Audrey Tatry ou le combat pour l’inclusion scolaire

Audrey Tatry ou le combat pour l’inclusion scolaire
Éducation et handicap
  • Mère d'un enfant atteint de TDAH* et de dyspraxie, la rosnéenne Audrey Tatry a attaqué l'État en justice pour que son fils bénéficie des heures d'aides qui lui avaient été notifiées.
  • Mobilisée pour les élèves porteurs de handicap, cette mère courage a fondé l'association « Une école inclusive pour tous » afin d'améliorer leur prise en charge.
  • Avec d'autres parents de l'association, elle a créé l'Adapta'Box, une boîte contenant 15 objets destinés à faciliter la scolarité des enfants à besoins particuliers.

« N’apprend-on pas aux enfants à tenir leur parole ? » s’enflamme Audrey Tatry en remuant ses boucles blondes. Pour cette militante de la FCPE 93 et de nombreuses familles en lutte, il est grand temps que l’État français – et plus spécifiquement le Ministère de l’Éducation nationale – applique réellement ce précieux principe éducatif. Maman d’un petit Sohan atteint de trouble déficitaire de l’attention et de dyspraxie, Audrey se bat depuis des années avec une énergie exemplaire pour aider son fils à suivre une scolarité normale. Et, ce faisant, permettre à d’autres enfants en situation de handicap d’être assistés au quotidien par un AESH (Accompagnant d’élèves en situation de handicap) comme le prévoit pourtant la loi.

20 heures d’aides individuelles non honorées

Tout commence quelques années après l’arrivée de son fils, né en 2017. Audrey constate un retard par rapport aux autres enfants dans les apprentissages : la motricité, le langage… Elle se déplace alors avec Sohan chez des spécialistes : pédiatre, orthophoniste, psychomotricien… et obtient un diagnostic : l’enfant est atteint d’un TDAH et de difficultés à effectuer certains gestes du quotidien.

La mère de famille dépose l’an dernier un dossier à la Maison départementale des personnes handicapées et à l’âge de 6 ans, le jeune Sohan se voit notifié par cette instance 20 heures individuelles avec un AESH chaque semaine afin de suivre correctement les cours. « Malgré ses promesses, l’Éducation nationale n’a finalement donné que 15h d’assistance à mon fils, arguant que les AESH ont des tâches mutualisées entre plusieurs enfants, ce qui soit dit en passant, ne facilite pas la sérénité du travail » s’agace-t-elle. « Ces personnes méritantes travaillent 26 heures en moyenne par semaine pour un salaire de 800 euros, ce qui ne permet pas de vivre.  »

La trentenaire intente un procès contre le rectorat au Tribunal administratif de Montreuil et décide de « faire du bruit » en exposant son combat sur les chaînes BFM, Cnews, l’émission La maison des maternelles, le site web Konbini… Trois jours plus tard, le jugement tombe et l’Éducation nationale se voit contrainte de régulariser la situation du jeune garçon et lui attribuer les 20 heures individuelles. « C’est une fausse victoire puisque ces heures seront enlevées à d’autres enfants » soupire Audrey, qui dénonce le fonctionnement du budget alloué par le Ministère aux AESH qui bloque l’attribution de nouvelles heures une fois l’enveloppe dépensée.

Agir pour changer le regard sur le handicap

Soutenue par d’autres parents et par les adhérent∙e∙s de la FCPE 93 de Rosny-sous-Bois, la jeune femme fonde l’association « Une école inclusive pour tous » afin d’inciter les pouvoirs publics à garantir l’accès des enfants à besoins particuliers à une éducation complète. Très dynamique, elle organise en 2023 des conférences sur l’inclusion scolaire dans sa commune à laquelle elle convie les familles et les professionnel∙le∙s médico-sociaux∙ale∙s.

Le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, contacté par la jeune femme, rejoint le combat de la militante en adoptant en mars un vœu appelant l’État à mettre en place « un plan ambitieux pour le 93 ». « Nous lui demandons 94 millions d’euros pour ouvrir 2200 places et solutions pour les enfants et 72 millions d’euros pour créer 2800 places et solutions pour les adultes » déclare la vice-présidente en charge des solidarités et de la santé Magalie Thibault. « Le Département (NDLR : qui ne gère pas les postes d’AESH) est prêt à prendre sa part, à hauteur de 38 millions d’euros supplémentaires pour les adultes ». 

 

Composition de l'Adaptabox

L’Adapta’Box contient une quinzaine d’accessoires facilitant les apprentissages dont dont un balancier, des cahiers d’écriture, des règles de lecture, des balles antistress, un coussin permettant une assise dynamique pour les enfants hyperactifs…

Une boîte sensibilisant les professeur∙e∙s

Particulièrement motivée, Audrey a organisé l’an dernier un rassemblement devant l’Assemblée nationale pour déposer un cahier de doléances et sensibiliser les institutions sur la pénurie d’AESH. Infatigable, elle décide d’agir « de manière plus concrète » en créant avec des parents d’enfants porteurs de handicap, d’une équipe éducative et de professionnel∙le∙s du secteur médico-social une grande boîte bleue intégrant 15 objets pensés pour faciliter la prise en charge par les enseignant∙e∙s des élèves à besoins particuliers. À l’intérieur, on trouve des stylos ergonomiques, un plan incliné pour rédiger plus facilement, un imagier et une roue des émotions aidant les enfants ayant des difficultés à communiquer à exprimer leurs ressentis, un élastique canalisant l’énergie, un casque anti-bruit destiné à se concentrer ou un sablier afin de mieux évaluer le temps qui passe…

« La boîte est accompagnée d’un ensemble de fiches pratiques destinées aux professeur∙e∙s expliquant comment utiliser chaque objet » ajoute une maman associée au projet. Grâce au soutien de l’Académie de Créteil et de mairies du territoire, une centaine de boîtes vont être produites et seront distribuées pour une phase pilote dans des classes de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et de Seine-et-Marne dès septembre 2024. « Nous comptons sensibiliser les équipes enseignantes, les parents et les élèves et qui sait, élargir ce projet au niveau national et aux élèves du second degré  » sourit la dynamique Rosnéenne, qui a poussé ses pions lors de rendez-vous au Ministère. « Ce serait un énorme soulagement pour les enfants et une façon de changer la mentalité des gens, en leur faisant comprendre qu’on peut être à la fois différents et utiles à la société ». 

 

Audrey Tatry, ses collègues et Stéphane Troussel

Attaché à l’éducation des enfants en situation de handicap, le Département a appelé l’État à un plan d’urgence ambitieux en proposant un financement sur ses fonds propres pour aider les 6700 enfants sans solution adaptée sur le territoire.

*TDAH : Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité

Crédit-photo : Une école inclusive pour tous

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