Cédric Nankin, la force du collectif

Cédric Nankin, la force du collectif
Rugby-fauteuil
  • Devenu triple champion d’Europe le dimanche 27 avril en rugby-fauteuil, le natif de Saint-Denis prend sa discipline comme une manière de se connecter aux autres.
  • Celui qui travaille aussi à Saint-Denis au siège de la SNCF apprécie la médiatisation plus forte de son sport depuis les Jeux de Paris 2024...
  • Tout en estimant qu’il reste encore beaucoup de travail sur les transports en commun pour les personnes en situation de handicap, gros point noir selon lui.

« De la confiance en moi, j’en ai toujours eu. Si le rugby-fauteuil m’a apporté quelque chose, c’est plutôt un lien avec les autres, de nouveaux amis. » Si l’expression force tranquille avait un visage, elle aurait sans nul doute celui de Cédric Nankin. De sa voix calme, le co-capitaine de l’équipe de France de rugby-fauteuil répond de bonne grâce à nos questions, deux jours après que les Bleus soient allés chercher un 3e titre européen consécutif.

Après Paris 2022, Cardiff 2023, voici donc La Haye 2025, un triplé inégalé à ce jour. « Evidemment, ça aide à rebondir après la déception des Jeux de 2024 (conclus à la 5e place), mais j’ai le sentiment qu’on avait déjà tous plus ou moins tourné la page ».

Pour Cédric Nankin, né à Saint-Denis et qui y travaille encore en tant qu’« assistant animateur réseaux » au siège de la SNCF – comprendre accompagnateur d’événements ou conseil à la mobilité interne – les Jeux de Paris 2024 réveillent surtout de beaux souvenirs de « salles combles et d’ambiance incroyable ». Et lui qui avait encore il y a peu des réserves sur le fameux « héritage » les a levées en voyant le suivi médiatique déclenché par leur dernier titre européen, « beaucoup plus fort que pour les deux précédents. »

Cédric Nankin face à l’Australie lors de Jeux Paralympiques 2024 à l’Arena Champ de Mars.

L’impact des Jeux sur la ville de Saint-Denis – avec « la transformation du village olympique et paralympique en quartier d’habitation plutôt sympa » – est selon lui aussi à mettre au crédit de l’événement. « Bon après, l’accessibilité de certains lieux, c’est toujours pas ça. J’ai des coéquipiers en équipe de France qui me racontent leurs galères en transports en commun », développe le co-capitaine des Bleus, qui préfère de loin sa voiture personnelle.

Le rugby-fauteuil, sport spectaculaire et très physique, le joueur de 40 ans y est venu sur le tard mais comme une évidence. « J’avais 26 ans, je l’ai découvert par l’entremise de Ryadh Sallem, (ancien international lui aussi) que l’on m’avait présenté au départ parce que je cherchais du boulot. Il créait alors le club parisien du CAPSAAA et m’a dit : « ça te dirait de faire un sport où on rentre dans d’autres personnes et où on est applaudi pour ça ? J’ai immédiatement adoré », se souvient-il.

Un seul club de rugby-fauteuil en Ile-de-France

Il faut dire que, né sans bras et sans jambes, Cédric Nankin est habitué à contourner les obstacles ou à les faire vaciller. Ce n’est évidemment pas le premier sport qu’il pratique – il a fait du basket-fauteuil ou du vélo à bras en centre de rééducation – mais aucun ne lui convient comme celui-ci. « J’y ai côtoyé un autre milieu, trouvé des amis et ça m’a fait voyager comme jamais auparavant ». Chaque fois qu’il le peut, celui a qui été élu meilleur défenseur du monde en 2023 souligne l’aspect collectif de ce sport où, comme chez son cousin le rugby, on n’est rien sans les autres.

Dans ses actions, on le voit toujours lucide, vigilant sur le placement, intraitable mais calme. Dans sa vie aussi, peu d’événements l’ont désarçonné. Peut-être cet épisode où, après des premières années de vie normale à La Courneuve, l’école d’Etampes où sa famille avait déménagé avait refusé de continuer à le scolariser. « Ma mère a alors dû trouver une solution en centre de rééducation à Saint-Maurice, où j’étais suivi pour mes appareillages. Heureusement, ça s’est débloqué quand j’ai pu retourner à l’école classique : j’avais à nouveau les mêmes vacances que mes frères et soeurs », raconte celui qui plaide pour une scolarisation inclusive des enfants handicapés, « autant que faire se peut ».

Cédric Nankin au Parc des Jeux de La Courneuve en compagnie, notamment, de l’international Ryadh Sallem, du président de la Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel et de Marie-Amélie Le Fur, présidente du CNPSF.

Bien sûr, cette inclusion et le développement du handisport ne vont pas assez vite à son goût. « Il y a encore trop peu de clubs qui proposent du rugby fauteuil », regrette l’international. « Mais j’incite quand même les jeunes à venir essayer. On arrive toujours à trouver des solutions, même quand ce n’est pas la porte à côté », souligne-t-il en prenant l’exemple de son club, le CAPSAAA, qui propose par exemple des prêts de fauteuils aux jeunes gens intéressés, en attendant l’achat d’un fauteuil de compétition, souvent très cher (de 3500 à 7000 euros).

Et de se féliciter aussi que l’équipe de France ait tout récemment accueilli sa première internationale, Aurianne Devallière, elle aussi sacrée championne d’Europe à La Haye. « C’est une très bonne nouvelle. Tout le monde a sa place dans ce jeu. La plupart des équipes du top mondial ont d’ailleurs une ou plusieurs femmes dans leur effectif. », précise-t-il. Ensemble, avec Aurianne, mais aussi Sébastien Verdin, Jonathan Hivernat, et tous les autres, Cédric espère maintenant aller décrocher le titre de champions du monde au Brésil en 2026 et pourquoi pas le titre olympique à Los Angeles en 2028. Calmement, mais très sûrement.

Christophe Lehousse

Photos: @EventWorld Tour/World Wheelchair Rugby

©Lionel Hahn/CNOSF et ©Nicolas Moulard

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