Patrice Haddad, président du Red Star : « Un jour, nous aurons une équipe avec 100 % de joueurs de Seine-Saint-Denis »

- Après avoir assuré son maintien en Ligue 2 l’an passé, le Red Star a repris le chemin de l’entraînement au début de juillet et défiera Montpellier, le 8 août, lors de la première journée de championnat.
- Largement remanié mais toujours sous les ordres du coach Grégory Poirier, l’effectif audonien entend gagner en stabilité en misant à l’avenir sur des joueurs originaires du département à travers son nouveau centre de formation.
- Le président du club, Patrice Haddad, nous a longuement reçus dans son bureau pour nous faire part de ses objectifs à court et moyen terme.
Vous vous êtes maintenu en Ligue 2, non sans vous être créé quelques frayeurs… Quel bilan faites-vous de la saison passée ?
Patrice Haddad : L’an dernier, à la même époque, nous étions dans la peau du promu qui redécouvrait la Ligue 2 cinq ans après l’avoir quittée. Or, il y a un gouffre entre le National et la Ligue 2. À la suite du départ de Habib Beye, nous avons nommé un nouvel entraîneur, Grégory Poirier, qui découvrait le haut niveau et qui a dû s’adapter à notre environnement. Et puis, en cours de saison, il y a eu un peu de mouvement chez nos dirigeants avec le départ du directeur sportif, Reda Hammache, et l’arrivée d’un directeur du football, Grégory Dupont [ancien préparateur physique de l’équipe de France et du Real Madrid]. Malgré cette agitation qui nous a obligés à amorcer un nouveau cycle, les joueurs sont restés mobilisés et ont atteint l’objectif suprême, le maintien.
Habib Beye, l’entraîneur précédent, n’avait aucune expérience de coach au moment où vous avez misé sur lui, Grégory Poirier n’avait jamais entraîné au-dessus du National jusqu’à l’an passé… Chez vous, l’homme compte plus que le CV ?
P.H. : J’aime les premières fois. Confier les rênes d’une équipe à un technicien qui a un regard neuf mais qui est prêt à s’approprier un projet avec une philosophie de jeu précise, tout en respectant l’ADN du club, voilà ce qui m’anime. Ce profil est rare. Nous l’avions trouvé avec Habib, qui n’a laissé que des bonnes choses derrière lui. Son passage a même encore un impact aujourd’hui sur la vie du club. Grégory offre une autre vision qui n’annule pas la précédente mais vient au contraire s’y greffer.
Avec l’arrivée cette année du centre de formation sur le site de Marville, à La Courneuve/Saint-Denis, et la livraison du stade à la fin de 2026, avez-vous le sentiment qu’une nouvelle ère s’ouvre pour le club ?
P.H. : Cette académie, cela faisait dix-huit ans que mes équipes et moi-même y travaillions. Nous en sommes évidemment très fiers. Elle accueillera 60 joueurs, des catégories U15 aux U19. Lors de la première détection, nous avons reçu pas moins de 5000 demandes… Cela prouve que notre territoire est une vraie terre de football ! Ouvrir un centre de formation en Seine-Saint-Denis signifie beaucoup pour nous. Cela fait des années qu’au travers du Red Star Lab et avec le soutien de certaines collectivités, le Département notamment, nous contribuons, avec les moyens qui sont les nôtres, à l’égalité des chances et que nous favorisons l’émancipation de nos jeunes licenciés, en liant foot et culture. Axé sur le sportif et le haut niveau, le centre vise cette même quête d’accomplissement et d’épanouissement. Notre modèle compte fortement s’inspirer de celui appliqué par l’Athletic Bilbao qui ne recrute que des joueurs basques et en général issus des équipes jeunes du club. Nos joueurs seront donc majoritairement originaires de Seine-Saint-Denis et viendront renforcer à terme l’équipe première. Sur un plan économique, un « petit » club a de toute façon tout intérêt à miser sur un joueur de son cru plutôt que de se risquer à payer des indemnités de transfert.
Après avoir été racheté en 2022 par le fonds d’investissement américain 777 Partners, qui a fait faillite deux ans plus tard, le Red Star a vu ses actifs récupérés par A-Cap, une société d’assurance créancière de… 777 Partners qui avait songé à vendre le club mais n’a finalement pas trouvé preneur. Cette situation vous inquiète-t-elle ?
P.H. : Pas le moins du monde car le plus dur est derrière nous. A-Cap, le propriétaire des actifs du club, nous a présenté des garanties financières approuvées par la DNCG [Direction nationale de contrôle de gestion, le gendarme financier du football français]. Nous avons présenté une feuille de route jusqu’en 2030 qui met l’accent sur notre centre de formation et la livraison du stade. Les propriétaires ont été convaincus par notre projet de développement. Ils nous font confiance et ne s’ingèrent jamais dans nos affaires. Nous disposons cette année d’un budget de 15 millions d’euros, ce qui nous situe à peu près en milieu de tableau. En dehors de ces fonds propres, la prochaine étape consistera à faire adhérer à notre projet de nouveaux acteurs économiques locaux pour rayonner davantage sur le territoire.
« La Ligue 1 à l’horizon 2028-2030 »
Un mot sur le recrutement : 11 joueurs sont partis libres à l’intersaison. Allez-vous les remplacer ? Et êtes-vous à l’affût de « bons coups » ?
P.H. : 11, c’est beaucoup mais cela ne signifie pas qu’on doive tous les remplacer. Faire venir 6 joueurs serait déjà pas mal. Pour éviter les erreurs, on avance prudemment, chirurgicalement même. On ne flaire pas le bon coup, on guette plutôt le joueur qui puisse s’adapter à ce qu’on recherche pour conserver notre fond de jeu et nos acquis. C’est un travail subtil. En tout cas, je suis très satisfait d’avoir fait resigner Hacène Benali (6 buts l’an passé), d’avoir attiré Guillaume Trani, un milieu offensif qui a été élu meilleur joueur du championnat luxembourgeois ces deux dernières années, ou encore Saîf-Eddine Khaoui, passé par Marseille et Clermont. Désormais, il nous reste à renforcer notre défense.
Une montée en Ligue 1 vous paraît-elle envisageable rapidement ?
P.H. : Cette saison, on vise le milieu de tableau. La Ligue 1 est une marche encore un peu trop haute, qu’on aimerait gravir à l’horizon 2028-2030. Pour Saint-Ouen et le département, c’est un objectif important. Les habitants le méritent.
Le chantier de reconstruction du stade Bauer a été interrompu trois mois la saison dernière. Aujourd’hui, deux tribunes sur quatre ont été livrées. Sera-t-on dans les temps pour 2026 ?
P.H. : Il est important de rappeler qu’il y a seulement cinq ans, il n’y avait aucun projet de stade… On a tendance à oublier facilement les événements qui font que les projets au final avancent. Dans chaque opération, il y a toujours une ou plusieurs embûches : un changement de cap politique, des enjeux économiques et immobiliers qu’on ne maîtrise pas forcément… Aussi neuf et moderne soit-il, avec ce stade de 10 000 places, prêt à la fin de 2026, nous ne dérogerons pas à notre credo : accueillir toutes les populations avec des tarifs bien placés.
Vous êtes arrivé en 2007. Sentez-vous l’usure de la présidence ?
P.H. : Je ne me projette jamais. L’usure et la fatigue sont faciles à accepter. Quand on s’engage quelque part, il faut le faire avec une sincérité absolue. Une chose est sûre, je suis plus proche de la fin que du début. Mais je partirai uniquement quand j’aurai assuré la pérennité du club au haut niveau.
Propos recueillis par Grégoire Remund
Photos: ©Bruno Lévy