Un mini-bus pour faire du lien social à l’initiative des Petits Frères des Pauvres

Un mini-bus pour faire du lien social à l’initiative des Petits Frères des Pauvres
Solidarités
  • Jusqu’au 25 octobre, un mini-bus financé par la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse et le Département va à la rencontre des habitant·es de Seine-Saint-Denis.
  • L’association, qui lutte à l’échelle nationale contre l’isolement et la pauvreté des personnes âgées, espère ainsi repérer des situations préoccupantes ou recruter des bénévoles.
  • Son rapport annuel fait état d’une augmentation préoccupante de la précarité des personnes âgées, dont 2 millions vivent en France sous le seuil de pauvreté.

« Ca me fait du bien de vous parler, parce que là, je me sens le cerveau soulagé. » Dix minutes que Jacqueline* discute avec Lidgie Kiminou, directrice adjointe Ile-de-France aux Petits Frères des Pauvres, et Isma Zalambani, responsable autonomie au Département, et déjà, le seul fait d’avoir une écoute la fait aller mieux.

Cette dame de 74 ans s’est assise devant le mini-bus des Petits Frères des Pauvres qui stationne ce jour-là devant la Cité de l’Etoile à Bobigny.

Devant un thé chaud et aux côtés de sa voisine de palier Sandra, Jacqueline, 22 ans de vie à Bobigny dont un bon nombre à travailler comme femme de ménage ou nounou, se confie. Plusieurs choses lui « font du souci » : son renouvellement de carte de séjour est bloqué depuis qu’elle s’est fait voler son sac avec tous ses papiers à l’intérieur, elle a la santé fragile depuis une hospitalisation pour Covid et ne voit plus grand monde depuis que ses fils sont rentrés « au pays».

Alors parler lui fait du bien, beaucoup de bien. Lidgie Kiminou prend ses coordonnées pour éventuellement la mettre en contact avec un bénévole qui l’accompagnerait au sein des Petits Frères des Pauvres et Isma Zalambani promet de débrouiller cette histoire de carte de séjour.

Exactement le but poursuivi par ce mini-bus. Jusqu’au 25 octobre, cet outil de « l’aller-vers » va sillonner 17 villes du département, repérées par les Petits Frères des Pauvres comme des « zones blanches » sur le département. Autrement dit, des villes où l’association n’a pour l’instant pas de local ou d’équipe de bénévoles.

Depuis 80 ans qu’elle existe, l’association, qui publiait le 1er octobre son 9e rapport annuel (voir par ailleurs), défend en effet l’idée que la pauvreté se combat par des politiques publiques fortes, mais aussi par une attention mutuelle. Raison pour laquelle elle veille à faire accompagner les personnes âgées par des bénévoles référents.

400 personnes âgées accompagnées par 270 bénévoles en Seine-Saint-Denis

En Seine-Saint-Denis, 400 personnes âgées sont ainsi accompagnées par quelque 270 bénévoles, mais qui commencent à manquer. « Avec des situations qui se tendent un peu partout et aussi, disons-le, l’individualisme de notre société, les gens ont moins le temps pour le bénévolat. Le but à travers ce mini-bus est donc de sensibiliser aux bonnes volontés, en plus de repérer éventuellement des personnes en difficulté », récapitule Mona, coordinatrice aux Petits Frères des Pauvres depuis 3 ans à Aulnay.

Exposition « Pauvres vieux » signée Pierre Faure et Magali Sennane

C’est exactement comme cela que Vic, bénévole tout récent et habitant de Montreuil, a rejoint l’association. « C’est ma toute première sortie en tant que bénévole, mais je crois que j’ai toujours eu une étiquette d’aidant. On a tous des grands-parents, un voisin âgé à qui ça fait du bien de parler un peu, ne serait-ce que lui dire bonjour. » Alors quand, il y a 3 mois, le trentenaire a entendu parler de cette association, il a franchi le pas sans hésiter.

Face à une paupérisation croissante de la population, les Petits Frères des Pauvres et d’autres associations comme ATD Quart-Monde ou le Secours populaire ont fort à faire. Ils peuvent en tout cas compter sur le soutien du Département, qui n’a pas hésité à soutenir ce mini-bus, en même temps que d’autres politiques d’innovations sociales comme la carte Ikaria, faite pour faciliter l’accès aux loisirs des plus de 60 ans ou l’expérimentation de la carte Vitalim pour lutter contre la précarité alimentaire. « On dit souvent qu’en Seine-Saint-Denis nous avons la population la plus jeune de France métropolitaine, mais cela ne doit pas masquer le fait que notre population de seniors est très vulnérable, soulignait ainsi Stéphane Troussel, présent lors du dévoilement du rapport. Et le président du Département de poursuivre : Plus que d’autres, du fait des métiers difficiles qu’elle a exercés et des conditions socio-économiques, la population de Seine-Saint-Denis est confrontée de manière précoce à la perte d’autonomie. Nous devons ainsi tous ensemble endiguer les phénomènes de paupérisation que nous observons actuellement. »

Christophe Lehousse

Photos: ©Nicolas Moulard

*Les prénoms ont été changés

Les dates de passage du mini-bus en Seine-Saint-Denis :

– Pavillons-sous-Bois : 4 octobre

– Rosny-sous-Bois : 3 octobre

– Neuilly-Plaisance : 8 octobre

– Neuilly-sur-Marne : 9 octobre

– Villemomble : 15 octobre

– Pavillons-sous-Bois : 17 octobre

– Sevran : 25 octobre

Les adresses exactes sur : Itinérance 93

Une personne pauvre sur 5 est désormais est une personne âgée : le rapport des Petits Frères des Pauvres alerte sur la paupérisation des 60-75 ans

Sébastien* vit dans une maison pour personnes âgées à Saint-Denis. Aujourd’hui, il « va bien », fait l’écrivain public pour d’autres personnes de sa résidence et laisse même libre cours à son âme de poète. Mais il y a 10 ans, cet homme de 74 ans n’avait pas le coeur à écrire des poèmes. « A l’époque, je n’avais ni RSA, ni minimum vieillesse. Parfois, je dormais sans avoir mangé, j’étais vraiment mal. Ce sont les Petits Frères des Pauvres qui m’ont sorti de cette mauvaise passe », témoigne cet ancien chef d’entreprise qui a mis longtemps à se relever de la faillite de sa société de tannerie en Italie.

« Moi qui ai deux fils, à la fin je ne parlais même plus avec eux, tellement j’avais honte. Et pour les aides, au départ, je ne savais pas vers qui me tourner. Ce sont les Petits Frères des Pauvres qui m’ont guidé. »

De g. à d: Arielle Viseux, responsable Ile-de-France des Petits Frères des Pauvres; Anne Rubinstein, déléguée interministérielle du gouvernement en charge de la lutte contre la pauvreté; Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart-Monde et Jérôme Voiturier, directeur général de l’Union interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss)

Des propos qui font écho au rapport annuel publié le 1er octobre par les Petits Frères des pauvres, à l’occasion de la Journée internationale des personnes âgées. Dans cette étude qui s’occupe chaque année d’une thématique différente, l’association qui accompagne 22 000 personnes âgées sur toute la France s’est penchée cette fois-ci sur la pauvreté qui frappe aussi beaucoup de seniors. Verdict : les chiffres sont en augmentation, du fait de la hausse du coût de la vie et des très nombreuses petites retraites. Sur les 9 millions de pauvres en France – autrement dit les personnes vivant avec moins de 1216 euros par mois, qui correspond au seuil de pauvreté en France – 2 millions ont 60 ans et plus. Menée auprès de 755 personnes et très détaillée, l’étude communique des chiffres assez inquiétants,. A tel point que Yann Lasnier, délégué général de l’association, parle même de « fabrique de vieux pauvres, la génération de travailleurs pauvres qui approchent de la soixantaine constituant à coup sûr les vieux pauvres de demain… »

Parmi les marqueurs qui doivent alarmer, on en gardera deux en tête : 69 % des interrogés disent s’être privés de quelque chose au cours de l’année écoulée, de restaurant (43 %) et de vacances (41 %) tout particulièrement. Et plus d’une personne d’une personne âgée pauvre sur 2 ne bénéficie d’aucune aide et s’estime mal informée, ce qui n’empêche pas que seulement 31 % d’entre elles souhaitent être accompagnées pour connaître leurs droits. Ce qui, là encore, résonne avec le témoignage de Sébastien : « dans ces moments-là, on a tellement honte qu’on ne veut plus rien demander… »

Une personne âgée pauvre sur 2 sur deux ne bénéficie d’aucune aide

Sur ce sujet particulièrement préoccupant du « non-recours », Yann Lasnier avançait une proposition toute simple qui se joignait aux 19 autres préconisations formulées par l’association : la création d’une solidarité à la source, tout comme il existe depuis 2019 l’impôt à la source. Autrement dit le versement automatique du minimum vieillesse et des autres prestations aux ayant-droit. Toute la Bourse du Travail de Bobigny, où avait lieu la présentation de ce rapport, était aussi unanime pour appeler de ses vœux la revalorisation sans délai du minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté. En 2024, le minimum vieillesse – aussi nommée Allocation de Solidarité aux Personnes âgées (ASPA) – est en effet inférieur de 204 euros au seuil de pauvreté.

Le président de la Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel lors de la présentation à Bobigny du rapport annuel des Petits Frères des Pauvres

Magalie Thibault, vice présidente du Département en charge des Solidarités, elle aussi intervenante de la journée, donnait quant à elle quelques pistes d’innovation menées dans le 93, tout en soulignant le concours bien incomplet de l’État : l’expérimentation de la carte Vitalim auprès de 1350 personnes dans le besoin. « A raison de 50 euros par mois, cette carte a l’avantage d’être non-stigmatisante et d’encourager aussi à une alimentation équilibrée puisqu’elle s’accompagne de sommes supplémentaires lorsqu’elle concerne des produits frais et bio. » Ou encore les actions d’aller-vers en matière de santé, comme le bus bucco-dentaire qui sillonne la Seine-Saint-Denis et un certain nombre d’Ehpads pour effectuer des dépistages dentaires pour un certain nombre de résidents privés de mobilité.

« Il faut apprendre à changer notre regard sur les gens, à ne pas voir « juste un pauvre » derrière une personne qui peut paraître en difficulté, parce que, comme beaucoup de gens, il a sûrement en lui une grande richesse », insistait à nouveau Sébastien le poète, auteur de 400 poèmes en français et en arabe. Dont celui-ci, intitulé « La gratitude » : « Merci pour l’ami qui sait si bien ne pas compter/ Et pour celui sur qui on peut toujours compter/ Ma vie est remplie de mercis./ Je dis merci comme je dis bonjour / C’est un petit mot simple mais qui pèse lourd/ Si mes lèvres l’expriment avec douceur/ c’est qu’il prend naissance au fond de mon coeur/ Merci de m’avoir permis de vous dire merci  ».

CL

Photos: ©Nicolas Moulard

Tous les commentaires1

  • Françoise Koca

    C’est très important ce que vous faites ! Bravo ! Les gens pauvres et âgés souvent cachent leur misère, par dignité ! Combien ne se chauffe pas, parce que c’est trop cher !

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