Formé à Neuilly-sur-Marne, Mathis Ibo voit déjà la vie en bleu
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- Joueur formé au Rugby Club Neuilly-sur-Marne, Mathis Ibo dispute actuellement avec l’équipe de France U20 le tournoi des VI Nations.
- À tout juste 20 ans, cet arrière, qui figure à nouveau dans la liste contre l'Italie ce samedi 22 février, évolue aussi dans l'équipe Espoirs du Stade Français.
- Portrait de ce jeune homme aussi rapide et élégant sur le terrain que sympathique en dehors.
Le 31 janvier, quelques jours après avoir soufflé ses 20 bougies, Mathis Ibo a reçu un joli cadeau d’anniversaire : une première sélection en équipe de France U20 (moins de 20 ans) contre le Pays de Galles dans le cadre du tournoi des VI Nations. Une première cape qui s’est soldée par une victoire nette et sans bavure (63-19) de son équipe, laquelle n’a laissé aucune miette à son adversaire. S’il n’a pas marqué, l’arrière, placé à l’aile pour cette rencontre, a rendu une copie honnête, participant ostensiblement à l’effort collectif. « C’était une première, il y avait beaucoup d’émotion et je n’ai pas eu beaucoup de ballons à exploiter, ça n’a pas toujours été facile pour moi mais je sais que je ferai mieux la prochaine fois », analyse, lucide et humble, le joueur de l’équipe Espoirs du Stade Français. Car, oui, ce petit gars de Neuilly-sur-Marne, qui a fait ses gammes dans le club local, le RCNM, de 2011 à 2018, évolue depuis 2019 chez les « Soldats Roses », du côté de la porte d’Auteuil, à Paris.
Pour ce portrait, il nous a conviés dans les bureaux de son club, au stade Jean-Bouin, la veille d’un match important contre Vannes (que sa formation remportera sans trop forcer, 24-12, avec, pour lui, le brassard de capitaine autour du bras). Il est enrhumé mais souriant et affable. Son genou, qui l’a longtemps embêté, le laisse enfin tranquille. Quand on le remercie d’avoir accepté cet entretien en cette période rugbystiquement agitée, il nous renvoie la pareille et se dit honoré de figurer dans les colonnes d’un magazine qui traite l’actualité d’un département où tout a commencé pour lui : que ce soit ses premiers pas d’enfant ou son éclosion en tant que rugbyman. « J’ai découvert le rugby à l’âge de 6 ans sur les conseils de mon meilleur ami, se remémore Mathis. J’ai fait un essai au Rugby Club Neuilly-sur-Marne parce que c’est le club de ma ville, et j’ai tout de suite accroché. J’ai eu la chance d’avoir des éducateurs géniaux, à l’écoute des enfants et amoureux de leur sport, je me suis fait aussi plein de potes. Pour moi, ce club a été une seconde famille. » Son premier éducateur fut Patrick Lenoir. Aujourd’hui à la tête de la section baby rugby du RCNM, l’homme à la moustache se souvient parfaitement du petit Mathis, « un garçon gentil, respectueux, humble… Bref, très attachant. » Et le coach de préciser : « À la différence d’autres gamins, qui démarrent très fort mais qui s’écroulent une fois qu’ils sont aux portes du professionnalisme, lui n’a pas brûlé les étapes, il a connu une évolution progressive, devenant chaque année un peu plus fort. Mais de là à imaginer qu’il joue un jour en équipe de France U20… »
Un match de Top 14 la saison dernière
Les années ont passé et une capitale de deux millions d’habitants sépare désormais Mathis Ibo de son club formateur mais le jeune homme est resté sentimentalement proche du RCNM. « Quand l’équipe première joue et que je suis dans le coin, je passe une tête. Ça fait toujours plaisir de croiser les copains et de serrer des mains, au stade Guy-Boniface, je me sens comme à la maison », sourit-il. En 2019, il joue à Champs-sur-Marne depuis un an quand un recruteur du Stade Français le repère. Son profil, rapide et athlétique, plait. Il est convié aux entraînements, qui ont valeur de tests. Il convainc. Et intègre les minimes. S’il s’entraîne depuis deux ans avec l’équipe première, Mathis joue cette année chez les moins de 21 ans en championnat Reichel Espoirs Accession, la deuxième division nationale dans cette tranche d’âge. « Nous sommes leaders du classement et les play-offs vont bientôt commencer, explique celui qui espère bientôt signer son premier contrat professionnel. Notre objectif est de monter pour retrouver le championnat Élite, deux ans après l’avoir quitté. » Actuellement dans le bas du classement du Top 14 après avoir rayonné la saison dernière, le Stade Français vit des temps difficiles. L’occasion pour Mathis de se montrer et de prouver que le staff peut aussi s’appuyer sur les jeunes du centre de formation ? « Je m’entraîne dur pour ça, répond l’intéressé. Comment ne pas être stimulé et motivé quand on joue aux côtés de joueurs pros. L’an passé, j’ai joué un match de Top 14, j’espère revivre ça rapidement mais il va falloir pousser et pousser encore. »
À côté de sa passion, dont il n’a donc pas encore fait son métier, le numéro 15 suit des études. Après avoir un peu tergiversé, il a entamé cette année un BTS comptabilité. « Le club nous suit pas à pas. Ici, la pratique du rugby est conditionnée aux études. Si notre carrière s’arrête prématurément, ce qui est finalement assez commun, le Stade Français nous accompagne les deux années suivantes pour s’assurer qu’on trouve notre voie ailleurs. » Si le rugby occupe une grande place dans sa vie, Mathis entend mener une vie « normale » et fréquenter des amis qui ne font pas nécessairement partie de cet univers. « Pour en arriver là, j’ai consenti beaucoup de sacrifices mais il faut aussi savoir couper, confie-t-il. Les charges de travail à l’entraînement sont tellement lourdes, la pression au quotidien tellement forte que si on ne déconnecte jamais, cela en devient malsain. On finit même par péter les plombs. Après, c’est sûr, je ne suis pas dans la vie étudiante, je sors beaucoup moins que mes potes (rires). » Mathis, ou l’art de l’équilibre.
Grégoire Remund
Photos: ©Sylvain Hitau