Connaisssez-vous le pickleball ?

- À la croisée du tennis, du badminton et du tennis de table, le pickleball compte de plus en plus d’adeptes.
- Intergénérationnel, inclusif, peu onéreux et ludique, ce sport venu des États-Unis est entré dans le giron de la Fédération française de tennis en 2024.
- Reportage au Tennis Club Livry-Gargan, qui s’est doté de deux terrains dédiés, une première dans le département.
« Pliez vos jambes, ne cassez pas votre poignet ! » Sous les conseils de Valentin, leur entraîneur, et sous un soleil de fin d’hiver, Angélique et Évelyne alternent échanges de fond de court et volées au filet sur l’un des deux courts flambants neufs – au magnifique revêtement bleu électrique – du Tennis Club de Livry-Gargan. Dit comme ça, rien d’original, à ceci près que les deux dames ne jouent pas au tennis mais au pickleball. Ce qui donne : une aire de jeu de la taille d’un terrain de badminton, des raquettes légères et faciles à manier, et une balle en plastique percée de trous.

Un kit de pickleball se compose d’une raquette souple et d’une balle percée de trous.
Né aux États-Unis il y a 60 ans (lire encadré ci-dessous), cette discipline est un mélange de tennis, de badminton et de ping-pong, voire de padel, autre sport en vogue, même s’il est en réalité assez différent. Comptant quelque 14 millions de pratiquants (occasionnels et réguliers) outre-Atlantique où sa popularité est montée en flèche depuis la crise du Covid, quitte à faire un peu d’ombre à son grand frère, le tennis, le pickleball se lance désormais à la conquête de l’Europe et de la France. Il a notamment essaimé en Seine-Saint-Denis où de plus en plus de clubs sont tombés sous le charme. Signe de son immense intérêt, le TC Tennis de Livry-Gargan vient de se doter de deux terrains réservés exclusivement au pickleball, ce qui constitue une première en la matière dans le département. « Pour le moment, on compte une petite poignée d’adhérents car c’est tout nouveau mais avec deux équipements aussi qualitatifs, le nombre devrait exploser à la rentrée prochaine », prophétise Valentin Bailly, coach au TC Tennis, qui anime une séance de pickleball chaque samedi de 16h30 à 18h. Et le tennisman de poursuivre : « Ce qui est intéressant, c’est que sur les cinq joueurs de mon effectif, quatre sont des femmes, venues du tennis ou complètement novices, et les âges vont de 11 à 67 ans. Une si grande diversité de profils dans un même groupe, c’est rare en sport. »
Futur sport scolaire ?
L’accessibilité du pickleball, intégré depuis janvier 2024 dans les statuts de la Fédération française de tennis, est en effet l’une de ses principales qualités. D’après Valentin, ce jeu s’adresse à toute la famille, des enfants aux grands-parents. Son apprentissage est rapide, ce qui fait qu’on est rapidement en situation de réussite. Le terrain est petit et les articulations, grâce aux déplacements plus courts, sont moins mises à mal qu’au tennis, par exemple. Le matériel, quant à lui, est peu contraignant : les raquettes sont légères et les balles, dépourvues de pression, fusent moins sur le court. Enfin, le double étant la pratique majoritaire, les risques de blessure sont moindres. « Les différences de niveau entre deux joueurs sont moins flagrantes qu’au tennis, affirme l’éducateur. Les balles rebondissent moins haut mais les échanges sont aussi moins violents et on va moins à la faute car le filet est plus bas. Pour les personnes en manque d’activité physique ou qui rencontrent des problèmes de santé, c’est une activité idéale car on peut la pratiquer sans grande intensité tout en prenant du plaisir ». Intergénérationnel, familial et inclusif, ce sport brille aussi par sa son aspect « pratique » et son faible encombrement : sur un court de tennis, capable d’accueillir jusqu’à quatre terrains de pickleball, seize personnes peuvent jouer en simultané.
« Il y a dans notre département un engouement exponentiel de la part des clubs et des adhérents pour le pickleball parce qu’il attire un public très large et parce qu’il est facile et pas cher à mette en place, résume Sophie Préverand de Sonneville, membre de la commission padel/pickleball du comité de tennis de Seine-Saint-Denis. Avec 30 euros, vous avez deux raquettes, 4 balles et le tour est joué. » Le kit complet, qu’on peut facilement acheter sur des boutiques en ligne et dans de plus en plus de magasins de sport, comprend en plus un filet et du ruban adhésif pour le marquage au sol. En clair, alors que le padel se joue sur un terrain entouré de murs et de grilles, on peut jouer au pickleball quasiment n’importe où. Résultat, « le développement que connaît cette discipline en France est bien plus rapide que celui du padel, qui fait pourtant beaucoup parler de lui et qui est bien plus médiatisé », ajoute Sophie Préverand de Sonneville. À l’échelle nationale, entre 2021 et 2024, le nombre de pratiquants du pickleball – environ 2 000 actuellement – a augmenté de 158 % ! Un succès qui n’est pas près de s’arrêter, si l’on en croit le comité départemental de tennis, qui rêve de le voir devenir un jour « sport scolaire », à l’instar du badminton ou du tennis de table.
Parité quasiment atteinte
En Seine-Saint-Denis, outre Livry-Gargan, deux clubs disposent de créneaux dédiés au pickleball (le Club Tennis Rose des Vents d’Aulnay-sous-Bois et le Tennis Club de Vaujours) tandis qu’une dizaine d’autres proposent des animations et des événements ponctuels à leurs adhérents grâce au matériel prêté par le comité départemental. « J’ai eu la chance de tester le pickleball il y a deux ans lors d’un séjour à New-York, j’ai tout de suite accroché et je me suis dit que c’était le sport parfait pour toucher un public plus large, raconte Stéphane Fontane, directeur sportif de la Rose des Vents. Dans la région parisienne, une communauté est en train de se former et celle-ci gagne notre département. Il faut dire que ce sport nécessite tellement peu de matériel… Et on peut jouer partout, en extérieur ou dans un gymnase. » Aulnay-sous-Bois, qui projette de s’équiper de deux courts d’ici quelques mois, compte une vingtaine d’adhérents, dont certains sont venus au « pickle » alors qu’ils n’avaient jamais touché une raquette de tennis de leur vie. De plus, l’une les trois sessions proposées par le club est réservée aux plus de 60 ans, offrant ainsi une solution supplémentaire de sport santé.

Le club de tennis de Livry-Gargan a ouvert deux terrains de pickleball, convaincu que ce sport va prendre son essor.
Le TC Vaujours, qui a organisé un tournoi amical de pickleball le 9 février dernier avec des clubs de toute la région, nourrit également de grandes ambitions à travers ce sport. « Quand les déplacements vont de 0 à 10 mètres sur un court de tennis, ils vont de 0 à 3 mètres sur un court de pickleball, ce qui le rend très accueillant, analyse Ludovic Bertrand, le président du club. S’appuyant sur des chiffres publiés par la Fédération française de tennis, le dirigeant met aussi l’accent sur la parité, quasiment atteinte : « 45 % des joueurs sont des femmes, alors qu’au tennis, elles ne sont que 30 % », précise-t-il.
Sur le court de Livry-Gargan, Évelyne et Angélique poursuivent leurs exercices. « C’est une journée portes ouvertes organisée par le club qui m’a convaincue de m’inscrire à cette activité, confie la première. Pour mes problèmes de lombaires, le tennis n’était plus très indiqué, au pickle, je ne me fais pas mal du tout. » En les regardant jouer, une chose frappe : elles passent leur temps à se fendre la poire. « Le fait que les joueurs soient près les uns des autres créent beaucoup de proximité, c’est le sport convivial par excellence, estime Angélique. On peut communiquer facilement, se dire des choses sympas. » Et faire une activité physique sans s’en rendre compte ou presque, finalement.
Grégoire Remund
Photos: ©Sylvain Hitau
Le pickleball, deux théories pour un drôle de nom
Il existe deux théories sur l’origine du nom « pickleball », un sport qui a vu le jour en 1965, sur l’île de Bainbridge, aux États-Unis, dans la résidence d’été de Joel Pritchard, lieutenant-gouverneur de l’État de Washington. La première vient du « pickle boat », qui désigne un bateau d’aviron composé de rameurs de niveau disparate. La seconde, moins populaire, suggère que le jeu a été nommé d’après le chien de la famille Pritchard, un cocker nommé Pickles qui avait pour habitude de courir après une balle qu’il rapportait ensuite à ses maîtres. Nom de bateau ou nom de chien, une chose est sûre, le « pickle » est en train de se faire un nom dans le paysage sportif.
G.R.