dirigé vers la tente du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis. Avec une formation d’électricien, cet habitant de Châtillon espère pouvoir décrocher un contrat d’apprentissage dans cette collectivité territoriale. « Ça tombe bien, l’apprentissage est vraiment quelque chose que nous cherchons à développer, avec 150 nouveaux apprentis par an au Département. Et nous cherchons aussi des techniciens de maintenance, ce qui pourrait te correspondre, l’accueille Christine Nguyen, responsable de la cellule recrutement et attractivité. Et de garder le CV du jeune homme, tout en lui donnant rendez-vous au Forum de l’apprentissage qui se tiendra le 18 avril à Bobigny.

12 000 jeunes suivis dans toute la France

Dans les tribunes du stade, où se préparent les candidats, Salem passe de groupe en groupe. A 20 ans, il vient d’être embauché en alternance chez Sézane, une entreprise de prêt-à-porter, avec laquelle l’avait justement mis en relation Sport dans la Ville.

« Leurs actions, ça marche vraiment, insiste le jeune homme originaire de Saint-Denis. Moi je les ai connus quand j’avais 11 ans. Au départ, je venais juste avec des potes parce qu’ils avaient rénové le city stade en bas de chez moi. Et puis, petit à petit, j’ai fait d’autres choses avec eux : j’ai pu passer mon BAFA (brevet qui permet d’animer des centres de loisirs), faire mon stage de 3e chez Ba&Sh, une entreprise dans la mode, et ainsi de suite jusqu’à mon alternance », se souvient Salem, en 1ère année de DUT gestion des entreprises et administration.

« Les freins à l’emploi dans les quartiers, on les connaît : il y a d’une part l’autocensure mais aussi et surtout le manque de connections. Les jeunes ont moins les moyens de se créer un réseau, de trouver un stage via leurs parents. Le but de Sport dans la Ville, avec tous nos partenaires, c’est justement de pallier à ça », resitue Pauline Guinery-Jeanne.

Les actions de l’association, qui suit au total 12 000 jeunes dans toute la France, ne sont bien sûr pas magiques. Mais pas négligeables non plus : lors du dernier Café de l’alternance, en février, entre 12 et 15 jeunes ont ainsi décroché un contrat d’apprentissage, sur 90 présentés au total. Sachant qu’il ne s’agit là que d’une des facettes de l’association : via le sport, l’organisme travaille aussi des sujets comme l’égalité filles-garçons, ou la lutte contre la malbouffe et l’obésité.

Soutenue financièrement par le Département, l’association a même choisi de renforcer ses actions en Seine-Saint-Denis, comme le montre l’inauguration en septembre prochain d’un campus au Fort d’Aubervilliers qui proposera un terrain de foot, 4 terrains de basket et des salles de réunion.

Christophe Lehousse

Photos: Sylvain Hitau