Jovany Ikanga, le vert et le blanc lui vont à merveille
- Prêté la saison dernière à Dijon (National), Jovany Ikanga est revenu cette année au Red Star (Ligue 2), son club de toujours, dans la peau d’un titulaire.
- Auteur de 3 buts en 9 journées, cet attaquant solide et polyvalent de 23 ans, connaît des débuts convaincants.
- il a accepté de nous rencontrer au centre d’entraînement de Marville pour revenir sur son début de carrière et nous gratifier, au passage, de quelques anecdotes.
Sur les terrains de Ligue 2, Jovany Ikanga est un vrai taureau, pesant sur les défenses de la première à la dernière minute, se battant sur tous les ballons, à terre ou dans les airs. En dehors, laissant sa hargne de côté, on a affaire à un jeune homme doux, souriant et disponible. Cet attaquant de 23 ans, capable d’évoluer aussi bien sur les ailes qu’en pointe, réalise un excellent début de saison sous les couleurs du Red Star, en Ligue 2, le club où tout a commencé pour lui, quand il avait 5 ans, et qu’il n’a quitté qu’une seule fois dans sa vie, la saison dernière pour un prêt à Dijon (National) où il était parti s’aguerrir. En neuf journées de championnat (au moment où ces lignes sont écrites), Jovany a inscrit trois buts, un bon ratio pour un joueur qui découvre la Ligue 2, et, partant, le foot professionnel, et qu’on n’imaginait pas forcément dans la peau d’un titulaire indiscutable en début de saison. « Depuis que je suis revenu chez moi, dans ma famille du Red Star, je me sens en pleine possession de mes moyens, confesse le jeune homme. Le projet de jeu mis en place par le coach et le staff me convient parfaitement. Sur le terrain, j’ai beaucoup de liberté, avec Damien [Durand], nous sommes complémentaires, on aime autant marquer que faire marquer. J’ai aussi la chance de pouvoir m’appuyer sur des coéquipiers dont certains ont l’expérience du haut niveau, j’apprends vite et beaucoup à leurs côtés. »
Depuis le coup d’envoi du présent exercice, l’Audonien est un des joueurs les plus utilisés par l’entraîneur, Grégory Poirier, et il a commencé toutes les rencontres. Il a débloqué son compteur buts à Guingamp, lors de la 3e journée de championnat, en signant un doublé et a de nouveau été décisif trois journées plus tard sur la pelouse de Nancy en inscrivant l’unique but du match à dix minutes du coup de sifflet final. « Je me sentirai encore plus libéré lorsque j’aurai signé mon premier but au stade Bauer. Je pourrai le célébrer avec le kop », précise-t-il. Un kop qu’il connaît très bien pour en avoir longtemps fait partie. Car avant de fouler la pelouse du mythique stade de Saint-Ouen, Jovany, qui a évolué dans toutes les formations jeunes du club, accompagnait les Ultras. Quand il ne jouait pas, il donnait de la voix en tribunes pour encourager son équipe favorite. Joueur et supporter. Acteur et spectateur. Ikanga est chez lui à Bauer.
« Cette année, je découvre un joueur plein de maturité » (Grégory Poirier, coach du Red Star)
S’il est né à Saint-Denis, le Franco-Congolais a grandi à Saint-Ouen. Il passe même les premières années de sa vie dans un appartement situé pile en face du stade Bauer. En voilà un qui pour trouver du boulot n’a eu qu’à traverser la rue. « C’est un signe du destin, ce stade m’attendait », sourit l’intéressé. Issu d’une famille de sportifs, sa mère a joué à un haut niveau de basket en République Démocratique du Congo et son père a tâté un temps du ballon rond. Le petit Jovany découvre le foot par l’intermédiaire de son grand frère. « Lui aussi jouait au Red Star. Dès tout petit, j’allais voir ses matches avec mes parents. Sur le bord du terrain, j’étais très remuant, mon père avait du mal à me contenir et un jour, j’ai réussi à échapper à sa vigilance. En finale de coupe du 93, je suis entré sur le terrain pour attraper le ballon. L’arbitre a dû arrêter la rencontre, le public s’est bien marré. Mais le plus important, c’est que ce jour-là, j’ai réussi à attirer l’attention du coach du Red Star. J’ai rejoint le club quelques mois plus tard. »
À 13 ans, le centre de formation n’existant pas encore (lire encadré ci-dessous), il intègre l’académie des Vert et Blanc. « On s’est mis à jouer à 11 sur un grand terrain, les entraîneurs étaient plus exigeants avec nous, tous les matches étaient à enjeu et j’étais sans cesse jugé techniquement et tactiquement : c’est vraiment là que j’ai découvert le haut niveau et la pression qui va avec », raconte Ikanga. C’est aussi l’époque des premières sollicitations, des scouts, ces recruteurs missionnés par les clubs qui font le tour des stades, et des agents qui multiplient les tentatives d’approche. « J’ai eu la chance d’avoir des parents très impliqués dans ce que je faisais, ils m’ont toujours protégé et appris à rester les pieds sur terre. Être bien entouré dans ce milieu, c’est la base. » Jovany est bon, très bon. Mais a une fâcheuse tendance à se reposer sur ses lauriers. « J’ai longtemps misé sur mon talent, or ça ne suffit pas et j’ai failli le payer. J’ai alors entamé un long travail qui a consisté à connaître mon corps, comprendre comment il fonctionnait et ce sur quoi je devais travailler. » Une résilience bénéfique qui lui sert encore aujourd’hui. « C’est son parcours sinueux qui a permis à Jovany de devenir le garçon qu’il est : généreux et investi, témoigne Grégory Poirier. Les blessures ne l’ont jamais fait douter, il s’est toujours remis en question pour repartir de l’avant. Cette année, je découvre un joueur plein de maturité, capable de se fondre dans un collectif et de résister à la concurrence. Sa puissance et sa combativité, c’est ce qu’il nous manquait l’an passé. Bien sûr, il peut mieux faire. Mais je suis persuadé qu’il est un attaquant d’avenir. »
La RDC dans le cœur
En partant à Dijon, l’Audonien quittait pour la première fois le nid familial. Depuis, il dit avoir avancé dans sa vie d’homme, il fait son lit, plie ses vêtements. Mais n’a pas renoncé aux plats congolais mitonnés par sa mère, tels que le pondu (à base de feuilles de manioc), le madesu (haricots à la tomate) ou encore le poulet mayo. « Je me suis juste permis de modifier les recettes pour les rendre moins riches et, ainsi , les adapter à un sportif de haut niveau (rire). Toute la famille a adopté mon régime. » Son lien avec le Congo-Kinshasa n’est pas que culinaire, il est aussi sportif : Jovany rêve de porter un jour le maillot de la RDC. « Cela rendrait mon père très fier mais pour l’instant, je n’ai pas été contacté. Il faut dire qu’il y a du beau monde en attaque, la concurrence est rude. En tout cas, d’ici là je reste leur premier supporter. » De supporter au terrain, Ikanga a déjà prouvé par le passé qu’il n’y avait parfois qu’un pas…
Grégoire Remund
Photos: ©Sylvain Hitau
Le centre de formation du Red Star : un vieux projet enfin concrétisé
« La création d’un centre de formation était dans les cartons depuis de nombreuses années. Il était inscrit sur la feuille de route du président Patrice Haddad, laquelle prévoyait également la rénovation du stade Bauer et le maintien du club au niveau professionnel, explique Souleymane Camara, manager sportif du Red Star. Il était donc capital que notre équipe première se maintienne en Ligue 2 la saison dernière. » En effet, pour ouvrir un centre de formation, la Fédération française de football (FFF) exige d’un club qu’il joue a minima deux saisons d’affilée au niveau professionnel. À la différence d’une académie, la structure dont disposait le Red Star jusqu’ici, un centre de formation dispose d’un agrément délivré par le ministère des Sports qui permet aux joueurs de signer des contrats apprenti, aspirant, stagiaire et professionnel d’une durée de 1 à 5 ans. « À l’académie, les joueurs jouaient avec une licence amateur et leur contrat était renouvelé chaque année, il leur était donc impossible de se projeter et nous avec eux », précise le dirigeant. Pour cette première année, le club a recruté 60 joueurs, le maximum autorisé, de U16 à 18. Les objectifs ? « S’appuyer à court et moyen terme sur des joueurs du cru », poursuit Souleymane Camara. Qui conclut : « La prise en charge des jeunes sera meilleure car nous allons pouvoir davantage veiller à leur hygiène de vie et mieux encadrer leur parcours scolaire. »
G.R.