CA Montreuil, 80 ans et toujours la pêche
- Club le plus titré de France, le Club Athlétique de Montreuil a fêté ses 80 ans le 18 novembre.
- Conjuguant excellence et esprit familial, c’est un nom fort dans le paysage de l’athlétisme français.
- Une exposition, visible en mairie de Montreuil, revient sur la saga du club au maillot jaune et bleu.
Sauter. On commencerait par un saut dans le passé : on est en 1943, dans un café de la Croix de Chavaux. En pleine seconde Guerre Mondiale, l’époque n’est pas vraiment aux réjouissances. Mais dans un coin du « Régent », tenu par le bistrotier Jean Delbert, quelques hommes de bonne volonté réfléchissent tout de même au moyen de donner une jeunesse aux enfants de la guerre. André Adelheim songe à un club d’athlé, d’autres sont pour l’escrime ou le foot. Va pour un club omnisports, tranche Jean Delbert. Mais très vite, c’est l’athlétisme qui dans le nouveau CA Montreuil prend le dessus, couvé du regard par Jean Delbert. L’homme, avec sa gouaille et son bon sens de commerçant, sont importants pour le devenir du club. « Je ne l’appelais pas M.Delbert, mais papa Delbert. Pour moi, c’était comme un second père », raconte d’ailleurs Michel Jazy, l’un des plus grands athlètes français qui signe au club en 1953. Avec lui et le sprinter Roger Bambuck, qui déboule en 1965, les Jaune et Bleu entrent dans une autre dimension.
Courir. 9 records du monde, 17 records d’Europe. Tous signés sous le maillot du CA Montreuil. De 1953 à 1968, Michel Jazy, médaille d’argent aux JO de Rome, donne une visibilité inespérée au maillot jaune et bleu. « Ce maillot, j’y tenais beaucoup. Comme je n’en avais pas sur les premières compétitions, ma mère en a pris un blanc et l’a teint en jaune. Elle y ajouté l’écusson du club, et il a fait avec moi le tour du monde », raconte celui qui était venu au CA Montreuil avec son complice de toujours, Jacques Darras. « Le CA Montreuil, c’était une grande famille, et ça l’est encore maintenant, insiste avec une certaine émotion celui qui est aujourd’hui président d’honneur du club.
Et à partir de 1997, cet « esprit famille » s’incarne dans un moment particulier de la saison : les Interclubs. Ces championnats de France par équipes, où le temps d’un week-end, l’athlétisme, sport individuel, se change en sport collectif. De 1997 à 2023, les Jaune et Bleu trustent ainsi 19 titres, record national. Serge Hélan, Damiel Dossevi, Teddy Tamgho, parmi tous les illustres et anonymes que le CAM a comptés, tous ont au moins un souvenir d’Interclubs… « Le premier interclubs que je remporte, c’est en 2001, à Montreuil. C’était la fête absolue. Roger Delbert, le président de l’époque, avait évidemment fini dans la fosse du steeple, c’était le passage obligé », témoigne Antoinette Nana Djimou, double championne d’Europe de l’heptathlon et une dizaine de titres interclubs au total.
Marcher. Discipline très populaire dans les années d’après-guerre, la marche devait forcément rencontrer un club tout aussi populaire : le CA Montreuil. Une épopée qui, côté CAM, peut se résumer en deux noms de famille, réunis dans le Challenge Facoetti-Dahm. Facoetti pour Angelo Facoetti, le patron du Café du Stade qui rêvait d’une épreuve de marche qui passerait devant son établissement du Haut-Montreuil. Dahm pour Jean Dahm, entraîneur et organisateur de la compétition. Tous les ans depuis 1959, cette épreuve de marche athlétique réunit au mois d’avril dans les rues de Montreuil la crème des marcheurs européens. « J’adorais le Challenge. C’est très intergénérationnel, et marcher dans les rues de la ville de son club, c’est super », témoigne Marine Quennehen, championne de France du 3 km marche en 2018 et marcheuse pour le club de 2003 à 2020.
Lancer. A 80 piges, le CA Montreuil est encore un jeunot qui aime se projeter dans le futur. « J’aimerais que le club garde son esprit de partage et d’accueil », insiste ainsi Samir Benfarès, ancien athlète spécialiste du 1500m et actuel président comblé d’un club passé de 550 licences après Covid à 800. En 2023, le CAM a non seulement décroché un 19e titre de champion de France Interclubs élite, mais il a aussi réalisé le doublé avec son équipe réserve. « Mais ma plus grande fierté est de l’avoir fait avec une majorité d’athlètes formés au club, pas avec des mercenaires », insiste Samir Benfarès. Dans ses autres projets, on trouve le souhait de maintenir plus que jamais dans le paysage le meeting international de Montreuil, 14 éditions au total. Cet ovni absolu, porté par le manager général du club Loïc Giowachini, est le seul meeting international en Europe réunissant chaque année des athlètes de classe mondiale entièrement gratuit. « C’est une affaire qui marche », comme disait Angelo Facoetti.
Christophe Lehousse
Photos: ©CA Montreuil et Sylvain Hitau