Soutenir les parents face au deuil périnatal

Soutenir les parents face au deuil périnatal
PMI
  • Le centre de PMI Empathie, situé à Bobigny, accompagne les familles confrontées à un décès périnatal ou à la mort inattendue de leur nourrisson.
  • Une équipe composée d'une médecin, de deux psychologues cliniciennes et d'une puéricultrice apporte un soutien médico-psychologique aux parents endeuillés.
  • Rencontre avec les professionnelles de cette structure unique en France dans le cadre d'un réseau de PMI.

Pourquoi et dans quelles circonstances le centre PMI Empathie a-t-il été créé en 1982 ?

Annick Grué, médecin : Ce centre a été lancé en 1982, sous l’impulsion du Dr Jacqueline de Chambrun, une médecin pédiatre à l’origine du premier service de PMI en Seine-Saint-Denis. Préoccupée par plusieurs situations de décès par mort inattendue du nourrisson (décès inexpliqué touchant les bébés de moins de 2 ans) survenues en crèche à cette période sur notre territoire, elle a considéré que cela relevait d’un problème de santé publique dont la PMI devait s’occuper. Elle a mis en place un protocole d’autopsie avec entre autres l’Assistance publique de Paris pour identifier les causes des décès. Elle a ensuite créé un service de soutien aux professionnels de la petite enfance concernés puis aux familles endeuillées.
En 1999, notre structure s’est vue rajouter la mission d’accompagner les foyers touchés par un décès périnatal (deuil qui survient durant la grossesse ou dans les jours qui suivent l’accouchement) ou néonatal (survenant jusqu’à 28 jours après la naissance) qui peuvent prendre différentes formes : arrêt spontané de grossesse, interruption médicale de grossesse, enfant mort-né, décès d’enfants prématurés…
Concrètement, nous apportons un soutien médico-psychologique aux familles, souvent orientées vers notre centre par les médecins, les maternités, les PMI dans le cas des décès périnatals ou par le centre de référence des morts inattendues du nourrisson de l’hôpital Jean-Verdier de Bondy.
Nous allons au-devant des parents en leur proposant peu après les obsèques de leur enfant un entretien téléphonique, une visite à domicile ou une rencontre dans notre structure ou dans un centre de PMI de leur quartier. Les entretiens se font toujours à deux : médecin / psychologue ou puéricultrice / psychologue pour répondre au mieux à la complexité des situations rencontrées. Cet accompagnement « cousu main » peut durer des années. L’an dernier nous avons accompagné une centaine de familles.

Vous réalisez également un travail de prévention des morts inattendues du nourrisson (MIN), qui a été très efficace d’ailleurs…

Annick Grué : Nous pouvons nous déplacer dans les PMI ou les maternités pour rencontrer les professionnels au contact des parent, pour rappeler les conseils de prévention des MIN. Celles-ci peuvent être évitables en couchant le bébé à plat sur le dos, en adaptant la température de la chambre, en évitant le co-sleeping ou les couvertures dans le berceau du bébé susceptibles d’entraîner un étouffement…
La campagne de préventions mise en place en France en 1994 a fait chuter de 75% les morts subites du nourrisson, une tendance positive qui s’observe aussi en Seine-Saint-Denis.

Les parents qui viennent vous voir doivent être dévastés par le décès d’un être qui portait tous leurs rêves. Comment recueillez-vous leur parole ?

Lucineia Martins Dos Santos, psychologue clinicienne : Le plus souvent après un premier entretien téléphonique, nous rencontrons les familles dévastées par ce qui est pour elles impensable : affronter la mort alors qu’elles se préparaient à donner la vie. Ces personnes souffrent souvent de symptômes d’anxiété, de dépression, voire de syndrome de stress post-traumatique. Notre équipe est très attentive à la mise en mot des émotions. Le deuil périnatal est singulier car il s’agit d’un être qui n’a pas vécu en dehors du ventre maternel mais que l’on a imaginé, rêvé.
Notre mission consiste à écouter leur la souffrance des parents, les aider à la métaboliser et les soutenir dans leur cheminement de deuil. Nous accueillons aussi les enfants aînés confrontés à l’immense tristesse de leurs parents et qui n’ont pas toujours les mots ni la compréhension de cet événement. Nous pouvons aussi accompagner les grands parents.
Ce sens de l’écoute et cette empathie sont d’autant plus importantes que la mortalité infantile reste encore taboue dans notre société, l’entourage aussi a beaucoup de mal à en parler et les parents restent trop souvent dans leur solitude ou leur culpabilité, en particulier pour les mères. Notre centre leur donne la possibilité de s’exprimer, de continuer à parler de leur enfant et dire par quelles étapes ils passent.

 

Les spécialistes insistent souvent sur l’importance des rituels dans le travail de deuil. Vous confirmez cela ?

Françoise Laoufir, psychologue clinicienne : En effet, en général, les maternités proposent aujourd’hui aux mères endeuillées après l’accouchement de rencontrer leur bébé décédé, de le prendre dans les bras si elles le souhaitent. Des photos, des empreintes des mains et des pieds peuvent être données aux parents…Ces rituels permettent aux familles de se fabriquer des souvenirs avant la séparation définitive avec le corps de l’enfant lors des obsèques.
Notre travail d’accompagnement commence souvent à ce moment-là.
Cette épreuve engendre fréquemment des incompréhensions entre les parents, les pères ayant culturellement tendance à ne pas exprimer leurs émotions. L’activité de notre centre est un travail de prévention primaire visant à prévenir les complications du deuil et leurs répercussions sur les parents, les enfants aînés et les enfants à naître puisque de nombreux décès périnataux sont suivis par de futures grossesses, que nous accompagnons aussi.

En Seine-Saint-Denis, la mortalité infantile est plus élevée que dans le reste de la France. Comment comprendre ce phénomène ?

Christine Da Silva, puéricultrice  : Une étude de l’INSERM parue en 2022 montre en effet que le nombre de bébés morts-nés ou décédés juste après leur naissance est de 40% plus élevé dans notre département que dans le reste de la France. Elle a identifié plusieurs facteurs expliquant cette surmortalité : la prévalence de maladies chroniques des mères (diabète, obésité), l’absence de couverture sociale pour les femmes les plus précaires, la barrière de la langue qui complique la compréhension des conseils de santé pour les publics allophones… Le Département a tenté de s’organiser en formant les sage-femmes des PMI pour mener des actions de prévention du diabète gestationnel. Des conseils sur les pratiques alimentaires sont donnés en tenant compte du pays d’origine des femmes, les professionnelles les orientent aussi pour des ouvertures de droit. Dans notre centre Empathie 93, nous faisons appel à des interprètes en cas de besoin, afin d’adapter notre accompagnement au plus près de chaque situation.

 

Un ciné-débat pour la Journée mondiale du deuil périnatal

Les Séquano-Dionysien·nes sont invité·es mardi 15 octobre à 18h à la projection du film documentaire « La vie d’après… » réalisé par Bérangère Hauet au cinéma Le Méliès de Montreuil (12 place Jean-Jaurès).

Ce film sera suivi par un débat avec les professionnelles du centre de PMI Empathie 93, le Dr Beauquier-Macotta de l’Unité de psychopathologie de Montreuil, Anne Dejean, sage-femme de l’Équipe ressource de soins palliatifs pédiatriques en Île-de-France PALIPED ainsi que l’association AGAPA

Projection gratuite sur inscription

Crédit-photo : Nicolas Moulard et Carine Arassus

À lire aussi...
Grossesse

PMI : des ateliers pour prévenir le diabète gestationnel

La prévention de l’obésité et du surpoids chez l’enfant passe aussi par un suivi précoce et l’information des futures mères sur le diabète gestationnel. Le Département en a fait un des axes prioritaires du projet de santé publique de ses[...]
À lire aussi...
Bel Été

Baby-hand, baby-gym… ça bouge dans les PMI !

Le retour du Bel Été solidaire olympique c'est aussi pour les plus jeunes ! De nombreux clubs de sports investiront les PMI cet été pour des initiations à différents sports !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *