Le FC 93, un « Petit poucet » bien dans ses crampons en Coupe de France

Le FC 93, un « Petit poucet » bien dans ses crampons en Coupe de France
Football
  • Le FC 93 (National 2) affronte Angers en 32e de finale de la coupe de France, le 22 décembre, au stade Auguste-Delaune de Bobigny.
  • Fruit d’une union entre Bobigny, Bagnolet et Gagny en 2020, le club a éliminé son « rival départemental », le Red Star, et compte plus de deux mois d'invincibilité.
  • Dirigeants, staff et joueurs savourent mais refusent de s’enflammer...

Le FC 93, c’est du sérieux cette année. Né d’un mariage à trois en 2020 entre Bobigny, Bagnolet et Gagny, ce club amateur qui évolue dans le championnat de National 2, l’équivalent de la quatrième division, étonne par sa rigueur et son « professionnalisme ». Le 30 novembre, sur sa pelouse d’Auguste-Delaune, à Bobigny, il a réussi l’exploit d’éliminer le Red Star, club de Ligue 2 et surtout grand rival départemental, lors du 8e tour de coupe de France. Un succès (2-2, 5 tirs aux buts à 4) fêté comme il se doit avec le public, venu en très grand nombre, puis dans le vestiaire. Mais ce n’est pas allé plus loin, l’équipe ayant déjà la tête tournée vers la prochaine rencontre. « On a apprécié le moment car le petit frère a battu le grand frère, et puis ça a fait un peu parler de nous, mais on s’est remis au travail dès le lendemain, indique Mohamed Coulibaly, le coach du FC 93. La coupe de France, cela reste du bonus, la semaine suivante, un match de championnat nous attendait, il a donc fallu se remobiliser rapidement. »

L’entraîneur de l’équipe première du FC 93, Mohamed Coulibaly.

Le message est, semble-t-il, passé cinq sur cinq puisque ses joueurs se sont imposés dans la foulée face à Thionville (1-0) puis ils ont remis le couvert à Balagne (2-1). Résultat, après douze matches, l’équipe séquano-dionysienne compte huit victoires, trois nuls et une défaite, et pointe à la deuxième place du classement, à deux points du leader Fleury mais avec un match en moins, ce qui en fait un leader virtuel. « En ce moment, on engrange les points et on fait le plein de confiance, c’est super, se félicite Farid Beziouen, milieu offensif virevoltant et joueur le plus expérimenté de l’effectif. Mais ne nous croyons pas plus forts que ce qu’on est. La saison est longue et dans ce championnat, tout le monde peut battre tout le monde. » C’est d’autant plus vrai que le FC 93, doté d’un budget modeste, n’est pas favori sur le papier. La réforme du championnat de N2 (qui compte trois poules au lieu de quatre depuis un an) a créé un nivellement par le haut qui, inéluctablement, favorise les équipes disposant de moyens plus importants, « parmi lesquelles certaines ont un vécu récent dans le monde pro et des infrastructures dignes de la Ligue 2 », fait remarquer Siné Danioko, le directeur sportif du club.

80 % de l’effectif renouvelé

Dimanche 22 décembre, à 17h30, dans un stade Delaune certainement plein comme un œuf, le FC 93 affrontera Angers, pensionnaire de Ligue 1, lors des 32e de finale de coupe de France. Un niveau de compétition que le club avait atteint en 2015. Cette année-là, alors qu’il s’appelait encore Bobigny et jouait en division d’honneur, il avait été sorti par une autre Ligue 1, Évian-Thonon Gaillard (3-0). « On prépare ce match sereinement, avec la même application que si on rencontrait un club de 3e district, affirme Mohamed Coulibaly. On va jouer sans complexes car dans cette compétition, les divisions ne comptent pas. Que l’on se qualifie ou qu’on se fasse éliminer, peu importe, le plus important est de jouer devant notre public, face à une Ligue 1. On va tout faire pour que nos supporters soient fiers de nous et quittent le stade convaincus d’avoir assisté à un beau spectacle. » Dans ses déclarations et ses intentions, le FC 93 avance donc à pas feutrés, sans se prendre la tête et sans s’emballer. Une stratégie payante, pour l’instant.

Pourtant, le club a entamé la saison dans l’inconnu, renouvelant 80 % de son effectif l’été dernier. Certes, les cadres, tels que le taulier Farid Beziouen, 38 ans (lire encadré ci-dessous), le capitaine emblématique Reda Kaddouri, ou encore le gardien de but Oumar Sissoko, qui a grandi à dix minutes du stade, sont restés, mais beaucoup d’autres sont partis. « Quand on joue en amateurs, il est impossible de s’appuyer sur des effectifs stables, il y a beaucoup de turn-over, explique Siné Danioko. Tout recrutement à ce niveau relève du pari. Cette année, nous sommes allés chercher des joueurs à fort potentiel dans des divisions inférieures, susceptibles de s’inscrire dans notre projet. » Des joueurs qui ont un autre point commun : tous ou presque sont originaires de Seine-Saint-Denis. Une marque de fabrique depuis que Bobigny, Bagnolet et Gagny ont décidé de ne former qu’un, il y a quatre ans.

Odsonne Édouard, ancien du club et pro en Angleterre, va investir

Les joueurs du FC 93 à l’entraînement à Auguste-Delaune.

Avec trois succès obtenus lors des trois premières journées de championnat, la mayonnaise entre anciens et nouveaux a pris tout de suite. « On s’entend très bien sur et en dehors du terrain, souligne Reda Kaddouri. Nous avons les mêmes valeurs, la même envie de tout donner à chaque match et pour l’instant, ce mélange d’expérience et de jeunesse nous sourit. » À mi-parcours, le club ne fait évidemment pas de plan sur la comète mais qu’en serait-il s’il commençait à sérieusement jouer les trouble-fête ? « En N2, où les clubs sont semi-pros, nous sommes à notre place, tempère le directeur sportif. Chez nous, personne ne vit à 100 % du foot. Nous avons cinq joueurs, plus le coach, qui sont sous contrat à mi-temps. Les autres, à côté, travaillent ou étudient. Si on venait à monter en National (un privilège accordé uniquement aux premiers de chacune des trois poules de N2, ndlr), il faudrait qu’on trouve les ressources financières rapidement sous peine d’être pénalisé [pour mémoire, il y a deux ans, le FC 93 avait été lourdement sanctionné (privation de coupe de France et pénalité de trois points au classement) par la DNCG, le gendarme financier du foot français, qui avait ensuite sommé le club de mieux encadrer sa masse salariale]. » Et d’ajouter : « Le plus dur pour une équipe qui monte en National, c’est d’éviter le choc thermique. Pour cela, il faut prendre exemple dans des clubs comme Dunkerque (Ligue 2) ou Concarneau (National), qui font beaucoup avec très peu et qui, année après année, déjouent les pronostics. » Quoi qu’il advienne, le FC 93 promet de conserver son ADN avec, d’un côté, une section loisir ouverte à tous les habitants du territoire, et de l’autre, un club élite avec une équipe fanion axée sur la compétition.

Performant sur le terrain, le club fait aussi beaucoup parler de lui en dehors ces derniers temps. L’attaquant Odsonne Édouard, qui a été prêté par Crystal Palace à Leicester City (Premier League) cette saison et qui a fait ses débuts à l’Académie football Bobigny avant de filer au PSG, a annoncé en février dernier son entrée dans l’actionnariat du FC 93. Il s’est par ailleurs engagé à investir « une somme que nous ne dévoilerons pas car rien n’est encore finalisé, avertit Siné Danioko. Tout a commencé ici pour lui, il est très attaché à son club et à sa ville, il a envie de nous aider à nous développer et nous le remercions de tout cœur. » Une autre opération a défrayé la chronique : celle menée par Nike et l’entreprise de jeu vidéo EA Sports qui ont demandé au célèbre rappeur de La Courneuve, Tiakola, de dessiner le maillot de foot revêtu par le FC 93 à l’occasion de la 12e journée de championnat contre Thionville. Une tunique d’un orange éclatant déjà collector qui, le jour du match, avait été distribuée par centaines aux enfants présents dans les tribunes. « Nous avons servi de club support, l’initiative a fait du bruit, tant mieux pour nous. On souhaite être là où on ne nous attend pas forcément », déclare Siné. Et c’est bien ça la force du FC 93 cette année.

Grégoire Remund

Photos: ©Sylvain Hitau

Farid Beziouen, un joueur toujours dans le coup

Il marque moins, n’est pas toujours titulaire, mais son envie et son talent sont intacts. À 38 ans, Farid Beziouen n’est pas près de raccrocher les crampons. « Je suis en forme, je peux rendre encore quelques services », estime, tout sourire, le milieu offensif né à Aubervilliers et passé notamment par Noisy-le-Sec, le Red Star, la JS Kabylie, en D1 algérienne, ou encore Sedan et Orléans, en Ligue 2. « Tant que mon corps tient, je ne me fixe aucune limite. On voit de plus en plus de joueurs jouer jusqu’à 40 ans et même au-delà. Je commencerai à m’interroger le jour où j’enchaînerai les blessures. Mais pour le moment, je suis au top physiquement. » La montée en National, envisageable mathématiquement à ce stade de la compétition, constitue-t-elle un élément de motivation supplémentaire ? « Ce serait beau mais je n’y pense pas car notre championnat est difficile et sera incertain jusqu’à la dernière journée. On ne gagnera pas tous les week-ends, c’est impossible. Plus de la moitié des équipes peuvent prétendre à la montée, donc je me contente de prendre un maximum de plaisir. »

G.R.

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