Stéphane Javalet, une vie de vélo
- Après 31 saisons comme manager général de St-Michel- Mavic- Auber 93, celui que tout le monde du vélo connaît sous le nom de "Jaja" met pied à terre.
- 5 Tours de France chez les hommes, 3 chez les femmes, 2 titres de champion de France : à Aubervilliers, ce mordu de vélo aura accompagné plusieurs générations de cyclistes vers le haut niveau.
- Coup d'œil dans le rétro en 5 photos.
Dans les pelotons, on ne le connaît que sous un nom : « Jaja ». Depuis que Laurent Jalabert s’est rangé des voitures, il avait seul l’usufruit de l’appellation. Jaja donc, c’est 31 saisons comme manager général de St-Michel- Mavic- Auber 93. Car oui, à 63 ans, Jaja arrête. Pas complètement, mais le Normand ne sera plus manager général d’une équipe pro qu’il a mise sur pied à son arrivée à Auber en 1984, avec ses fidèles partenaires de la ville et du Département. « Ce dont je suis le plus fier, c’est d’avoir toujours honoré mes engagements et créé avec d’autres une structure un peu à part, de l’école de cyclisme aux pros », lâche-t-il pudiquement. Arrimée au CM Aubervilliers, la structure pro aura en effet remporté une victoire sur le Tour de France hommes, 2 titres de champion de France ou encore une Coupe de France par équipes femmes. Mais plus que les titres, ce qui restera de l’œuvre de Jaja, c’est un nom qui résume toute une énergie : les P’tits Gars et les Madeleines d’Auber. Coup d’œil dans le rétro, à l’aide de 5 photos.
– La victoire d’étape de Cyril Saugrain sur le Tour de France 1996
« On était dans une bulle, portés par une joie collective. C’était un moment extraordinaire pour l’équipe pro qui s’était créée en 1994 et pour le cyclisme français en général. Déjà la sélection pour le Tour était une grande joie mais alors ça… En plus, Cyril venait de notre école de cyclisme, il est de Livry-Gargan. C’était tout ce qu’on avait voulu : la concrétisation de la politique de formation du club, mais on ne s’attendait pas à ce que ça arrive si vite. Plus généralement, c’est énergisant et gratifiant de voir que beaucoup de monde – coureurs mais aussi staff – passé par Auber fait encore référence à ces années-là aujourd’hui. Dans le staff d’ASO (l’organisateur du Tour) autour de Christian Prudhomme, il y a par exemple 4 ou 5 figures passées par Auber, comme Thierry Gouvenou. Et il y a 4 ans, des anciens mécanos d’Auber, tous en équipes World Tour aujourd’hui, m’avaient envoyé une photo d’une course en Australie en souvenir de leur période Auber. Ça veut dire qu’ils étaient au bon moment dans la bonne maison. »
– Le titre de champion de France de Steven Tronet en 2015
« C’était grandiose, une explosion de joie. En 2015, on avait une équipe incroyablement soudée, un peu comme on a eu cette année, en 2024. Je me souviens du moment où Steven gagne et où les autres gars le retrouvent après la ligne. Des embrassades à n’en plus finir. Pour moi, c’est plus significatif que notre premier titre de champions de France en 2000 grâce à Christophe Capelle parce qu’en 2015, on avait un statut de Conti (3e division) et surtout plus de sponsor principal puisque BigMat avait rompu son contrat l’année d’avant… Absolument personne ne nous attendait à Chantonnay, et pourtant on l’a fait. »
– La création de l’équipe féminine en 2012
« Ce qui caractérisait et caractérise encore Auber, c’est qu’on est toujours dans la construction de nouveaux projets. Equipe féminine, cyclo-cross, BMX, sport scolaire, handisport, tout ce qui peut promouvoir la pratique du vélo nous intéresse. Et donc quand en 2012, le Département a souhaité amplifier le cyclisme féminin tel qu’il se pratiquait déjà à l’Entente Sportive Gervais-Lilas, on a créé la section féminine au CM Aubervilliers. C’était un projet super dynamisant pour les femmes, elles arrivaient dans une structure plus encadrée que ce qu’elles avaient connu avant sans du tout partir de zéro. Je me souviens notamment d’une manche de Coupe de France à Bergerac où les filles font première, deuxième et troisième. On avait joué à Cycling Manager ! »
– La recherche éternelle de sponsors
« C’est un travail de l’ombre, auquel j’aurai, c’est vrai, passé beaucoup de temps. Pas plus tard que cette année encore, on est passé par un gros moment d’inquiétude quand l’un de nos sponsors principaux, Mavic, s’est retiré et qu’il a fallu se mettre en quête d’un remplaçant. On a fini par trouver avec Preference Home, mais notre équipe femmes a un temps été en péril. Mais cette recherche permanente est aussi l’occasion de faire de belles rencontres comme les dirigeants de la biscuiterie St-Michel ou de HP BTP. Et mine de rien, ça se rapproche aussi un peu de l’effort cycliste : ne jamais baisser les bras, toujours se battre, ne pas se cacher les réalités pour ne pas se tromper. »
– L’aventure humaine, plus que les titres
« On a beaucoup parlé de titres jusqu’ici, mais je ne voudrais pas que l’aventure Auber 93 se résume ça. Pour moi, c’est d’abord une histoire d’hommes et de femmes qui partagent une passion commune. Moi cette passion, elle me vient de ma région natale, la Manche, et des discussions familiales. Là où d’autres prennent une raquette et vont taper des balles, nous, on passait toute la journée sur le bord des routes, à aller voir passer les coureurs. Cette passion m’a d’abord mené à enfourcher un vélo et faire un carrière de coureur amateur Elite, puis à partie de 1984, à m’impliquer comme éducateur dans le vélo. A Auber, on a toujours essayé de concilier l’exigence du haut niveau et la notion de plaisir à l’école de cyclisme. Et puis, il y avait la vie du club qu’on a toujours essayé d’animer grâce à quantité de bonnes volontés. La Balade des P’tits Gars d’Auber par exemple, une course qu’on avait mise en place pour lutter contre la mucoviscidose, c’était un moment chaleureux.»
Et maintenant ?
S’il se retire du poste de manager général, Stéphane Javalet va quand même garder un pied dans l’équipe cycliste pro d’Auber. « Parce qu’on me l’a demandé et aussi parce que c’est dur pour moi de lâcher le bébé d’un coup », souffle celui qui aura dédié près de 40 ans de sa vie au CMA. Toujours au conseil d’administration du club, Jaja passera ainsi quelques jours en course comme directeur sportif. Un programme plus light, qui lui permettra de redescendre de temps à autre dans le Var, où lui le Normand retrouvera un élément qu’il connaît bien : la mer. Après la pêche aux sponsors, place à la pêche tout court.
Christophe Lehousse
Légende photo du haut: Stéphane Javalet encadré des cyclistes du CMA 93 Emmanuel Malet et Hervé Boussard, sur le Tour de Normandie 1993