L’Île des Vannes ou l’élégance du béton

L’Île des Vannes ou l’élégance du béton
Mémoire
  • Situé à la pointe sud de l'Île-Saint-Denis, le centre omnisport de l'Île-des-Vannes a rouvert le 28 juin, après 7 ans de travaux de rénovation.
  • Protégé au titre des Monuments historiques, il a servi de site d'entraînement lors des JOP de Paris 2024.
  • Coup d'oeil dans le rétroviseur sur l'histoire de ce bijou architectural cher à la mémoire des Ilo-Dionysien·nes.

Avec sa forme de barque renversée hissée sur la berge, la Grande nef, pièce maîtresse de L’Île des Vannes, captive les promeneur·euses qui longent le quai de Saint-Ouen. Le centre omnisports, qui sera bientôt ouvert aux associations sportives ou culturelles et aux habitant·es, s’intègre parfaitement dans le paysage fluvial du site. Ce bâtiment « plein de promesses » refait à neuf a bénéficié d’importants travaux d’amélioration de l’isolation, l’étanchéité, l’acoustique… financés à 100% par la SOLIDEO.

Un passé glorieux

En 1955, la ville de Saint-Ouen acquiert auprès de la chocolaterie Menier une bande de terre à l’extrême sud de L’Île-Saint-Denis.

Le chantier du centre sportif s’est achevé à l’été 1971. Il a accueilli de grandes compétitions sportives, des réunions politiques, des concerts mythiques…

« La commune était alors engagée dans un programme d’urbanisme et de rénovation du quartier dit du Vieux Saint-Ouen et ce terrain offrait l’opportunité de construire de quoi reloger les occupant·es d’immeubles insalubres voués à la démolition » explique Hélène Caroux, chargée d’inventaire du patrimoine contemporain pour le Département. La commune, dirigée alors par le militant communiste Fernand Lefort, envisage de construire des espaces verts, des immeubles locatifs et des installations sportives.
L’avant-projet de palais omnisports est déposé en 1959 par les architectes Lucien Métrich et Anatole Kopp mais le chantier ne commencera que neuf ans plus tard sur le projet engagé par Anatole Kopp, Pierre Chazanoff et l’ingénieur René Sarger. Largement relayé par la presse comme « le plus grand chantier sportif de France », les travaux de L’Île des Vannes firent l’objet de toutes les attentions de la municipalité qui baptisa ultérieurement la nef du nom de Lucien Belloni, ancien adjoint au maire chargé de la jeunesse et des sports.

« La forme de ce lieu, nécessitant des calculs poussés est une prouesse technique à la limite de l'ouvrage d'art.»

Une construction audacieuse

Inauguré en 1971, le complexe comprend un stade incluant trois bâtiments, une piscine, un stade de plein air, les installations d’un club d’aviron ainsi que celles d’un boulodrome.

Fleuron de l’équipement, la Grande nef a la forme d’une immense halle de 98 mètres de longueur, 51 de largeur et 26 de hauteur, couverte d’une surface paraboloïde de 3 000 m2. Sa toiture souple, évoquant une immense voile, est constituée de tôles très fines en bac acier, soutenues par un maillage de câbles prétendus entre deux immenses arcs en béton. « La forme de ce lieu, qui a nécessité des calculs poussés, est une prouesse technique à la limite de l’ouvrage d’art » déclare Héléna Striffling-Marcu, cheffe de projet de l’agence Chatillon Architectes, chargée de la restauration.

Les matériaux les plus légers et innovants ont été nécessaires pour maintenir la double courbure du plafond surplombant les 4150 places de la salle, en poussant alors les performances du béton à leur maximum. Emblématique des expériences architecturales d’après-guerre, la Grande nef a été inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 2007 et labellisée Architecture contemporaine remarquable.

Des concerts de légende

Connu pour avoir accueilli des compétitions sportives et plusieurs congrès du Parti communiste français (voir photo plus bas), cet espace a également accompagné les grandes heures de la scène musicale française et internationale des années 1970-1980. Carlos Santana, Pink Floyd, Bruce Springsteen, Téléphone, Led Zeppelin, Bon Jovi, Queen, James Brown… ont attiré les foules sous l’impressionnant plafond en damier de la structure. « En 1984, j’ai assisté à un super concert du groupe américain de blues rock ZZ Top » se souvient Georges, 56 ans, qui a grandi à Bobigny. « J’avais adoré leur blues rock texan, le décor avec leur fameuse Ford tunée et tout le public debout à bouger serré dans la fosse… »

Si d’autres événements ont lieu sur place comme le Salon du commerce équitable ou le Festival du jeu dans les années 2010, le complexe sportif, touché par la vétusté, ferme temporairement ses portes en 2014. Il a rouvert le 28 juin en grande pompe, en présence de nombreux·euses officiel·les et d’habitant·es enthousiastes.

Ce bâtiment remarquable, dont la gouvernance est partagée entre L’Île-Saint-Denis, Saint-Ouen et Plaine commune, sera « accessible aux personnes en situation de handicap » selon Jérémy Fromont, chef de projet de la SOLIDEO, qui a suivi le chantier. Au-delà de la programmation sportive, des événements associatifs et culturels devraient s’y dérouler et des travaux d’acoustique sont attendus pour permettre à nouveau au site d’accueillir des concerts. De quoi combler les riverain·es amoureux·euses d’activités physiques, de musique ou d’activités citoyennes.

 

La militante et écrivaine Angela Davis a prononcé un discours sur les bancs de la Grande nef lors du rendez-vous des femmes avec le Parti communiste français en 1975.

Crédit-photo : Archives départementales de la Seine-Saint-Denis et Cyril Badet

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