L’association « À Chacun Son Cocon » développe les ateliers de bricolage solidaires

- Créée au lendemain du premier confinement, en 2020, et lauréate du dispositif Agir In Seine-Saint-Denis l’année suivante, l’association « À Chacun Son Cocon » propose des séances de coaching en décoration d’intérieur gratuites aux locataires du parc social de Seine-Saint-Denis.
- En 2024, elle a étoffé son offre en mettant en place, en pied d’immeuble, des ateliers dédiés à la création/customisation de meubles et à la conception de coussins.
- Nous avons assisté à l’un d’entre eux, à la maison de quartier Floréal – Saussaie – Courtille, à Saint-Denis.
Arrivé les mains dans les poches et sans objectif précis, Suman s’apprête à repartir avec un joli petit meuble confectionné par ses soins : un plateau sur pieds en bois de sapin. Sous le regard expert et bienveillant d’Aurélia, il s’attaque aux finitions. Après avoir méticuleusement poncé l’objet, il le gratte dans les moindres recoins avec du papier abrasif pour rendre la surface lisse et douce. Cet employé de restaurant, qui n’avait jamais touché de scie sauteuse et de perceuse de sa vie, vient de participer à l’atelier « création de meubles » mis en place par l’association « À Chacun Son Cocon », via son armée de bénévoles, à la maison de quartier Floréal – Saussaie – Courtille, à Saint-Denis, le 8 avril. Objectif de l’initiative : sensibiliser les habitants aux pratiques du réemploi et à la consommation responsable et prouver que l’art du bricolage est à la portée de toutes et tous. Le tout, avec la volonté sous-jacente de « renforcer l’estime de soi et de favoriser les échanges entre habitants », précise Assetou Coulibaly, fondatrice de l’association « À Chacun Son Cocon ».
Quelques mètres plus loin, Salima tente de donner une seconde vie à une commode. « Une ponceuse électrique, c’est impressionnant au départ mais quand on comprend comment ça fonctionne, ça s’apprivoise assez rapidement », explique cette dame, qui a eu vent de l’opération via la maison de quartier. À ses côtés, Caroline, décoratrice-scénographe pour le cinéma et la télévision quand elle n’est pas bénévole pour l’association, lui montre les bons gestes. « Je suis là pour transmettre mes acquis et me rendre utile, explique la jeune femme. Pour les relations humaines également, qui sont toujours riches et précieuses dans ces instants de partage. J’ai grandi dans un HLM, je sais combien il est fondamental de rendre son chez soi agréable et de favoriser le vivre-ensemble avec tous ceux qui nous entourent. » Salima apprend vite. Dans ses mains, les outils défilent. « À la maison, j’ai toujours regardé mon mari faire, désormais nous serons deux à savoir fabriquer une étagère. »
« L’entraide et la collaboration peuvent déplacer des montagnes »
Des ateliers comme celui-ci, Assetou en organise en moyenne un tous les mois. Sur tout le territoire de la Seine-Saint-Denis mais aussi, depuis peu, à Paris et dans le Val-d’Oise. Ses partenaires sont des bailleurs sociaux (Immobilière 3F, la RIVP, ICF Habitat…), des collectivités (la Ville de Villepinte, principalement) et des fondations de grands groupes mutualistes tels que AG2R la Mondiale et la Macif. « L’aide financière apportée par ces acteurs a permis de développer l’association, d’investir dans du matériel et de recruter du personnel. Aujourd’hui, nous sommes quatre salariés », rapporte la Clichoise, dont les bureaux sont situés à la pépinière d’entreprises Atrium, à Montreuil.
Avant de proposer des ateliers thématiques en pied d’immeuble ou dans les centres sociaux, la mission première de l’association, créée il y a cinq ans, au lendemain du premier confinement, reste les séances de coaching gratuit en décoration d’intérieur. Ainsi, Assetou et sa « team » s’invitent-ils chez les gens pour « transformer leurs intérieurs en espaces de vie chaleureux, confortables et fonctionnels, les habitants issus des quartiers prioritaires devenant les architectes de leur propre cadre de vie, détaille Assetou. Le projet ne repose pas uniquement sur des critères esthétiques et matériels, mais consiste à réduire la charge mentale des bénéficiaires, à leur montrer qu’ils ont en eux les ressources nécessaires pour surmonter leurs limites. » Un slogan (« Soyez votre propre architecte ») et deux mantras (« Reprendre confiance en soi » et « croire en son potentiel pour acquérir des savoir-faire »), tels sont en substance les fondements de l’association. « On ne fait pas pour eux mais avec eux. Chaque projet est une aventure collective où l’on démontre que l’entraide et la collaboration peuvent déplacer des montagnes. La décoration ne saurait être un luxe inaccessible, elle est au contraire un moyen de reprendre le contrôle de son espace et, par extension, de sa vie », ajoute l’entrepreneuse, lauréate du dispositif Agir In Seine-Saint-Denis en 2021.
L’association lance son propre média, Cocon TV

Assetou Coulibaly (à droite) anime désormais aussi des ateliers en pied d’immeuble avec son association A Chacun son Cocon.
L’époque où Assetou Coulibaly faisait tout toute seule, son bâton de pèlerin à la main, pour aller à la pêche aux partenariats, paraît lointaine. Depuis 2020, son bébé a bien grandi, qui compte désormais une petite cinquantaine de bénévoles (des architectes, des décorateurs d’intérieur, des artisans…) en région parisienne mais aussi à Toulouse (depuis 2023) et Bordeaux (depuis 2024). « Tout est allé très vite, je ne regrette pas un seul instant de m’être lancée dans cette aventure, affirme l’ancienne employée de chez SFR. Aucune autre association en France ne propose ce type de prestations. Les participants n’ont absolument rien à débourser, juste à profiter d’un instant de convivialité qui peut leur changer la vie. » L’originalité du concept a également attiré l’attention des médias qui lui ont consacré moult articles de presse et reportages télé. « Cette belle couverture m’a donné envie de créer, en toute humilité et en toute simplicité, mon propre média, Cocon TV, dévoile Assetou. Le projet vient de naître. Pour le moment, on se contente, avec mes équipes, de recueillir les impressions des bénéficiaires sur les chantiers et d’expliquer le bien-fondé de notre démarche pour donner envie à ceux qui nous regardent de nous rejoindre. »
Profitant du beau temps, des beaux espaces extérieurs et du calme ambiant en ce début d’après-midi, les ateliers bricolage, customisation de meubles et conception de coussins ont finalement été déplacés aux abords de la maison de quartier Floréal – Saussaie – Courtille. Sous un arbre en fleur, Rihab s’affaire à la confection d’un coussin. Sur sa machine à coudre, elle semble très à l’aise et savoir parfaitement où elle va. « J’ai quelques compétences mais j’ai encore beaucoup à apprendre, c’est pour cette raison que je suis venue, raconte-t-elle, modeste. Ce qui me met en joie, c’est que je vais repartir avec ma création. À tous ceux qui s’assiéront contre, sur mon canapé, je pourrai leur dire : ‘’C’est moi qui l’ai fait !’’ ».
Grégoire Remund
Photos: ©Patricia Lecomte
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Article très intéressant