Mézuela Servier, passeuse décisive

Mézuela Servier, passeuse décisive
Handball
  • Ancienne internationale et joueuse du mythique USM Gagny des années 90, elle est depuis 2018 l’entraîneure adjointe de Noisy-le-Grand.
  • Avec Farid Gherram, elle poursuit le rêve d’une montée en première division avec les Louves.
  • Mère des handballeurs Elohim Prandi et Matteo Fadhuile, son été sera chargé : un œil sur les JO du « grand » avec les Bleus, l’autre sur la prépa du « petit » avec Tremblay.

Comme joueuse ou coach de handball, elle a le 93 chevillé au corps. Qu’on en juge plutôt : en 53 ans d’existence, Mézuela Servier, c’est 5 ans passés au service de l’USM Gagny puis 9 autres sous les couleurs de Noisy-le-Grand. Ajoutez à cela ses 6 ans de coach adjointe pour ces mêmes Louves de Noisy, et vous comprendrez l’importance de ce territoire aux yeux de cette passionnée du ballon rond.

« La Seine-Saint-Denis, c’est un super vivier en termes de talents. Il y a peut-être un peu plus de concurrence pour capter les partenaires économiques, vu le voisinage des autres clubs, mais ici on a la fois le potentiel et le savoir-faire », explique Mézuela, en désignant sur le parquet du gymnase du Clos de l’Arche une autre ex-internationale qui attaque au même moment son entraînement avec les U15 : Paule Baudouin.

« Ce club, c’est une vraie chance pour le territoire et pour ces filles, poursuit-elle. Ca leur permet d’avoir un parcours d’excellence sans quitter le cocon familial trop tôt. Car le haut niveau, c’est non seulement de la performance, mais aussi de l’équilibre. »

Et même si elle concède que le handball a beaucoup changé depuis son époque, elle sait de quoi elle parle. « J’ai eu la chance de tomber sur un entraîneur, Christian Mano, qui m’a bien cernée, qui a tout de suite vu que le cadre un peu rigide du sport-études n’était pas forcément fait pour moi et qui a tenu à ce que j’aille jusqu’au bac avant de tenter l’aventure en D1 », se souvient l’intéressée.

Son éclosion n’en sera que plus belle : à 19 ans, la Normande débarque à l’USM Gagny, l’une des plus grosses cylindrées de première division à l’époque. On parle là d’un autre temps, celui où les soeurs Antic, internationales yougoslaves, côtoyaient des filles qui travaillaient en parallèle de leur carrière de handballeuses. Il n’empêche : avec son jeu chatoyant, mélange de rigueur et de liberté, Mez’ fait les belles heures de l’Arena de Gagny, rafle avec les Jaune et Noir deux championnats et deux Coupes de France et se retrouve presque simultanément internationale française.

« C’est un des vrais beaux moments de ma carrière : quand j’ai intégré l’équipe de France à 19 ans et que je suis partie aux Championnats du monde à Séoul. Je n’ai pas joué plus que ça, mais qu’est-ce que j’ai appris en regardant ! », se souvient celle qui, de son époque à Gagny, a gardé de solides liens avec Carole Démocrite, Nathalie Poulet ou Valérie Sartorio.

Electron libre

La Seine-Saint-Denis, cet électron libre la reverra ensuite en deuxième partie de carrière, plus exactement sur ce même parquet de Noisy-le-Grand qu’elle contemple maintenant depuis les tribunes. Entre temps, la demi-centre a été une des premières joueuses à s’expatrier en Allemagne, au TC Lützellinden et l’une des premières à « s’autoriser » deux pauses maternités dans sa carrière – elle est la mère des handballeurs Elohim Prandi et Matteo Fadhuile.

Vous l’aurez compris : « Mez’ » n’a jamais rien fait comme les autres. « Au cours de ma carrière, certains m’ont qualifiée d’individualiste. Moi je dirais plutôt que je suis libre. Je suis revenue sur les terrains après la naissance de mes deux fils parce que j’avais sans doute encore quelque chose à apporter sur les terrains et j’ai arrêté quand j’ai estimé qu’il était temps. »

Mézuela Servier, sur le banc du Noisy-le-Grand handball, saison 2023-2024.

Depuis, elle se voit comme une passeuse d’expérience, tant pour les joueuses du Noisy handball que pour ses deux fils dont elle suit bien évidemment attentivement la carrière. Elohim Prandi, dont le père est l’ancien international Raoul Prandi, n’est plus à présenter, lui qui s’est mué en sauveur des Bleues lors du dernier Euro, marquant un coup franc d’anthologie sur le buzzer contre la Suède. « Pour moi, il n’a pas explosé, il a juste complètement déverrouillé ce qu’il était », affirme sa mère qui concède dans ce déclic, son accident a pu favoriser une prise de conscience, un mal pour un bien » (en décembre 2021, Elohim Prandi avait reçu plusieurs coups de couteau au cours de la soirée de la Saint-Sylvestre à Paris).

Matteo Fadhuile, lui, a trouvé cette saison le chemin vers la première division avec Tremblay, après avoir déjà été élu meilleur joueur de D2 l’année dernière. « Des deux, c’est lui qui me ressemble le plus dans le jeu. Il a ce côté faire déjouer l’adversaire, prendre l’ascendant psychologique. Et monter avec Tremblay pour lui qui a passé une bonne partie de sa jeunesse dans le 93, ce n’est pas anodin », se réjouit pour lui sa mère qui l’a vu tout récemment briller en finale du Final 4 contre Istres.

Par la force des choses, ça discute pas mal handball à la maison, quand la famille se réunit. « Mais on discute aussi de beaucoup d’autres choses, car moi je suis curieuse de tous les sujets, qui peuvent d’ailleurs avoir un impact sur une vie de handballeur », souligne celle qui possède un diplôme de préparatrice mentale et attache une grande importance à la santé psychique.

« L’accompagnement des individualités, aider à faire les bons choix en fonction des personnalités, c’est ça mon truc », explique cette passionnée pour qui le diable se niche dans les détails. Avec Farid Gherram, l’entraîneur de l’équipe première, le challenge est désormais de faire monter Noisy-le-Grand en première division. Et on peut faire confiance à Mez’ pour ne pas lâcher le morceau avant d’avoir obtenu gain de cause.

Christophe Lehousse

Photos: ©Franck Rondot et ©Sylvain Hitau

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