Variole du singe : vaccination, dépistage, le CeGIDD départemental est là pour vous accueillir
Aurélie Delville et Pauline Mathieu, respectivement infirmière et médecin au centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (CeGIDD) à Bobigny, nous expliquent comment leur établissement répond pour faire face à la variole du singe, entre autres.
Alors que l’UE vient d’acheter 170 000 doses de vaccin supplémentaires, quelle est la situation dans notre département concernant la variole du singe ?
Pauline Mathieu : Pour l’heure, nous ne disposons pas de données précises sur la Seine-Saint-Denis mais, d’après l’Agence régionale de santé (ARS), l’Ile-de-France est la région française la plus touchée avec environ 60% des cas depuis le début de l’épidémie.
Aurélie Delville : Cela est dû à la densité de la population et probablement à un plus grand brassage des populations (voyages à l’étranger et venant de l’étranger).
Pour en finir avec les idées reçues, pouvez-vous nous rappeler ce qu’est que la variole du singe et nous dire comment on l’attrape ?
P.M : La variole du singe est une maladie due à un virus (le Monkeypox) qui était, avant que l’épidémie ne gagne les pays occidentaux, principalement cantonné en Afrique de l’Ouest et du Centre. La contamination était jusqu’alors souvent liée à un contact avec un animal infecté (principalement des rongeurs), même si des contaminations entre personnes étaient possibles, comme on a pu le vérifier au Nigeria. Cette épidémie se caractérise par une transmission entre les personnes par le contact de la peau ou des muqueuses (bouche, sexe, anus), avec les boutons ou les croûtes d’un patient malade, ainsi que par gouttelettes (postillons, éternuement, etc.).
A.D : Environ une semaine après la contamination, la personne va présenter un syndrome grippal (fièvre, maux de têtes, ganglions, douleurs musculaires) souvent associé à une pharyngite, suivi de l’apparition de boutons qui peuvent être très douloureux. Au bout de quelques jours voire quelques semaines, des croûtes apparaissent, puis tombent et cicatrisent. Il n’y a pas de traitement spécifique hormis des soins locaux doux et un traitement de la douleur.
Pourquoi la maladie touche-t-elle davantage les hommes homosexuels et bisexuels ?
P.M : L’épidémie actuelle s’est propagée principalement au sein d’hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes et multipartenaires, le contact prolongé et répété étant propice à la transmission. Pour l’instant, peu de cas ont été recensés parmi les femmes et les enfants. Les efforts de prévention ont donc principalement porté sur cette population pour limiter rapidement et efficacement cette épidémie.
Quelles sont les solutions pour faire baisser les contaminations ?
P.M : Il faut tout d’abord communiquer efficacement auprès de la population : la variole du singe était une maladie très largement méconnue avant la recrudescence en France et il fallait que les personnes à risque puissent reconnaître rapidement les signes de la maladie chez eux et chez les autres afin de limiter les risques de transmission en consultant et en s’isolant rapidement. Il s’agit d’une transmission essentiellement par contact (peau à peau) mais aussi aérienne : le port du masque, les lavages réguliers et la réduction du nombre de partenaires lorsque cela est possible diminuent le risque.
A.D : Le deuxième outil-clé de la prévention dans cette épidémie, est la vaccination : nous avons eu la chance de disposer d’un vaccin contre la variole rapidement, et cela a permis de diminuer les nouvelles contaminations. Le Département s’est très vite positionné pour proposer la vaccination aux consultants éligibles au sein de ses centres. Mais attention, son efficacité étant estimée à ce jour à 85%, il faut rester vigilant.
Dans ce dossier, quel rôle joue le CeGIDD ?
A.D : L’épidémie de variole du singe s’est propagée principalement parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes. Les CeGIDD, et les centres de santé sexuelle, ont très vite été des acteurs clés dans l’information et l’orientation des usagers puis dans le dépistage des personnes présentant des symptômes compatibles avec la variole du singe. Depuis le mois d’août, le CeGIDD a ouvert des créneaux de vaccination dédiés aux patients ayant déjà consulté dans le centre précédemment, mais aussi à leurs compagnons.
P.M : Globalement, le public qui pousse la porte de notre centre est sensible à la prévention. Nous n’avons pas à les convaincre pour venir se faire vacciner. Entre les premiers cas survenus en mai et les premières vaccinations en juillet, les gens se sont posé des questions et on a pu lire une certaine inquiétude chez certains. Nous avons donc beaucoup informé durant cette période d’autant que contrairement, au coronavirus à ses débuts, on connaissait bien la maladie.
Au quotidien, quelles sont vos missions ?
P.M : Nous travaillons en lien avec les associations et également avec les autres CeGIDD de la région grâce aux réunions pilotées par l’ARS Ile-de-France. Tous les jours, lors de nos consultations de santé sexuelle, nous apportons des informations adaptées sur l’épidémie, l’infection et la vaccination. Lors d’une séance de vaccination, nous travaillons toujours en binôme médecin-infirmier.ère. Le médecin vérifie les indications et contre-indications et répond aux questions sur cette vaccination. Il examine éventuellement le patient en cas de doute sur une infection passée ou en cours.
A.D : L’infirmier.ère prépare, administre, surveille et rappelle les éventuels effets secondaires possibles. Nous profitons de cette séance pour proposer un suivi en santé sexuelle si ce n’est pas déjà le cas. En amont, un phoning a été réalisé pour proposer la vaccination et en aval les remontées sont réalisées à l’ARS.
Avez-vous des chiffres sur la campagne de vaccination menée au CeGIDD départemental contre la variole du singe ?
Nous avons commencé la vaccination le 9 août dans le centre, à raison d’un créneau de 20 vaccinations par semaine. Il y avait alors très peu d’offres de vaccination sur le territoire, et les créneaux parisiens étaient très vite remplis. A ce jour, nous avons vacciné une centaine de personnes identifiées comme à risque d’attraper la variole du singe. Les usagers sont très satisfaits de pouvoir profiter de ce centre de proximité.
Durant la crise du Covid, les CeGIDD avaient été particulièrement mobilisés dans le département. Par rapport à la situation que vous traversez actuellement, quelles sont les différences au niveau de l’organisation du travail ?
Durant le Covid, les difficultés étaient d’ouvrir rapidement un grand nombre de créneaux avec un système de rendez-vous efficace. Le vaccin était nouvellement développé et nécessitait une surveillance accrue. De plus, le conditionnement initial du vaccin était peu pratique (1 flacon contenait 10 doses qu’il fallait administrer rapidement). Pour la variole du singe, s’il ne s’agit pas de la même échelle populationnelle, le CeGIDD a bénéficié de son expérience logistique antérieure afin de mettre rapidement en place une vaccination et la proposer aux consultants éligibles.
Propos recueillis par Grégoire Remund