Longue vie à Fratellini !

Longue vie à Fratellini !
Mémoire
  • Installée à Saint-Denis depuis 2003, l’Académie Fratellini rouvre après 3 ans de travaux qui ont permis de l’agrandir.
  • L’esprit des premiers temps reste en revanche le même : célébrer le cirque sous toutes ses formes.
  • Venez nombreux pour le week-end gratuit de réouverture les 4 et 5 octobre !

Les trois frères François, Albert et Paul Fratellini jouent l’Auguste, le clown blanc et le contre-pitre en 1931. ©Thérèse Bonney

« Le cirque pour moi, c’est d’abord l’ouverture à l’autre. Là, on a enfin un accueil digne de ce nom ! » Installée dans la toute nouvelle halle d’accueil, Valérie Fratellini, 8e génération de cette famille de circassiens, savoure la réouverture de ce haut-lieu du cirque à Saint-Denis. Après 3 ans de travaux, cette Ecole supérieure du cirque – l’une des 3 seulement que compte la France – semble prête à entamer le 3e chapitre de son existence.

Le premier ayant été la création de la structure, en 1974, par Annie Fratellini, la mère de Valérie, et son compagnon Pierre Etaix. « L’origine de l’école, c’est quand moi, petite fille, j’ai fait part à ma mère et à Pierre de ma volonté de faire du cirque. En 1974, il n’existait tout simplement pas de lieu d’apprentissage. C’est alors qu’ils ont créé cette première Ecole nationale du cirque qui est par la suite devenue l’Académie Fratellini. », rembobine Valérie.

Bien qu’issue d’une grande famille de clowns – le trio de frères Paul, Albert et François Fratellini est notamment une référence de l’entre-deux guerres – Annie souhaitera dès le départ enseigner tous les arts du cirque. Les cours se font alors sous un petit chapiteau à La Villette, sous le périphérique. Puis en 2003, c’est le déménagement à Saint-Denis, sur l’emplacement actuel. « La ville de Saint-Denis et Plaine Commune ont politiquement émis le souhait d’accueillir cette école. Dans une zone à prédominance de bureaux autour du nouveau Stade de France, c’était un choix fort d’avoir aussi une proposition culturelle », se souvient Stéphane Simonin, directeur de l’Académie.

Gehlker, Boitel, de grand noms du cirque

Sur un parking du Mondial de foot 1998 naissent alors un ensemble de bâtiments en matériaux durables, du bois, de la toile, dessinés par les architectes Loïc Julienne et Patrick Bouchain (aussi à l’origine du théâtre Zingaro de Bartabas). Au départ, le lieu doit n’être que provisoire, mais l’Académie a en tout cas désormais un espace pour accueillir ses 35 apprentis qui, chaque année, viennent y parfaire leur technique circassienne et passer le tout nouveau diplôme national supérieur du Cirque.

Le grand chapiteau Amazigh de 1500 places voit alors passer des phénomènes qui marqueront l’histoire du nouveau cirque, entendez par là cette discipline qui met les techniques du cirque traditionnel au service d’un univers et d’une esthétique personnels. Valérie Fratellini se souvient encore avec émotion du spectacle « Le Vide » de Fragan Gehlker : « un homme, une corde, le rien et pourtant le tout », explique la directrice adjointe avec ses yeux rieurs.

Valérie Fratellini, actuelle directrice pédagogique de l’Académie ©Nicolas Moulard

Stéphane Simonin, actuel directeur de l’Académie Fratellini ©Nicolas Moulard

Stéphane Simonin y ajoute Les 5e Hurlants, de Raphaëlle Boitel. Cette ancienne de l’Académie Fratellini, compagnonne de route de James Thierrée, avait tenu en 2015 à monter un spectacle avec des élèves de Fratellini. « Cette distribution faite seulement d’apprentis mettait en valeur l’école. Cela montrait notre capacité à transmettre de génération en génération », souligne celui qui est directeur depuis 2012.

Tous les anciens apprentis interrogés mettent aussi en évidence la dimension humaine de l’apprentissage sauce Fratellini. « On y bénéficie vraiment d’un accompagnement individualisé. Par exemple, c’est à Fratellini que j’ai pu découvrir mon goût pour la mise en cène, en plus du trapèze fixe que j’y ai approfondi », témoigne Victoire Godard, sortie de l’école en 2022.

Mais trêve de souvenirs. L’Académie, c’est comme un exercice de funambulisme : c’est devant que ça se passe. Avec ses 2000m2 additionnels, dont 4 studios supplémentaires pour les nouveaux apprentis (voir encadré), le cirque a de très beaux jours devant lui en Seine-Saint-Denis.

Christophe Lehousse

Photo: @Nicolas Moulard et ©Thérèse Bonney

La nouvelle halle d’entrée de l’Académie Fratellini, conçue par Atelier du Pont ©Nicolas Moulard

Nouvelle Académie, le tour du propriétaire

Les quelque 300 amateurs qui pratiquent le cirque en loisirs à l’Académie, comme ses 35 apprentis de l’Ecole supérieure vont très vite s’en apercevoir : la piste, c’est du 5 étoiles désormais à Saint-Denis ! Si les grands et petits chapiteaux, réalisés en 2003, n’ont pas bougé, tout le reste a fortement évolué. Grâce aux interventions de l’agence Atelier du Pont, les amateurs pourront ainsi profiter d’une halle couverte entièrement refaite à neuf et d’où a été chassé le bloc de bureaux qui la coupait auparavant en deux. Les apprentis quant à eux pourront profiter de studios d’entraînement rénovés et surtout du « Studio 0 », une salle entièrement modulable dont les 180 gradins peuvent se disposer en fonction des exigences du spectacle. « Ce nouvel outil nous permet vraiment d’insister sur l’innovation et l’originalité des propositions des artistes, des valeurs que nous voulons aussi pousser avec la création d’un Master de cirque-création en 2026 à Paris-8. », appuie Stéphane Simonin. Vous pourrez découvrir tous ces nouveaux espaces lors du week-end de réouverture gratuit des 4 et 5 octobre, ou plus tard dans la saison, à l’occasion du spectacle Salto, les 18 et 19 octobre ou pour la Nuit du cirque les 15 et 16 novembre.

Victoire Godard, ici dans un apéro-cirque mis en scène par Fanny Soriano, a été apprentie à l’Académie Fratellini de 2019 à 2022.

Le témoignage d’une ancienne apprentie de Fratellini

Victoire Godard est sortie diplômée de l’Académie Fratellini en 2022 après y avoir passé au total 4 ans – les 3 ans de formation précédés d’une prépa cirque. Cette Amiénoise s’y est formée au trapèze fixe ainsi qu’à la mise en scène et n’a depuis jamais rompu le lien à une institution qu’elle décrit comme très familiale :

« C’est une école assez humaine, où on nous pousse vraiment à trouver notre voie artistique. Je me rappelle que même au moment des auditions, quand je postulais, je m’étais sentie très écoutée. Le faible nombre d’élèves dans les promotions – entre 7 et 9 par année – rend possible d’une part un accompagnement individualisé et d’autre part un travail en groupe assez approfondi. Moi je m’y suis spécialisée en trapèze fixe, mais j’y ai aussi pris goût à la mise en scène, ce qui m’a suivie ensuite puisque derrière, j’ai fait un Master de cinéma documentaire à Marseille.

A Fratellini, les profs fixes vous font travailler les bases acrobatiques, et ensuite les multiples intervenants, qui sont tous en activité, vous font explorer tel ou tel domaine. Aujourd’hui, c’est à mon tour de travailler pour Fratellini : depuis l’année dernière, j’interviens à Villepinte et Fleury-Mérogis dans des ateliers en prison. Passer par le corps permet plein de choses, y compris en maison d’arrêt : ça veut dire travailler en collectif, reprendre confiance en soi et en l’autre.

Tout cela fait que revenir à Fratell’ est toujours un plaisir, que ce soit pour m’entraîner dans les salles qui viennent d’être rénovées ou tout simplement pour revoir mes anciens profs. Et je serai évidemment présente les 4 et 5 octobre prochains, pour le week-end de réouverture ! »

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