90 filles la jouent comme Zaadi

90 filles la jouent comme Zaadi
Inclusion par le sport
  • L’association Hand’Joy, soutenue par le Département, a réuni 90 collégiennes le 7 juin pour une journée complète de handball, sous le marrainage bienveillant de Grâce Zaadi.
  • La championne olympique en titre, qui a grandi et débuté le handball à Villepinte, avait pour elles un message : « ne vous interdisez rien ! »
  • L'association Hand'Joy, fondée par la gardienne du Noisy-le-Grand handball Amina Tounkara, veut renforcer l'inclusion sociale des jeunes filles des quartiers populaires.

« Impressionnée ». Hadama, 14 ans et en section sportive handball au collège Victor-Hugo d’Aulnay, avait les yeux qui brillaient mercredi au gymnase Alice-Milliat de Romainville. Elle et 89 autres collégiennes de Seine-Saint-Denis avaient devant elles Grâce Zaadi Deuna, championne olympique, championne du monde et d’Europe de handball.

L’une des stars de l’équipe de France n’a pas hésité à répondre à l’appel de l’association Hand’Joy et son programme « Championnes », qui s’appuie sur le sport pour renforcer la confiance et élargir l’horizon des jeunes filles des quartiers populaires. « Je me retrouve en ces jeunes filles. Elles sont ce que j’ai été et que je suis encore quelque part. », soulignait la demi-centre des Bleues qui a débuté le hand à 10 ans au Real Villepinte Vert-Galant (voir interview ci-dessous).

Au milieu des cris et des matches de hand (du 4 contre 4), la handballeuse, qui prépare cette année les Mondiaux en Scandinavie avant le grand rendez-vous de Paris 2024, a distribué quelques conseils bien sentis à ces 90 jeunes filles, déjà toutes inscrites en AS handball dans leurs collèges respectifs de Noisy-le-Grand, Aulnay, Montfermeil et Romainville.

« Ne vous interdisez rien. Vous êtes capables de tout. », leur a martelé Grâce Zaadi tout en les invitant à ne pas se concentrer que sur le hand mais à se laisser plusieurs options ouvertes. Des conseils qui ont par exemple trouvé chez Safiatou une oreille attentive. Cette jeune 4e, inscrite au Aulnay Handball, qui veut devenir handballeuse professionnelle, tient avec Grâce Zaadi « la preuve vivante que c’est possible ».

« On vise surtout l’épanouissement de ces jeunes filles, que ce soit par le sport, la culture, l’art, l’entrepreunariat… Il se trouve qu’on passe par le sport parce que c’est souvent une bonne porte d’entrée dans les quartiers populaires »
Amina Tounkara Gardienne du Noisy-le-Grand Handball et fondatrice de l'association Hand'Joy
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Gardienne en 2e division au Noisy-le-Grand handball, Amina Tounkara n’oublie pas d’où elle vient. A seulement 24 ans, cette jeune femme originaire d’Aulnay a créé une association, Hand’Joy, pour inciter les jeunes filles à ne pas céder aux injonctions sociales[...]

Mais le but premier de l’association Hand’Joy, fondée par la gardienne du Noisy-le-Grand Amina Tounkara, n’est pas de former des joueuses de haut niveau : « on vise surtout l’épanouissement de ces jeunes filles, que ce soit par le sport, la culture, l’art, l’entrepreunariat… Il se trouve qu’on passe par le sport parce que c’est souvent une bonne porte d’entrée dans les quartiers populaires », explique cette jeune femme déterminée de 24 ans, dont l’association est soutenue par le Département via le dispositif Impact 2024.

« Dans notre démarche, le sport est un tremplin, complète Djeneba Tandjan, autre membre de Hand’Joy. On veut montrer à ces jeunes filles comment se servir du sport pour évoluer dans leur vie de jeunes femmes. Personnellement, le sport m’a aidée à mieux me connaître et à découvrir plein d’autres choses », argumente cette ancienne handballeuse professionnelle, passée par Metz ou Toulon, qui prépare aujourd’hui sa reconversion comme naturopathe.

Après ce premier événement d’ampleur et le marrainage de Grâce Zaadi, Hand’Joy veut maintenant mettre les bouchées doubles : « on veut pérenniser cette action et organiser d’autres rendez-vous », soufflait Amina Tounkara. Alice Milliat, pionnière en matière de sport féminin et grande militante des droits des femmes, aurait en tout cas été fière de cette première.

Christophe Lehousse

Photos: ©Hand’Joy et Jean-Louis Bellurget

Grâce Zaadi Deuna : «Grandir en Seine-Saint-Denis, ça vous forge »

La championne olympique en titre a fait toute sa scolarité en Seine-Saint-Denis et a débuté le hand au Real Villepinte Vert-Galant. C’est donc tout naturellement qu’elle a accepté de devenir marraine de l’association Hand’Joy, fondée par la gardienne du Noisy-le-Grand Handball Amina Tounkara.

Pourquoi avez-vous accepté de devenir marraine de Hand’Joy ?

Parce que le projet d’Amina me parle énormément. C’est tout ce que j’ai envie de faire avancer par le sport. Je me retrouve dans ces jeunes filles. Elles sont ce que j’ai été et que je suis encore quelque part.

Pourquoi avoir axé le projet sur des jeunes filles des quartiers populaires ?

Parce qu’il continue d’y avoir des freins les concernant. On a longtemps été stigmatisées en tant qu’ados de banlieue et même en tant que femme, on te met aussi des barrières, pas seulement dans le sport, mais dans plein de domaines sociétaux. Le but de Hand’Joy et du programme Championnes que je soutiens, c’est justement de leur dire : « ne vous interdisez rien, soyez curieuses et ayez confiance en vous ».

Vous parlez de barrières, parfois mises par l’entourage. Ça a été votre cas ?

Pas du tout. J’ai la chance d’avoir toujours été soutenue dans mes envies par mes proches. Mais j’ai vu des filles à qui on a interdit de faire du sport. Je me souviens par exemple d’une fille à Villepinte qui faisait du hand dans l’AS du collège. Comme elle était bonne, on a essayé de la faire venir en club, mais son entourage ne l’a pas laissée. Tant que c’était dans le cadre de l’école, on va dire que sa famille acceptait sa pratique du hand, mais pas davantage. Le message derrière, c’était un peu : « le sport, c’est pas pour les femmes. »

Pour vous, qui avez commencé à jouer au hand à Villepinte, soutenir Hand’Joy, c’est une manière de rendre à la Seine-Saint-Denis ce qu’elle vous a donné ?

Oui et non. C’est juste naturel en fait… Je me suis toujours considérée comme un pur produit du 93. Je suis arrivée à Villepinte à 6 ans, j’y ai fait toute ma scolarité, ma mère vit encore en Seine-Saint-Denis. Je suis fière d’être du 93, c’est quelque chose qui est en moi, dans mes veines. Alors, si je peux aider à mon tour, c’est avec plaisir.

Ça veut dire quoi pour vous, « pur produit du 93 »?

En fait je me suis rendue compte à quel point le 93 était une richesse quand je l’ai quitté, d’abord pour mon sport-études puis pour le centre de formation de Metz. Une richesse d’abord en termes de mixité : j’ai grandi avec des gens de toutes origines, française, arabe, africaine, antillaise, indienne… Je pensais que la France, c’était comme ça de manière générale ! En termes de solidarité, ça amène à développer de vraies valeurs. Et en termes de mentalité, venir du 93 à mon époque, ça vous forgeait aussi. Tu devais te battre face à cette fausse image que les gens te collaient. Ajoutez à ça le fait que je suis Noire, c’est sûr qu’on a eu à se battre toute notre vie. Du coup, pour moi, ce n’est pas un hasard si autant de sportifs français de haut niveau sont originaires du 93 ou de banlieue en général : ça vous forge une mentalité de battant.

Déjà sacrée championne olympique à Tokyo, vous voulez maintenant faire le doublé devant vos proches à Paris. Craignez-vous la Norvège, qui vous a battu en finale lors du dernier championnat du monde ?

Non, on ne craint personne. Mais à l’inverse, il n’y a pas non plus de revanche à prendre, ce serait à mon avis une erreur de prendre les choses ainsi. On est championnes olympiques en titre et la mission c’est plutôt garder la coupe à la maison.

Propos recueillis par CL

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