Une boutique solidaire pour équiper les plus fragiles

« J’ai connu une spirale infernale il y a deux ans à la mort de mes parents et j’ai tout perdu en même temps : ma copine, mon travail, mon statut social, mon appartement…», confesse Willy*, ancien chauffeur VIP. En pleine période de Covid, la dégringolade sociale conduit le quadragénaire à dormir dans sa voiture ou dans des tentes de fortune en région parisienne.

Après plusieurs mois de galère, il trouve refuge dans le centre d’hébergement et de réinsertion sociale de Coubron. « Une assistante sociale m’a aidé à constituer un dossier pour obtenir un logement social à Livry-Gargan. La réponse a été très rapide et quelques mois plus tard, je m’installais dans mon studio avec le sentiment extraordinaire de revivre et de retrouver une dignité ».

Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, le Livryen a déposé auprès du Service social départemental de son secteur une demande de Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL) et a pu bénéficier d’un financement du Département pour s’équiper à petit prix par le biais du dispositif Électro Presto.

Construire un foyer après avoir trouvé un toit

« Les traitements de ces dossiers sont réduits de 1 à 3 mois afin de sécuriser les usager·ère·s dont les faibles revenus permettent à peine de survivre », explique Djazia Touahria, assistante de gestion chargée des relations entre le Bureau départemental Logement insertion et le BSE – Emmaüs Défi. « Les montants attribués, qui peuvent parfois prendre la forme de prêts, transitent par la CAF et peuvent varier en fonction des ressources du ménage et de sa situation actuelle ». Willy* s’est ainsi vu remettre un courrier de la collectivité lui permettant de dépenser un montant de 1 100 euros issu du FSL  dans les boutiques de la Banque Solidaire de l’Équipement (BSE).

Le quadragénaire s’est déplacé plusieurs fois dans les appartements-témoins de l’antenne albertivillarienne de la BSE pour acheter des casseroles, des assiettes, une étagère, des armoires, l’équivalent d’un canapé-lit, de la décoration… Malgré un souci avec la CAF, il a commandé sur catalogue des appareils d’électro-ménager : un frigidaire, un four et un four micro-ondes sur présentation d’un bordereau du dispositif Électro Presto.

« Les équipements de maison, souvent issus d’invendus de magasins, sont ici dix fois moins chers que dans les grandes surfaces. Dans le cas de l’électro-ménager, la réduction est en moyenne de 20% par rapport au marché », se félicite Léa Larcher, chargée de mission partenariats de la BSE.

Les équipements de maison proposés par la BSE sont installés dans des appartements-témoins afin d’aider les usager·ère·s à se projeter dans leur propre logement.

Des partenariats avec Darty, Ikéa, la Redoute…

La Banque Solidaire de l’Équipement, dont le siège est à Paris, a installé depuis une dizaine d’années des antennes à Aubervilliers, Lille, Lyon et Toulouse en 2021. Portée par la branche Insertion d’Emmaüs, elle a signé des conventions de partenariat avec l’entreprise Darty mais aussi avec les magasins de meubles Ikéa, Tikamoon, Leroy Merlin, Maisons du monde…

« Les sociétés nous fournissent leurs invendus neufs, les équipements mis en vitrine ou ceux ayant un problème d’usinage par exemple », indique la chargée de mission de la BSE qui rappelle que la loi AGEC votée en 2022 les oblige à revaloriser ces produits dans le cadre de dons, de déstockage ou de seconde main. Pour l’électro-ménager, les usager·ère·s choisissent sur catalogue un maximum de 5 appareils et une subvention versée par le Département couvre le coût de leur livraison au domicile des bénéficiaires.

Le concept est sensiblement le même pour les équipements de maison, à la différence que les 10 salarié·e·s  en insertion de la BSE stockent les articles dans un entrepôt de Rungis puis les acheminent dans les appartements-témoins des antennes locales où ils sont présentés avantageusement par les conseiller·ère·s vendeur·euse·s recevant les usager·ère·s.

« Nous n’exigeons aucun document administratif afin de fluidifier au maximum l’acquisition de biens », explique l’un d’entre eux. Consciente de l’urgence sociale dans laquelle se trouve son public, l’association a ainsi fait le choix d’assurer d’abord ses missions de solidarité puis de régler plus tard et directement avec le Département les questions de remboursement.

Les médiateur·rice·s sont formé·e·s pour conseiller au mieux les bénéficiaires en fonction de leurs besoins ou de leur situation.

Comme Mourad, Stéphane, Carlos… Willy* ne tarit pas d’éloges sur la gentillesse des professionnel·le·s de la Banque Solidaire de l’Équipement et le dispositif Électro Presto qui « ont rendu sa vie bien plus belle ». L’an dernier, près de 200 familles de Seine-Saint-Denis en grande précarité ont profité de ce programme coordonné de manière conjointe pour établir enfin leur « petit chez-soi confortable » et se projeter dans le futur avec sérénité.

*Le prénom a été modifié à la demande de l’intéressé.

Crédit-photo : Jérémy Piot