Aménis Khaldi-Legriel, joueuse sans frontières

Aménis Khaldi-Legriel, joueuse sans frontières
Rugby
  • Joueuse chez les Louves de Bobigny depuis 12 saisons, la jeune femme brille sur comme en dehors des terrains.
  • Toute récente championne de France à 7, cette trois-quarts centre met aussi ses qualités d’analyse au service de l’ONG Médecins Sans Frontières.
  • Pur produit du 93, elle se dit fière de jouer dans une équipe qui est un « mélange et donc un apprentissage constant ».

« Ce qui m’intéresse, c’est diffuser des idées de solidarité, d’engagement. » Cette phrase prononcée par Aménis Khaldi-Legriel marche pour le rugby comme pour son métier : chargée de communication chez Médecins Sans Frontières. A 26 ans, la jeune femme possède déjà un impressionnant parcours sur mais aussi hors des terrains. Toute récente championne de France à 7 avec les Louves de Bobigny, cette trois-quarts centre extrêmement structurée sait lire le jeu aussi bien qu’elle explique les actions de l’ONG en Ukraine ou en Afghanistan.

« Je suis chargée d’exploiter les témoignages de professionnels qui nous arrivent d’un peu partout dans le monde. Je dois réfléchir à la manière de les transformer en matière intelligible pour le grand public », détaille celle qui, avant cela, travaillait pour Solidarités International, une autre ONG venant en aide à des personnes en état de précarité partout dans le monde.

Presque tout son cursus universitaire dans le 93

Ce sont des études poussées – licence d’info-communication à Paris-8 puis Master en communication des organisations à Paris-13, prouvant au passage la qualité de la formation en Seine-Saint-Denis– qui l’ont menée jusque-là. « Depuis toute petite, j’ai toujours accordé la priorité aux études et fait de mon mieux pour le rugby. Je suis parfaitement consciente de mon niveau sur un terrain : par exemple, je ne pense pas avoir le niveau pour l’équipe de France. Par contre, je veux exploiter tout mon potentiel pour n’avoir aucun regret après ma carrière. »

Modeste, elle l’est aussi à l’heure de juger son statut au sein de l’équipe. « Je ne suscite pas spécialement plus la curiosité par rapport à mon métier que d’autres. Dans l’équipe, on a de tout : des profs, des éducatrices de jeunes enfants. Mon métier est juste un parmi d’autres ! »

Cette « Fameute » comme s’est baptisée l’équipe première des Louves de Bobigny il y a des années, c’est ce qui la rend fière. « Pour moi, ici, c’est un mélange. Il y a des filles nées dans le 93, des filles qui sont venues travailler ici, des filles qui viennent d’autres pays– c’est un mix et un apprentissage constants », remarque celle qui est née « à feu la maternité des Lilas » d’un père franco-marocain et d’une maman française.

A l’heure où certains esprits chagrins voudraient forcer les « bi-nationaux » à choisir leur camp, cette cartésienne se sent à l’aise dans sa République universelle de Seine-Saint-Denis. « Début novembre, j’ai appris que le Maroc avait monté une équipe à 15. Avec Dounia Salhi, une autre joueuse de Bobigny, on a été contactées pour éventuellement les rejoindre. Il y a eu une première rencontre, en attendant plus », explique cette citoyenne du monde.

L’Ovalie, Aménis Khaldi est tombée dedans comme beaucoup de joueuses de son âge et de ce territoire : via l’école. « C’est une prof d’EPS, Lætitia Ludwikowska, une joueuse de Bobigny, qui m’a proposé d’en faire parce qu’elle trouvait que j’avais des qualités. Mais elle m’a d’abord orientée vers une association, Drop de Béton, qui mettait vraiment l’accent sur le ludique », se souvient la future numéro 13.

Passée par le pôle régional de Brétigny

Ce qu’elle aime dans le rugby ? « C’est un sport archi-complet : on peut courir, plaquer, passer, il y a des aspects physiques, tactiques, mentaux, ça regroupe un peu tout… C’est ce qui est bien, et en même c’est aussi ce qui est un peu lourd : rien n’est jamais parfait », formule cette perfectionniste en diable. Douée pour l’analyse sur comme à côté du terrain, Aménis progresse vite : à 14 ans, elle intègre le pôle régional de Brétigny avec un an d’avance. « C’était très mixte, de supers années, se remémore-t-elle. A l’internat, les gens venaient du monde du rugby, du judo, du foot… C’est là que j’ai connu les William Iraguha, Ibrahim Diallo, les Nassira Kondé, Taonie Zobel, Gabriela Tanga, Julie Coudert, dont certaines jouent encore avec moi »

C’est notamment avec ces 3 dernières qu’Aménis aura donc remporté en février dernier le Supersevens, nouveau format de championnat de rugby à 7, dans une U-Arena de La Défense garnie de 12 000 personnes.

« C’était génial. Ca criait, ça dansait dans tous les sens. Au début de la compétition, certaines personnes ne savaient pas placer Bobigny sur une carte, et là, on bat Romagnat en finale… Et puis, vivre ça avec des filles avec qui on galère depuis des années, c’est marquant : on connaît nos quotidiens, on sait que c’est difficile. C’était émouvant parce que là, on s’est payées !»

Pas question pour Aménis toutefois de se reposer sur ses lauriers : « cette année, il faut qu’on soit plus justes au niveau de ce qu’on propose à 15 et à la hauteur de notre titre à 7 », dit-elle avec un regard acéré. Sachant que professionnellement, elle a aussi prévu d’aller en novembre à Nairobi au Kenya pour une conférence commune aux ONG humanitaires sur les méthodes de communication… Heureusement qu’Aménis est organisée…

Christophe Lehousse

Photos: ©Eric Garault

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