Drancy/Saint-Denis, l’Union fait la force

- Tombeurs d'Issoire (28-9) jusqu'alors invaincu en 2025, les Ciel et Jaune sont assurés de jouer les 8e finale des play-off de Fédérale 1.
- Et pourtant l’Union Drancy Saint-Denis n'a que deux ans !
- Une saison de haute volée, que l’encadrement et les joueurs expliquent par une vraie cohésion de groupe.
« Allez les gars, il faut que ce soit plus net ! » La voix de Bastien Darrieumerlou résonne dans le petit stade de Guy-Môquet de Drancy. Ce soir-là, devant la tribune à la curieuse forme incurvée, l’Union Drancy Saint-Denis répète les lancements de jeu, pas encore assez fluides au goût du coach des arrières.
On mettra cette exigence sur le compte de son perfectionnisme, car les courses ont plutôt l’air tranchantes et les impacts, musclés. Vu du bord du terrain, cette équipe a davantage dans le ventre que la 5e division nationale (Fédérale 1).

Florent Pernet à l’entraînement.
Et effectivement, tous les voyants ou presque sont au vert. A deux jours de la fin de la saison régulière, l’Union Drancy Saint-Denis est leader de sa poule de Fédérale 1.
Mieux, en battant Issoire 28 à 9 samedi 22 mars en Seine-saint-Denis, ils ont mis fin à une série d’invincibilité des Auvergnats en 2025 et se sont qualifiés pour les 8e de finale des play-offs.
Le secret de cette équipe, meilleure marqueuse d’essais de sa poule cette année ? « L’expérience de l’année passée », lâche Demba Kane, son capitaine. Née d’une fusion entre deux gros clubs de Seine-Saint-Denis, le Saint-Denis Rugby 93 et le Rugby Drancy, l’Union, après une première année en dents de scie, a trouvé la bonne carburation. « Après une première année où on était sans doute trop nombreux, le groupe s’est resserré et tire dans le même sens », développe Kane, élégant demi de mêlée qui a débuté le rugby à l’ASPTT Pantin.
Dix joueurs de Seine-Saint-Denis
Alexis Teytaut, entraîneur des avants, voit lui une autre raison : « C’est un groupe qui tire sa force de sa diversité. Joueurs franciliens dont une dizaine de Seine-Saint-Denis, recrues étrangères, profs de sport montés du Sud, il y a de tout chez nous, c’est le 93 quoi. Mais entre tous ces joueurs, l’esprit du jeu est un langage commun. Ce qui nous anime, c’est un rugby offensif ».
Et les Ciel et jaune joignent le geste à la parole puisque personne ne fait mieux que leurs 7 bonus offensifs dont un bon nombre acquis à l’extérieur. En mêlée aussi, c’est du costaud, avec grosso modo la première ligne de l’équipe du Sénégal, entraînée par un spécialiste de la mêlée, Guillaume Leleu, coach à Suresnes et intervenant ponctuel à l’Union.
Multiethnique et jovial, le collectif fait penser à celui des Louves de Bobigny, qui évoluent elles encore plus haut, en Elite. « C’est un groupe de potes, ultra motivé par le rugby et aussi très attaché au territoire du 93 », souligne Lilian Djomboue, talonneur qui, avec un vécu à Aurillac en Pro D2, pourrait prétendre à jouer plus haut. « Mais quand on m’a proposé ce projet, j’ai dit oui, parce que c’est la maison quoi… », complète celui qui a grandi à Noisy-le-Sec et est actuellement surveillant dans un collège de Drancy.
Aucun joueur pro
Car oui, aucun des joueurs n’est professionnel, tous travaillent à côté : le capitaine Demba Kane est gestionnaire à l’hôpital Delafontaine, Corentin Leboulanger, 2e ligne, est instituteur à Drancy, Florent Pernet, centre, coache l’équipe universitaire de Paris 13-Bobigny… « D’où seulement trois entraînements par semaine parce qu’on veut que toute l’équipe fonctionne sur le même rythme et éviter de former un groupe de pros et de non-pros. Ça, ça ne marche pas», explique le longiligne Vincent Gassie. Pas de professionnalisme donc dans les faits, mais de la minutie et du goût du travail bien fait, comme en témoigne aussi l’engagement des bénévoles, Stéphanie Castagna et Jeff Demery, qui ne quittent pas l’entraînement des yeux.

De g. à d: Guillaume Leleu, intervenant mêlée, Bastien Darrieumerlou, entraîneur des arrières, Alexis Teytaut, entraîneur des avants et Vincent Gassie, manager, forment l’encadrement de l’équipe première de l’Union.
Le rêve de tous ces encadrants, bien souvent profs de sport en plus de leur activité en club ? Faire venir un maximum de jeunes au rugby, et ainsi développer un potentiel en Seine-Saint-Denis qui pourrait être fort, s’il n’y avait l’omniprésence du foot. « C’est sûr qu’ici, ce n’est pas comme dans le sud où tout le monde vient par réflexe au rugby. Mais sans doute qu’avec un beau parcours de l’équipe fanion comme on l’a cette année, combiné aux brillants résultats de l’équipe de France, on pourrait faire venir encore plus de monde en école de rugby », espère Bastien Darrieumerlou.
L’entente, avec 538 licenciés au total, toutes catégories confondues, se porte en tout cas déjà pas trop mal. Et samedi, quand les jeunes curieux verront Matthew Ford, le maître à jouer de l’Union, orienter le jeu comme un Antoine Dupont de Seine-Saint-Denis, peut-être certains décideront-ils de rejoindre l’aventure…
Christophe Lehousse
Photos: ©Sylvain Hitau