Il veut faire entrer le parasport dans le Rohman national

Il veut faire entrer le parasport dans le Rohman national
Livres
  • Jonathan Rohman, journaliste habitant Noisy-le-Grand, vient de publier « Les Yeux dans les Jeux » une série de 20 portraits de parasportif·ve·s français, têtes d’affiche des prochains Jeux paralympiques.
  • Dans cette galerie figurent aussi Charles-Antoine Kouakou (Sport’Toi Bien 93) et Timothée Adolphe (Saint-Denis Emotion), licenciés dans deux clubs de Seine-Saint-Denis.

« J’espère que grâce aux Jeux, les personnes handicapées seront vraiment vues comme des personnes capables.» Jonathan Rohman a l’espoir communicatif et la ténacité de ceux qui savent que la vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille.

Dans un beau recueil, intitulé « Les Yeux dans les Jeux », cet habitant de Noisy-le-Grand a tiré le portrait à 20 parasportifs tricolores, qu’on devrait voir s’exprimer à partir du 28 août prochain aux Jeux paralympiques de Paris 2024.

Cet ouvrage n’est pas juste une tocade passagère. Voilà 10 ans que ce journaliste free-lance cultive l’idée d’un vrai sport pour tous, comme le prônait d’ailleurs son site internet désormais disparu, Tousausport.com, où il cumulait des reportages et des portraits de parasportifs, certes moins médiatisés, mais sportifs de haut niveau tout de même.

« J’ai toujours aimé écrire, et en particulier des portraits. En amont des Jeux, je me suis donc dit que c’était le moment de m’y remettre », raconte celui qui est aussi gérant d’une société qui rédige des rapports de réunions sociales pour le compte d’entreprises.

La performance comme fil rouge

Du tennisman Stéphane Houdet à la rameuse Margot Boulet, de l’athlète Mandy François-Elie au joueur de rugby-fauteuil Sébastien Verdin, son livre constitue donc une bonne plongée dans les visages qui vont faire les Jeux paralympiques de 2024, au moins côté français. « Je voulais qu’il y ait un maximum de handicaps et de sports représentés et une équité de femmes et d’hommes. Un de mes partis pris était aussi d’insister sur l’aspect performance. Certes, raconter la résilience de ces parcours permet de mettre de l’humain, mais il ne faut pas occulter le fait qu’il s’agit de sportives et sportifs de haut niveau. »

Dans ce livre chaleureux, documenté et accessible – un adjectif auquel l’auteur tient par-dessus tout – on découvre ou redécouvre donc les trajectoires de Pauline Déroulède, guidée par son rêve de disputer les Jeux en tennis-fauteuil, d’Alexandra Saint-Pierre, joueuse de tennis de table plus forte que tous les mauvais coups du sort ou d’Alex Portal, libre comme un poisson dans l’eau. On applaudit des deux mains au rêve d’Heïdi Gaugain qui souhaiterait abolir la frontière entre les Jeux olympiques et paralympiques en devenant la première athlète handicapée à concourir à des JO. Thibaud Lefrançois, joueur de volley assis dont les épreuves se dérouleront d’ailleurs à Villepinte, ou Gwendoline Matos, joueuse de goal-ball, nous initient aussi à des disciplines moins connues.

Deux parcours, en tant que média de Seine-Saint-Denis, nous intéressent particulièrement : celui de Charles-Antoine Kouakou, champion paralympique à Tokyo sur 400m et repéré en Seine-Saint-Denis avant de signer à Antony (92) et Timothée Adolphe, médaille de bronze à Tokyo sur 100m non-voyants et licencié à Saint-Denis Emotion.

« Que toute l’attention qui se crée perdure au-delà des Jeux »

Le 93, ça fait longtemps maintenant que Jonathan Rohman le pratique : originaire de Lille, ce journaliste l’a découvert en 2012 à Saint-Ouen avant d’y revenir en 2016, à Saint-Denis puis Noisy-le-Grand. « Avec ma compagne, enseignante, on aime bien l’aspect multiculturel et la mixité sociale qu’on peut y trouver. », souligne-t-il. Avant de revenir à ses moutons : « Dans la rédaction du livre, je n’avais pas un focus sur le 93 en particulier, mais je trouve que c’est un département qui a intégré l’inclusion dans ses politiques publiques, comme le prouve son projet Prisme ». Ce super-gymnase, construit selon les principes de l’accessibilité universelle, sera inauguré le 1er juillet à Bobigny et servira de lieu de pratique partagée après les Jeux.

Accessible, son ouvrage l’est assurément : publié en police Arial – « selon les études, la police la plus lisible pour des mal-voyants mais aussi pour tous les troubles dys » – et gros caractères, il ne pouvait en aller autrement pour celui qui avant cela avait déjà édité un autre ouvrage, une biographie du joueur de basket-fauteuil Philippe Baye.

Le fait que seulement un tiers des billets des prochains Jeux paralympiques ait trouvé preneur inquiète-t-il l’intéressé ? « Oui et non. C’est sûr que si ça restait comme ça, ce serait un désaveu. Mais à Londres ou à Rio, dans les éditions paralympiques précédentes, ça s’est fait au dernier moment. En tout cas, autant les prix sont prohibitifs pour les JO, autant ils sont accessibles pour les Paralympiques, et je trouve que c’est une chance », insiste celui qui se réjouit notamment de pouvoir emmener ses enfants voir Alex Portal, Timothée Adolphe ou Nélia Barbosa en pleine action.

« Je ne me fais pas d’illusions : je me doute que ces Jeux ne vont pas permettre une révolution d’accessibilité dans le monde des transports, notamment dans le métro parisien, reprend Jonathan Rohman. Mais j’aimerais que toute l’attention qui se crée perdure au-delà des Jeux. Si cet événement permet à certaines entreprises de comprendre que ce n’est pas parce qu’une personne est handicapée qu’elle est moins performante, ce sera déjà un grand pas de fait. » Avec toute la passion et la précision qu’il déploie, son livre permet déjà d’en faire un petit.

Christophe Lehousse

Photo: ©Bruno Lévy

– « Les Yeux dans les Jeux, Portraits de 20 parasportifs ambitieux », TAS éditions, de Jonathan Rohman, 30 euros

À lire aussi...
Héritage J.O.P. 2024

Le para-sport a pris la Bastille

La première Journée Paralympique dans l’Histoire du sport français a accueilli plusieurs dizaines de milliers de spectateurs samedi 8 octobre. Parmi les 160 sportifs présents, certain·e·s venaient aussi de Seine-Saint-Denis, qui dans 2 ans, sera l’un des principaux théâtres des[...]
À lire aussi...
Handisport

Le Prisme, l’héritage olympique accessible à toutes et tous

La première pierre de cet équipement dédié à la pratique du sport par tou·te·s et en particulier par les personnes handicapées a été posée vendredi 7 octobre. Imaginé et mené par le Département de la Seine-Saint-Denis, ce futur héritage des[...]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *