Aurélien Diesse, champion olympique blessé

- Sa médaille d’or olympique, il l’a remportée avec l’équipe de France mixte de judo.
- Mais Aurélien Diesse, l’enfant de Bondy licencié au Blanc-Mesnil, a tout de même un goût amer lorsqu’il pense à Paris 2024.
- Une sévère blessure l’a empêché de vivre pleinement son rêve.
La première fois qu’Aurélien Diesse m’a parlé des JO de Paris 2024, c’était en 2017, lors de la fête organisée par le Département à la Cité du cinéma pour célébrer l’obtention des Jeux. Il avait alors tout juste 20 ans, un titre de champion d’Europe junior, des rêves plein la tête et la ferme intention de tout faire pour vivre pleinement l’aventure olympique. Et il en avait les moyens ! Un flamboyant judo d’attaque, n’hésitant pas à terminer ses combats au sol, une grosse capacité de travail doublée de rigueur à l’entraînement, Aurélien avait de sérieux atouts pour briller. Soutenu par le dispositif départemental Génération Jeux, il s’est imposé deux fois en championnat de France -90 kg, une fois en – de 100 kg et a montré à plusieurs reprises lors de grands tournois qu’il était capable de battre les meilleurs. Comme au Grand Slam de Tokyo où il a battu le Canadien Kyle Reyes, vice-champion du monde en titre, ou à Bakou lorsqu’il a remporté le bronze en éliminant deux doubles champions du monde, Nikoloz Sherazadishvili et Jorge Fonseca. Malgré ces coups d’éclat, Diesse n’avait jamais remporté de titre lors des championnats mondiaux ou européens. La faute à de trop nombreuses blessures : ligaments croisés, 4 opérations de l’épaule, problèmes au coude… Un doigt blessé avait même contrarié sa préparation pour le rendez-vous olympique et l’avait privé de disputer les Europe en avril et les Mondiaux en mai. Il y a gagné un surnom : le soldat aux 1000 et une blessures !
Déterminé pour Paris 2024
Mais au moment des Jeux, chez lui à Paris, devant les siens, Aurélien est prêt ! Moi aussi, qui avais de longue date acheté ma place pour l’encourager, tout comme les 8 000 spectateur·rices de l’Arena du Champs de Mars. Dans les tribunes, un bruit court : Aurélien Diesse se serait luxé un doigt à l’échauffement. Aïe. Mais les judokas ont l’habitude de ce genre de blessures : on remet le doigt en place, on strappe, et on serre les dents. Ça peut le faire !
Et effectivement, ça marche ! Dans une Arena en fusion qui scande « Aurélien ! Aurélien ! », il se débarrasse en 30 secondes du Tadjik Madzhidov. Ippon ! Le deuxième tour s’annonce plus compliqué avec en face de lui l’Israélien Peter Palchik. Constamment à l’attaque, Aurélien mène deux shidos (pénalité) à zéro. Encore un et Palchik sera disqualifié ! Mais Aurélien baisse de rythme, le combat va au golden score, tandis que le champion de Seine-Saint-Denis met de plus en plus de temps à se relever après chaque intervention de l’arbitre. Et Aurélien reçoit à son tour deux pénalités… Dans les tribunes, c’est l’incompréhension. Pourquoi met-il autant de temps à se relever ? Les encouragements ne faiblissent pas, l’ambiance est assourdissante. Mais rien n’y fait, Aurélien reçoit son 3e shido. Il est éliminé.
Ce qu’il s’est vraiment passé
Il y a quelques jours, nous avons joint Aurélien Diesse. Il nous a raconté ses Jeux. « A 10 minutes de rentrer dans la chambre d’appel, je me suis blessé à l’annulaire gauche. Mais ce n’était pas une simple luxation. En fait, j’avais complètement détruit la structure de mon annulaire gauche : arrachement complet du tendon extenseur, arrachement complet du ligament collatéral ulnaire, arrachement osseux, désinsertion de la plaque palmaire, atteinte de la capsule… » Et cela sur l’annulaire gauche, le doigt de force qui doit saisir la manche de l’adversaire, élément clé du kumikata. Disputer des Jeux olympiques, affronter les meilleurs avec ce type de blessure, c’était surhumain ! « Le premier combat s’est bien déroulé et j’ai pu marquer ippon rapidement. Mais en 30 secondes de combat, j’ai dû me remettre 3 fois le doigt qui s’était à nouveau luxé. » Mais le tour suivant, contre Palchik, le combat a duré beaucoup plus longtemps, les quatre minutes du temps réglementaire, plus cinq minutes de golden score… « Au début, je parvenais à être actif malgré la douleur, mon adversaire subissait et c’est lui qui prenait les pénalités pour non-combativité. Mon doigt se luxait, mais je parvenais à le remettre. Mais plus ça allait, plus c’était difficile, moins j’arrivais à réduire les luxations. Normal, j’ai subi une bonne vingtaine de luxations dans ce combat ! A force, tous les muscles de la main étaient tétanisés, j’essayais de remettre au mieux mon doigt et mettais plus de temps à me relever… » Et le vaillant soldat Diesse fut finalement vaincu par une nouvelle blessure…
« La déception était immense. Des années d’efforts, et voilà… Mais il fallait encore rester au bord du tatami pour répondre à la télévision. Je tiens à remercier tout le public, il a été génial. Même après ma défaite, ils criaient « Aurélien ! Aurélien ! » et ont même entamé une Marseillaise. Ça m’a vraiment touché… »
Repartir au combat en équipe
Après son élimination en individuel, tout le staff médical lui conseille de se faire opérer au plus vite. « Ils m’ont dit que plus j’attendrais, plus cela retarderait ma guérison. Mais il y avait encore les équipes mixtes… » Aurélien prend alors une décision aussi déraisonnable qu’admirable : repousser son opération et rester à disposition, au service de l’équipe de France. « Je suis en moins de 100 kg, s’il arrivait quelque chose à Teddy Riner, je pourrais monter sur le tapis même à moitié blessé. Cette équipe de France est tellement belle, on était chez nous, c’était nos Jeux. J’avais promis de donner corps et âme pour remporter la médaille d’or à ces Jeux. Tant pis si cela repoussait ma reprise. » Aurélien a conseillé Teddy Riner au moment d’affronter l’Italien Pirelli. « C’est un judoka assez piégeur qui joue bien du règlement. Je l’avais battu chez lui en Italie. Alors j’ai donné les consignes à Teddy, super attentif. Au moment où je lui parlais, je me suis rendu compte que c’était moi, Aurélien, avec mon humble palmarès, qui coachait le meilleur judoka de l’histoire, pour une médaille aux J.O… »
La France a remporté la médaille d’or du judo par équipe mixte, un moment historique, magnifique ! Aurélien n’a finalement pas eu à monter sur le tapis, mais il a lui aussi de l’or autour du cou, qu’il peut porter la tête haute. Le héros Teddy Riner le lui a dit : « Cette médaille sois en fier, tu l’as méritée ! »

Cet été, Aurélien Diesse est venu au Parc des Jeux partager la joie de sa médaille avec les habitant·es de Seine-Saint-Denis.
Et maintenant Aurélien ?
« J’ai subi ma deuxième opération, mais je n’ai toujours pas repris le judo, ça n’est pas encore possible. Je travaille simplement en technique, léger, prudemment. Sinon je suis en prise de masse. A 96 kg j’étais un peu léger dans ma catégorie des moins de 100. J’ai validé mon master ingénierie et ergonomie de l’activité physique, j’ai d’ailleurs effectué un stage chez Renault dans le service qui travaille sur la voiture autonome. Intéressant ! Et je suis en recherche de mécènes pour me soutenir et me financer. Tout le monde, entreprises et mécènes, est le bienvenu pour me soutenir jusqu’aux prochains Jeux Olympiques de Los Angeles, avec on l’espère, comme cet été, encore des beaux titres à la clé ! »