Réservations hôtelières, accès à la culture : les discriminations à l’épreuve du testing
- Des opérations de testing ont été menées avec des chercheurs à l’initiative de l’Observatoire départemental des Discriminations et de l’Égalité qui fête ses 3 ans.
- Il en ressort des discriminations en fonction de l’origine perçue dans le secteur du tourisme et en fonction de la localisation des collèges pour l’accès aux musées ou autres établissements culturels.
- Retrouvez ici les détails de ces testings.
A l’occasion d’une journée de rencontres et d’échanges à Pantin sur les discriminations territoriales, l’Observatoire Départemental des Discriminations et de l’Égalité a présenté les résultats d’opérations de testing menées avec le concours de chercheurs spécialisés (Denis Anne,Sylvain Chareyron, Yannick L’Horty), selon un protocole rigoureux.
Voici ce qu’il en ressort principalement.
Les discriminations ne prennent pas de vacances
Entre mai et juin 2024, les enquêteurs ont conduit une étude approfondie pour évaluer l’impact des discriminations dans les réservations d’hébergements touristiques en France. Dans cette démarche, 1404 demandes de réservation ont été émises afin de réserver deux chambres pour un séjour durant une période de forte affluence, soit la mi-août. Cette analyse a couvert trois régions: la Bretagne, les Pays de la Loire et la Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), en explorant trois types d’hébergement – campings, hôtels et chambres d’hôtes. Les demandes ont été adressées à la fois à des logements proposés sur des plateformes en ligne et directement auprès des établissements.
Pour mesurer les différences de traitement selon l’origine et le lieu de résidence, un protocole de comparaison rigoureux a été appliqué. Quatre profils de clients distincts ont été créés:
- Profil 1: un homme avec un nom et un prénom suggérant une origine française;
- Profil 2: un homme avec un nom et un prénom suggérant une origine ouest-africaine;
- Profil 3: un homme avec un nom et un prénom suggérant une origine française indiquant une résidence en Seine-Saint-Denis (93);
- Profil 4: un homme avec un nom et un prénom suggérant une origine ouest-africaine et indiquant une résidence en Seine-Saint-Denis.S’il apparaît qu’une adresse en Seine-Saint-Denis n’a pas d’impact négatif sur les chances de voir aboutir une demande de réservation (constat constant dans les trois régions et pour chaque type d’hébergement, quel que soit leur niveau de gamme), en revanche les clients dont le prénom et le nom suggèrent une origine d’Afrique de l’Ouest voient leurs chances de recevoir une réponse positive diminuer de plus de 20% par rapport à ceux dont les noms sont perçus comme d’origine française.
Cette pénalité, de grande ampleur, est significative dans chacune des trois régions étudiées et pour les trois types d’hébergements, bien qu’elle soit moins marquée pour les chambres d’hôtes, où la taille de l’échantillon limite la précision des résultats. Par ailleurs, l’effet discriminatoire apparaît d’autant plus fort que l’hébergement est de gamme élevée.
Inégalité territoriale pour l’accès des collèges à la culture
En décembre 2023, une enquête a été menée pour évaluer l’accès à 300 établissements culturels franciliens via un protocole simple: une demande d’information a été envoyée par une professeure de 4e fictive travaillant soit dans un collège en éducation prioritaire de Seine-Saint-Denis, soit dans un collège parisien situé dans un quartier aisé. L’objectif était d’observer d’éventuelles disparités dans les réponses reçues en fonction de la localisation du collège demandeur.
Les résultats de l’enquête révèlent des écarts notables dans le contenu et la qualité des réponses fournies par les établissements culturels en fonction de la localisation du collège.
À niveau de demande et de qualité égale, 11% des réponses adressées au collège de Seine-Saint-Denis sont de moins bonne qualité que celles envoyées au collège de Paris. En outre, quel que soit le type d’activité culturelle concernée et quel que soit le type de réponse étudiée, avec ou sans contrôle de la qualité, une pénalité significative apparaît envers le collège de Seine-Saint-Denis de la part des lieux de culture situés en dehors de Paris.
L’analyse des réponses, ou «verbatim», met en lumière une différenciation marquée entre les deux établissements. Par exemple, pour une demande concernant la même exposition, un établissement (l’institution X) propose un créneau de visite guidée à la classe parisienne, tandis qu’il informe la professeure séquano-dyonisienne que l’exposition n’est «pas adaptée» pour des élèves de 4e, ajoutant qu’aucune visite guidée n’est possible car la thématique «ne figure pas au programme scolaire» de ce niveau.
De plus, les établissements culturels tendent à omettre certaines informations lorsqu’ils répondent au collège de Seine-Saint-Denis. Ainsi, la professeure séquano-dyonisienne est fréquemment redirigée vers le site internet de l’établissement pour plus d’informations, tandis que la professeure parisienne reçoit des détails complets et précis directement par le biais de l’interlocuteur ou interlocutrice. Ces réponses, adressées au collège parisien, sont globalement plus détaillées et bienveillantes, renforçant l’idée d’une inégalité de traitement entre les établissements de Seine-Saint-Denis et de Paris.
Ces résultats mettent donc en évidence des inégalités d’accès aux offres culturelles en Île-de-France, limitant l’accès des élèves de Seine-Saint-Denis à une information de qualité égale et à des opportunités culturelles comparables. L’étude souligne ainsi la nécessité de sensibiliser les établissements culturels à ces enjeux et d’encourager des pratiques d’accueil plus inclusives et équitables.